parmi lesquelles 70% (soit 3.8 millions d’évènements)
auraient pu être évités.[4] Les événements iatrogènes
médicamenteux sont clairement un problème de santé
publique et leur nombre doit être réduit sans pour
autant altérer l’efficacité des soins d’urgence.
Les pharmaciens peuvent potentiellement apporter
une solution à ce problème. C’est la raison pour laquelle
l’Université américaine de Rochester a entreprit
de mettre en place et d’optimiser une formation
pharmacien d’urgence (Emergency Pharmacist Program)
tout en initiant une étude à grande échelle destinée
à déterminer de manière quantitative les effets du
EP Program sur le taux des évènements iatrogènes
médicamenteux et des mesures de qualité liés aux
médicaments.[5]
Le pharmacien clinicien, une nécessité prouvée
Aux SUs, comme en milieu hospitalier, la
prévalence des évènements iatrogènes évitables
est élevée. Les erreurs liées aux médicaments
représenteraient un facteur significatif responsable
de ces erreurs dans les deux milieux. Cependant, une
analyse américaine d’échelle nationale a rapporté que
deux fois plus d’erreurs liées aux médicaments causaient
des complications au niveau des SUs, comparé au milieu
hospitalier.[6] Une étude aux USA, analysant l’Enquête
sur les Soins médicaux Ambulatoires dans les Hôpitaux
Nationaux des Centres pour le Contrôle et la Prévention
des Catastrophes (Disease Control and Prevention’s
National Hospital Ambulatory Medical Care Survey), a
constaté que les médecins urgentistes prescrivaient
fréquemment des médicaments inappropriés aux
personnes âgées, et que le taux ces prescriptions est
resté inchangé tout au long de la période analysée
(soit de 1992 à 2000).[7] Une autre étude a trouvé
que 3.6% des patients reçoivent des prescriptions de
médicaments inappropriés aux SUs, et que 5.6% des
patients en reçoivent en sortant de l’hôpital.[8] Une
étude, menée en Autriche cette fois-ci, a déclaré que les
réactions indésirables avaient le potentiel de survenir
chez 5.4% des patients ayant reçu des médicaments.
[9] Les patients se rendent aussi compte de ce risque
présent aux SUs. En effet, selon une étude récente, 38%
des patients qui se présentent aux divers SUs craignent
qu’ils ne soient victimes d’une erreur médicale.[10]
Outre les erreurs liées aux médicaments, les difficultés
particulières auxquelles les équipes de soin sont
confrontées font du SU un environnement à haut
risque. Contrairement aux milieux hospitaliers, les
médicaments sont prescrits, dispensés et administrés
rapidement au moment même de la consultation.
Dans les situations les plus urgentes, une prévalence
encore plus élevée des commandes verbales a été
constatée. Aux SUs, les patients admis sont étrangers
aux médecins urgentistes qui, le plus souvent, n’ont
pas accès aux dossiers médicaux complets de leurs
patients. Par conséquent, ils n’ont aucune information
sur les médicaments prit par lesdits patients, leurs
historiques médicamenteux ou leurs allergies. Les
médicaments sont donc dispensés directement, sans
vérification pharmaceutique de ces commandes,
connues pour être imprévisibles et sensibles au facteur
temps. Dans les situations d’urgence, la plupart des
médicaments sont à haut risque et sont administrés
sous forme d’injection intraveineuse, notamment les
inotropes cardiaques et les sédatifs. L’équipe médicale
est contrainte de traiter plusieurs patients en même
temps, empêchant tout suivi thérapeutique des
malades et réduisant, de ce fait, considérablement les
chances de détecter les interactions médicamenteuses
indésirables. L’environnement à haut risque des SUs est
aussi significativement dû au nombre important des
occupants du service : les médecins et les infirmiers
traitent leurs patients à l’aide de médicaments qui leurs
sont peu familiers, dans un environnement surchargé
et trop chaotique. Prenant en charge les situations
d’urgences, fournissant les premiers soins et traitant
les malades qui attendent la rare libération de lits
d’hospitalisation, le SU fait office d’un petit hôpital où,
dans ces conditions chaotiques (rassemblant patients
hospitalisés, en ambulatoire et en condition critique),
la sécurité médicale garantie est minime.
Le pharmacien clinicien représenterait une solution
efficace à ces problèmes rencontrés. Loin de
considérer l’erreur médicale comme responsabilité
individuelle des professionnels de santé (méthode
jugée démodée et non productive dans l’amélioration
de la sécurité), il s’agit d’une solution à grande échelle
permettant d’intercepter les évènements iatrogènes
médicamenteux à plusieurs niveaux du système de
santé. Ceci rend possible la réduction du danger qu’ils
représentent avant même que ces derniers n’atteignent
le patient. En effet, les objectifs du système de santé pour
assurer la sécurité consistent, dans un premier temps,
à empêcher la survenue d’erreurs et, dans un second
temps, « absorber » les erreurs déjà survenues. Ces deux
fonctions peuvent être accomplies simultanément par
l’addition d’un pharmacien clinicien au sein de l’équipe
médicale, permettant ainsi de détecter et de corriger
ReMed Magazine - Numéro 7/8
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