ReMed 2019 Urgences ReMed Magazine Numéro 7-8 (6) | Page 20

Sciences de la Santé Pharmacien cliniciens aux services d’urgences Mohamed Redha Difallah Résumé Le développement des sciences pharmaceutiques a abouti, vers la fin du siècle dernier, à l’émergence de la pharmacie clinique ; une nouvelle discipline exercée en milieu hospitalier afin d’optimiser la thérapeutique du patient. La propagation accrue de cette pratique, conséquence immédiate de son efficacité, englobe l’ensemble des services médicaux proposés par les différentes structures de santé de par le monde. L’incorporation de la pharmacie clinique, à ses débuts, était rare en médecine d’urgence. Cependant, dans cet environnement, son développement fût nécessaire compte tenu du risque élevé des évènements indésirables liés aux médicaments. Le pharmacien clinicien contribue ainsi à la réduction des dépenses de santé tout en complétant l’équipe médicale des urgences par son approche pharmacologique. Ces structures de renommée mondiale aspirent de ce fait à éviter les évènements indésirables liés à la médication et agissent ainsi dans le but d’améliorer l’efficacité des traitements et la sécurité des patients. Pour l’atteinte de ces objectifs, le rôle de la pharmacie clinique en médecine d’urgence a donc été reconnu et mis en avant. Pharmacie clinique, de la naissance jusqu’aux urgences L a pharmacie clinique a vu le jour au début des années soixante à la suite d’un mécontentement général à l’égard des pratiques médicales de l’époque. En effet, il y avait un nombre non négligeable d’évènements iatrogènes médicamenteux responsables de décès ou d’incapacités parfois majeurs au sein des hôpitaux. Ces évènements évitables (effets indésirables ou des erreurs médicamenteuses potentielles ou avérées) sont causés par un mauvais usage des médicaments en milieu hospitalier. Il est donc paru un besoin urgent de professionnels de santé ayant des connaissances approfondies sur l’usage thérapeutique des médicaments. C’est ainsi que les bases de la discipline ont été fondées à l’Université du Michigan aux États-Unis, bases sur lesquelles David Burkholder, Paul Parker et Charles Walton de l’Université du Kentucky ont bâti la pharmacie clinique à la fin de la décennie. On assiste à l’émergence de la pharmacie clinique proprement dite, celle décrite par Walton : « La pharmacie clinique est l’utilisation optimale du jugement et des connaissances pharmaceutiques et biomédicales du Pharmacien dans le but d’améliorer l’efficacité, la sécurité, l’économie et la précision selon lesquelles les médicaments doivent être utilisés dans le traitement des patients. » (Ch. Walton, université de Kentucky, 1961).[1] 20 AUTOMNE 2018 /HIVER 2019 Cette définition précise que la pharmacie clinique est une discipline axée sur l’utilisateur du médicament, le patient ; parallèlement à la pharmacie classique qui a eu, depuis sa fondation, ledit médicament comme principal centre d’intérêt. Elle peut être simplement synthétisée comme « l’exercice de la pharmacie au lit du patient » étant donné qu’elle trouve son origine étymologique du mot grec « klinos » signifiant « le lit ». L’incorporation de pharmaciens cliniciens en milieu hospitalier s’est en effet traduite par la sécurisation et l’optimisation de la thérapeutique du patient. Ils sont organisés dans le but de vérifier les prescriptions, conseiller les patients, veiller à leur adhésion aux traitements prescris, recueillir leurs historiques médicamenteux, assurer leurs suivis thérapeutiques et participer à la formation et à l’information de l’équipe médicale. La présence de la pharmacie clinique dans les services d’urgence (SU) est rare compte tenu de la complexité du milieu. Ce manque est cependant paradoxal, étant donné que les urgences présentent un environnement à risque élevé avec un haute fréquence d’erreurs médicales ; Les SUs présenteraient le taux le plus élevé d’évènements iatrogènes médicamenteux évitables. Aux Etats-Unis, 110 millions de patients sont traités aux urgences par an,[2] 5% de ces patients subissent un évènement iatrogène médicamenteux[3],