ReMed 2018 Remed 5 - Histoire de la Médecine | Page 25

suprématie militaire au détriment de l’épanouissement culturel, l’état intellectuel et moral était toujours repré- senté par les institutions religieuses : mosquée, zaouïas, medersa, etc. » En effet, les zaouïas, institutions de bienfai- sance mais également de formation et de soin, étaient des hôtels pour les voyageurs, des refuges pour les dé- munis mais aussi des établissements sanitaires pour les souffrants. E lles représentaient aussi des centres d’enseignements des sciences, des lettres, de la reli- gion et de la médecine, où les ouvrages d’Ibn Sina, d’Ibn Rochd et d’Ibn El Baitar, étaient enseignés. Les zaouïas ont joué un rôle considérable dans le drai- nage culturel et moral de la société. Quelques hôpitaux commençaient à être édi- fiés par les Ottomans en Algérie, tels que l’hôpital Kharratine bâti en 1550 à la rue Beb Azzoun, destiné aux militaires, ou l’hôpital du Fort des Vingt-Quatre Heures érigé à Beb El Oued. On retrouve aussi les hô- pitaux destinés aux chrétiens et aux détenus, et du fait de l’exercice libre de la médecine, de nombreux médecins européens venaient exercer en Algérie. Parmi les médecins naturalistes éminents de l’époque, le célèbre savant algérois Abderezek Ibn Hamadouche El Djazairi né en l’an 1695, qui fut sans conteste le plus grand médecin algérien de l’époque. Il était qualifié de médecin, pharmacien et herboriste. Il a laissé dix-huit ouvrages, dont son célèbre livre très en vogue à l’époque « Révélation des énigmes dans l’exposition des drogues et des plantes - Kechf Errou- mouz » qui est un véritable travail de recherche scien- tifique, où il confirme l’étendue de sa grande connais- sance, loin des spéculations et des superstitions, et fut ainsi qualifié « d’homme à la pensée originale et à l’optique moderne et rationaliste ». La médecine algérienne au temps de la colonisation A l’hôpital Mustapha, les fenêtres sont hautes de dix pieds, larges d’une demi-toise, incrustées dans des murs qui s’élancent loin vers le plafond. Ce style architectural, typiquement français, renvoie à l’histoire de la construction de l’hôpital. Bâti sur les terrains des descendants du Dey Musta- pha qui gouverna Alger de 1798 à 1805, avec comme financement le legs d’un riche colon du nom de For- tin d’Ivry, il ne fut inauguré qu’au 1 er août 1854, soit 24 ans après le début de la colonisation française du territoire algérien, en 1830. Une colonisation qui dura 130 ans. 130 ans durant lesquels la santé algérienne a connu deux grandes étapes. D’abord, au XIX ème siècle, « Guérir pour Conquérir ! » ; la médecine fut instrumentalisée pour des fins poli- tiques de conquête et d’infiltration. Avec l’avènement du XX ème siècle et la prolifération des mouvements de résistance nationale, vint la deuxième étape ; la mé- decine devint alors un outil de marginalisation de la population autochtone. Mirabile dictu, contrairement aux idées reçues, à l’arrivée de la colonisation française, la plupart des algériens savaient lire et écrire. L’enseignement primaire était généralisé, et dispensé au niveau des écoles primaires, Alger en comptait une centaine. L’enseignement secondaire était déli- vré dans les grandes villes dans les établissements secondaires, et Alger en comptait une douzaine. Enfin, l’enseignement supérieur médical était dispensé au niveau des grandes mosquées et des zaouïas, fiancées par les habous et la zakat, les biens et les offrandes de la population, ces zaouïas qui servaient aussi bien d’auberges, d’hospices et de centres de soin. Cepen- dant, avec la politique de dépossession suivie par la France en 1843, les biens habous ont été inclus dans les domaines publics, privant ainsi les zaouïas du fi- nancement. La médecine était alors une médecine tra- ditionnelle naturaliste, fruit d’un héritage popu- laire profondément enraciné dans les mémoires. Le médecin traditionnel, encore appelé Hakim exerçait librement. Toutefois, avec la colonisation, une per- mission du « bureau arabe » s’imposa. Ensuite, une formation de deux ans à l’école de médecine devint nécessaire pour l’exercice des fonctions. L’Emir Abd El Kader portait une grande ambi- tion pour l’enseignement médical, par son projet de fondation d’une école de médecine, qui malheureuse- ment, n’est pas arrivé à terme. Il désigna son médecin Abdallah Ezzarouali comme responsable du système de santé algérien. Sous la tutelle de l’Emir, un hôpital, bimaristan, était bâti dans chacune des huit grandes circonscriptions et les soins y étaient dispensés pour les civils et les militaires. En 1855, des cours de médecine commençaient à être dispensés à l’hôpital du Dey à Bab El Oued, ainsi qu’à l’hôpital Mustapha, à l’adresse d’une dizaine d’élèves musulmans, et ce n’est qu’en 1858 que l’Ecole Prépara- toire de Médecine et de Pharmacie fut créée. Héritière de l’école d’instruction de l’armée qu’organisa Baudens en 1832 à l’hôpital du Dey, elle ne devint fonctionnelle qu’en 1859 et eut comme directeur le Docteur Berthe- rand. Cependant, elle ne délivrait en médecine que des diplômes « d’Officiers de Santé » après trois ans de théo- rie ou cinq ans de pratique. Pour octroyer le titre de « Docteur en Médecine », une formation de deux ans dans la métropole était imposée. En 1880, l’Ecole Supérieure de Médecine et de Pharmacie fut créée, avec ses quatre chaires : physique, matière médicale, anatomie pathologique et histo- logie et maladies des pays chauds. Cependant, cette école supérieure ne délivrait toujours pas de diplôme ReMed Magazine - Numéro 5 25