Savoir & Vivre
l’ existence et de la morale constitue le fondement de la religion musulmane. Dans le saint Coran, il est dit: « Allah est la Lumière des cieux et de la terre. Sa lumière est semblable à une niche où se trouve une lampe. La lampe est dans un( récipient de) cristal et celui-ci ressemble à un astre de grand éclat; son combustible vient d’ un arbre béni, un olivier ni oriental ni occidental dont l’ huile semble éclairer sans même que le feu la touche. Lumière sur lumière. Allah guide vers Sa lumière qui Il veut. Allah propose aux hommes des paraboles et Allah est Omniscient. ». Le pouvoir individuel de décider du mal et d’ inventer le bien n’ est rien d’ autre que « El Fitrah » qui est décrite comme « l’ huile » qui « semble s’ allumer sans que le feu y touche », c’ est une « lumière » sur laquelle se surajoute la lumière du message. La réalité métempirique est donné par Dieu et ne peut être conceptualisée par l’ esprit humain. Si « en pays cannibale, le cannibalisme est moral » c’ est parce que l’ expérience métempirique de la mort a abouti à une croyance fausse qui veut qu’ en mangeant le corps du défunt, son esprit subsistera éternellement dans le corps de ceux qui l’ ont mangé. Si le message divin apporte la preuve d’ une réalité métempirique et définit les grandes lignes de la morale, il ne précise pas ce qu’ est l’ idéal, ce qui est référentiel en matière de valeur, de la conduite morale. Lorsqu’ il est dit dans le saint Coran: « Le plus digne d’ entre vous est celui qui le craint le plus » ou encore « Évitez l’ adultère, car c’ est une turpitude et une mauvaise route », Dieu ne précise pas la référence idéale( L’ idéal du degré de la crainte, l’ idéal du degré d’ évitement), car si l’ idéal est défini, l’ homme imparfait ne pourrait survivre à la morale et ne pourrait l’ accepter et ses actions n’ auraient alors point de valeur. C’ est dans un idéal flottant et imprécis que la notion de valeur morale peut exister. La valeur morale, n’ est en définitif, qu’ une évaluation subjective de l’ ampleur du labeur que met un homme pour conformer ses actions aux règles morales. Atteindre l’ idéal c’ est se bouffir d’ orgueil et assassiner la morale et assassiner la valeur morale. C’ est au contraire, cette précarité de la valeur morale, ce doute qui nous dit: « C’ est insuffisant, je devrais faire plus », cette peur d’ oublier, de se tromper, qui fait toute la valeur morale.
La morale en pratique Le constat que nous tous faisons, quotidiennement, c’ est la disparition de la vie morale. La plainte est sur toutes les langues, celle de l’ ascendance avant celle de la descendance. On parle d’ une inversion de l’ échelle des valeurs, d’ une déchéance morale. L’ organisation actuelle des sociétés modernes( Au sens technologique) détourne l’ individu de la vie morale. Malek Bennabi ne manque pas de le souligner au
début de son livre – Le problème des idées dans la société musulmane – lorsqu’ il fait le comparatif entre deux histoires, celle de Robinson Crusoé et celle de Hayy Ibn Yaqdhan. Si, pour surmonter l’ angoisse de la solitude, le premier organise son temps autour d’ une réalité matérielle( Nourriture, repos, confection d’ une table), le second, après avoir perdu sa gazelle( Morte de vieillesse), s’ est mis en quête de découvrir la place du mal pour l’ en délivrer et la faire revivre de nouveau; et sa réflexion va le porter sur le monde de l’ âme, de la mort et de la réalité métempirique. À l’ image du héros de Daniel Defoe, l’ expérience morale de la société moderne ne tourne pas autour de l’ idée, de la pensée, de la spiritualité et de l’ éthique, elle tourne plutôt autour de la chose, de l’ action et de la modalité utilitaire. Le modèle de « l’ idée-chose » dans la société moderne, tel que présenté par Malek Bennabi, présente un certain nombre d’ effets sur la vie morale.
Jean-Paul Sartre
Une morale mécanique Le premier effet que l’ on constate, c’ est que toute la construction identitaire et morale de l’ individu s’ inscrit dans une dynamique purement mécanique et technique. L’ enfant, dès son plus jeune âge, est entouré de jouets et non pas de personnes et sa vie familiale se résume à une somme d’ occupations qu’ il doit pratiquer. L’ école dispense un savoir technique fait de mathématique, de langue, de sciences de la vie. L’ enseignement de la philosophie est réduit à apprendre par cœur deux ou trois dissertations pour assurer l’ examen. L’ enseignement religieux s’ articule autour d’ une somme d’ actions, de rituels et de principes( Modalités de la prière, du jeûne, du commerce, de l’ héritage, de la relation homme-femme, du péché, la manière de marcher et de s’ habiller … etc.) faisant de la religion,
26 Hiver 2018