Sciences de la Santé
Est-ce qu’on peut dire que cette formation équivaut à
une spécialité proprement dite en urgence ?
Pas du tout. Elle reste très insuffisante.
De plus, la spécialité proprement dite n’existe
malheureusement pas encore en Algérie contrairement
à d’autres pays, notamment la France et le Maroc.
Allons au vif du sujet ! Qu’est-ce qui définit une
urgence selon vous ?
L’imprévu ! L’urgence ne connaît pas de
rendez-vous. On peut donc dire simplement que c’est
tout malade qui se présente à notre niveau sans l’avoir
envisagé.
Au niveau hospitalier, il me paraît important aussi
de noter l’existence de deux types d’urgences :
l’urgence vraie et l’urgence ressentie. L’urgence vraie
est une situation pathologique qui risque d’engager
le pronostic vital si l’on n’agit pas rapidement pour
la prendre en charge. L’urgence ressentie, par contre,
est toute situation perçue par le malade ou ses
accompagnateurs comme étant un réel danger alors
qu’en réalité « rien ne presse » ; on a suffisamment le
temps de poser le diagnostic et de traiter.
Lorsqu’on se documente sur la médecine d’urgence,
on rencontre souvent la notion de « médecine de
catastrophe ». Pouvez-vous nous expliquer en quoi
cela consiste-t-il ?
La médecine de catastrophe est une branche
de la médecine d’urgence qui concerne les accidents
et les catastrophes impliquant un nombre massif
de victimes, à titre d’exemple : séisme, inondation,
attentats, etc.
Pour faire simple c’est beaucoup de malades en même
temps. Notez bien que face à une situation pareille, on
met en marche le plan : « organisation des secours »
dit « ORSEC » qui permet, comme son nom l’indique,
d’organiser les secours à fin de prodiguer les premiers
secours sur place et évacuer rapidement les blessés
graves vers les hôpitaux.
Vous nous mentionniez plus haut le chiffre croissant
d’accidents de la voie publique. Que pouvez-vous nous
dire à propos de ce sujet ?
Avec plus de 4000 accidents par an, l’Algérie
vient en troisième position à l’échelle mondiale après
les USA et l’Allemagne.
Et ce chiffre ne cesse de croître à cause du trafic routier
très dense et du niveau de vie élevé. Il faut rappeler
aussi que c’est la première raison pour laquelle on
a décidé d’instaurer une formation en médecine
d’urgences en Algérie.
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AUTOMNE 2018 /HIVER 2019
Parlons un peu de votre milieu professionnel. On
imagine souvent le pavillon des urgences comme un
endroit extrêmement stressant et prenant pour le
personnel qui y opère. Est ce que vous jugez que vous
travaillez plus que vos collègues médecins spécialistes
des autres services ?
Ouiii ! *rires* On n’a pas réellement d’horaires
fixes de travail, tout dépend du patient et son urgence.
On ne peut pas réellement parler de volume horaire
dans notre cas. Il s’agit plutôt de volume de charge.
Et puis sachez aussi que les généralistes établissent
un tri des malades avant de les envoyer au pavillon
des urgences, ce qui contribue à éliminer les «fausses»
urgences en quelques sortes, ce qui nous allège
beaucoup !
Dites-nous quelle est la première chose à faire pour
un patient qui se présente aux urgences ?
Il faut l’inspecter avec précision en premier
lieu. Dites vous qu’un malade qui se présente en
marchant possède un pronostic probablement plus
rassurant qu’un malade qui arrive allongé sur un
brancard. Comme on dit « âainek hiya mizanek » et
chaque détail compte.
Tout à fait d’accord et il ne faut surtout pas hésiter
à commencer l’interrogatoire immédiatement pour
recueillir le maximum d’informations sur l’étiologie à
l’origine de l’urgence en question.
Vous recevez des patients 24h/24, parfois au même
moment. Comment savoir quelle urgence prime sur
une autre ?
Il faut savoir faire la nuance entre urgence
et extrême urgence, dites « vitales ». Par exemple si
au même moment arrive un patient avec un coma
diabétique et un autre avec un infarctus du myocarde,
je commence par celui qui a l’infarctus. Par contre
entre un infarctus et un arrêt cardiaque, je commence
par l’arrêt cardiaque. Il peut arriver aussi que deux
urgences de pronostics vitaux similaires se présentent
à nous. Dans ce cas par exemple s’il s’agit d’un jeune
et d’un vieux, je commence par le jeune. Néanmoins
cela reste toujours très complexe et contraignant
moralement lorsqu’on se retrouve face à des situations
pareilles. Tout dépend vraiment du cas.
On aimerait profiter de l’occasion de pouvoir nous
servir un petit peu dans votre expérience. Voulez-
vous bien vous prêter à un petit jeu ? On va vous citer
quelques urgences plus ou moins connues et dites
nous, en une phrase, ce qui vous vient à l’esprit en
premier. Si je vous dis :