ReMed 2019 Urgences ReMed Magazine Numéro 7-8 (6) | Page 21

parmi lesquelles 70% (soit 3.8 millions d’évènements) auraient pu être évités.[4] Les événements iatrogènes médicamenteux sont clairement un problème de santé publique et leur nombre doit être réduit sans pour autant altérer l’efficacité des soins d’urgence. Les pharmaciens peuvent potentiellement apporter une solution à ce problème. C’est la raison pour laquelle l’Université américaine de Rochester a entreprit de mettre en place et d’optimiser une formation pharmacien d’urgence (Emergency Pharmacist Program) tout en initiant une étude à grande échelle destinée à déterminer de manière quantitative les effets du EP Program sur le taux des évènements iatrogènes médicamenteux et des mesures de qualité liés aux médicaments.[5] Le pharmacien clinicien, une nécessité prouvée Aux SUs, comme en milieu hospitalier, la prévalence des évènements iatrogènes évitables est élevée. Les erreurs liées aux médicaments représenteraient un facteur significatif responsable de ces erreurs dans les deux milieux. Cependant, une analyse américaine d’échelle nationale a rapporté que deux fois plus d’erreurs liées aux médicaments causaient des complications au niveau des SUs, comparé au milieu hospitalier.[6] Une étude aux USA, analysant l’Enquête sur les Soins médicaux Ambulatoires dans les Hôpitaux Nationaux des Centres pour le Contrôle et la Prévention des Catastrophes (Disease Control and Prevention’s National Hospital Ambulatory Medical Care Survey), a constaté que les médecins urgentistes prescrivaient fréquemment des médicaments inappropriés aux personnes âgées, et que le taux ces prescriptions est resté inchangé tout au long de la période analysée (soit de 1992 à 2000).[7] Une autre étude a trouvé que 3.6% des patients reçoivent des prescriptions de médicaments inappropriés aux SUs, et que 5.6% des patients en reçoivent en sortant de l’hôpital.[8] Une étude, menée en Autriche cette fois-ci, a déclaré que les réactions indésirables avaient le potentiel de survenir chez 5.4% des patients ayant reçu des médicaments. [9] Les patients se rendent aussi compte de ce risque présent aux SUs. En effet, selon une étude récente, 38% des patients qui se présentent aux divers SUs craignent qu’ils ne soient victimes d’une erreur médicale.[10] Outre les erreurs liées aux médicaments, les difficultés particulières auxquelles les équipes de soin sont confrontées font du SU un environnement à haut risque. Contrairement aux milieux hospitaliers, les médicaments sont prescrits, dispensés et administrés rapidement au moment même de la consultation. Dans les situations les plus urgentes, une prévalence encore plus élevée des commandes verbales a été constatée. Aux SUs, les patients admis sont étrangers aux médecins urgentistes qui, le plus souvent, n’ont pas accès aux dossiers médicaux complets de leurs patients. Par conséquent, ils n’ont aucune information sur les médicaments prit par lesdits patients, leurs historiques médicamenteux ou leurs allergies. Les médicaments sont donc dispensés directement, sans vérification pharmaceutique de ces commandes, connues pour être imprévisibles et sensibles au facteur temps. Dans les situations d’urgence, la plupart des médicaments sont à haut risque et sont administrés sous forme d’injection intraveineuse, notamment les inotropes cardiaques et les sédatifs. L’équipe médicale est contrainte de traiter plusieurs patients en même temps, empêchant tout suivi thérapeutique des malades et réduisant, de ce fait, considérablement les chances de détecter les interactions médicamenteuses indésirables. L’environnement à haut risque des SUs est aussi significativement dû au nombre important des occupants du service : les médecins et les infirmiers traitent leurs patients à l’aide de médicaments qui leurs sont peu familiers, dans un environnement surchargé et trop chaotique. Prenant en charge les situations d’urgences, fournissant les premiers soins et traitant les malades qui attendent la rare libération de lits d’hospitalisation, le SU fait office d’un petit hôpital où, dans ces conditions chaotiques (rassemblant patients hospitalisés, en ambulatoire et en condition critique), la sécurité médicale garantie est minime. Le pharmacien clinicien représenterait une solution efficace à ces problèmes rencontrés. Loin de considérer l’erreur médicale comme responsabilité individuelle des professionnels de santé (méthode jugée démodée et non productive dans l’amélioration de la sécurité), il s’agit d’une solution à grande échelle permettant d’intercepter les évènements iatrogènes médicamenteux à plusieurs niveaux du système de santé. Ceci rend possible la réduction du danger qu’ils représentent avant même que ces derniers n’atteignent le patient. En effet, les objectifs du système de santé pour assurer la sécurité consistent, dans un premier temps, à empêcher la survenue d’erreurs et, dans un second temps, « absorber » les erreurs déjà survenues. Ces deux fonctions peuvent être accomplies simultanément par l’addition d’un pharmacien clinicien au sein de l’équipe médicale, permettant ainsi de détecter et de corriger ReMed Magazine - Numéro 7/8 21