Sciences de la Santé
Pharmacien cliniciens aux services d’urgences
Mohamed Redha Difallah
Résumé
Le développement des sciences pharmaceutiques a abouti, vers la fin du siècle dernier, à
l’émergence de la pharmacie clinique ; une nouvelle discipline exercée en milieu hospitalier afin
d’optimiser la thérapeutique du patient. La propagation accrue de cette pratique, conséquence
immédiate de son efficacité, englobe l’ensemble des services médicaux proposés par les différentes
structures de santé de par le monde. L’incorporation de la pharmacie clinique, à ses débuts, était
rare en médecine d’urgence. Cependant, dans cet environnement, son développement fût nécessaire
compte tenu du risque élevé des évènements indésirables liés aux médicaments. Le pharmacien
clinicien contribue ainsi à la réduction des dépenses de santé tout en complétant l’équipe médicale
des urgences par son approche pharmacologique. Ces structures de renommée mondiale aspirent
de ce fait à éviter les évènements indésirables liés à la médication et agissent ainsi dans le but
d’améliorer l’efficacité des traitements et la sécurité des patients. Pour l’atteinte de ces objectifs,
le rôle de la pharmacie clinique en médecine d’urgence a donc été reconnu et mis en avant.
Pharmacie clinique, de la naissance jusqu’aux
urgences
L
a pharmacie clinique a vu le jour au début des
années soixante à la suite d’un mécontentement
général à l’égard des pratiques médicales
de l’époque. En effet, il y avait un nombre non
négligeable d’évènements iatrogènes médicamenteux
responsables de décès ou d’incapacités parfois majeurs
au sein des hôpitaux. Ces évènements évitables
(effets indésirables ou des erreurs médicamenteuses
potentielles ou avérées) sont causés par un mauvais
usage des médicaments en milieu hospitalier. Il est
donc paru un besoin urgent de professionnels de santé
ayant des connaissances approfondies sur l’usage
thérapeutique des médicaments. C’est ainsi que les
bases de la discipline ont été fondées à l’Université
du Michigan aux États-Unis, bases sur lesquelles
David Burkholder, Paul Parker et Charles Walton de
l’Université du Kentucky ont bâti la pharmacie clinique
à la fin de la décennie. On assiste à l’émergence de la
pharmacie clinique proprement dite, celle décrite par
Walton :
« La pharmacie clinique est l’utilisation optimale du
jugement et des connaissances pharmaceutiques et
biomédicales du Pharmacien dans le but d’améliorer
l’efficacité, la sécurité, l’économie et la précision selon
lesquelles les médicaments doivent être utilisés dans
le traitement des patients. » (Ch. Walton, université de
Kentucky, 1961).[1]
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AUTOMNE 2018 /HIVER 2019
Cette définition précise que la pharmacie clinique est
une discipline axée sur l’utilisateur du médicament, le
patient ; parallèlement à la pharmacie classique qui
a eu, depuis sa fondation, ledit médicament comme
principal centre d’intérêt. Elle peut être simplement
synthétisée comme « l’exercice de la pharmacie au lit
du patient » étant donné qu’elle trouve son origine
étymologique du mot grec « klinos » signifiant « le
lit ».
L’incorporation de pharmaciens cliniciens en milieu
hospitalier s’est en effet traduite par la sécurisation
et l’optimisation de la thérapeutique du patient. Ils
sont organisés dans le but de vérifier les prescriptions,
conseiller les patients, veiller à leur adhésion aux
traitements prescris, recueillir leurs historiques
médicamenteux, assurer leurs suivis thérapeutiques et
participer à la formation et à l’information de l’équipe
médicale.
La présence de la pharmacie clinique dans les services
d’urgence (SU) est rare compte tenu de la complexité
du milieu. Ce manque est cependant paradoxal, étant
donné que les urgences présentent un environnement
à risque élevé avec un haute fréquence d’erreurs
médicales ; Les SUs présenteraient le taux le plus
élevé d’évènements iatrogènes médicamenteux
évitables. Aux Etats-Unis, 110 millions de patients
sont traités aux urgences par an,[2] 5% de ces patients
subissent un évènement iatrogène médicamenteux[3],