Savoir & Vivre
de doctorat, et ce n’ est qu’ avec la loi de 1909, avec la création de la Faculté de Médecine et de Pharmacie à la même année, que la faculté de médecine d’ Alger eut son autonomie de celle de Montpellier dans la délivrance des diplômes. Cette faculté avait comme premier doyen le Docteur Curtillet. Elle comportait seize chaires, et son développement fut rapide, marqué par le passage du chirurgien Eugène Vincent qui est considéré comme le véritable père de l’ école chirurgicale d’ Alger, ainsi que le Professeur anatomiste, Jean Baptiste Paulin Trolard, dont une des veines anastomotiques du cerveau porte le nom. Toutefois, il est à noter que le nombre d’ étudiants algériens inscrits à la faculté de médecine d’ Alger reste très restreint( 1919 – 1920: 15 musulmans pour 344 européens), contrastant avec la mission « civilisatrice » dont se vantait la colonisation.
L’ Institut Pasteur à son tour, créé le 1 er novembre 1894, fut consacré à la préparation des vaccins pour les troupes militaires des forces coloniales lors de la première et la deuxième guerre mondiales. La santé des algériens se dégradait de plus en plus, la mortalité était très élevée suite aux affrontements militaires et à la détérioration de la qualité de vie; les épidémies, comme celle du choléra en 1825, ont été dévastatrices.
Suivant la politique de « Guérir pour Conquérir! », les forces coloniales ont établi diverses stratégies visant à extirper le musulman de ses racines. Les hôpitaux militaires furent établis au sein des mosquées, transgressant le culte du sacré et levant le voile sur l’ intimité des gens. Aussi, des programmes de santé généralisés ont été appliqués, comme celui de la vaccination antivariolique qui a pris un caractère obligatoire afin de soumettre la population à la « lumière civilisatrice », fortement réprouvée par la population autochtone. Des enquêtes médicales épidémiologiques et démographiques ont été lancées, et qui ont servi le but principal de la procédure: celui de la collecte de renseignements.
Ceci n’ a pas empêché les musulmans d’ éclore dans le domaine médical. Cependant, la position du premier docteur en médecine algérien est différée selon les auteurs, divisés entre le Dr. Mohammed Nakkach et le Dr. Benlarbey Mohamed Séghir. Des médecins algériens de cette époque nous citons le Dr. Mostapha Hadj Moussa, qui a joué un grand rôle dans l’ éveil du mouvement nationaliste, le Dr. Taieb Morsly qui a brillé avec ses nombreuses publications.
O altitudo! Vers quelles profondeurs mènent donc ces escaliers? S’ enfonçant tel un serpent dans les murs de l’ hôpital, des escaliers à la pente abrupte frayent le passage vers le Service. L’ embouchure est à peine visible du haut du premier giron, le chemin parait rude, rêche, revêche, et à peine que l’ on descend les premières marches que la lumière se raréfie et l’ escarpement se raidit, à faire perdre l’ aplomb.
Que faire? Faudrait-il abdiquer? Comment parvenir au Service alors? Dans la descente, les escaliers s’ allongent démesurément, l’ air se condense et les pupilles, dans le noir, s’ écarquillent en mydriase. Mais la mydriase, phénomène d’ adaptation, optimise la vision dans le noir, et de marche en marche, voilà que le chemin sinueux prend de la rectitude. Le regard est dès lors fixé sur l’ embouchure, le pas s’ accélère, et ni l’ absence d’ air ni celle de la lumière ne semblent freiner la foulée. Encore une dernière marche, et voilà la dernière porte.
Avec l’ avènement du XX ème siècle, l’ état de santé des algériens se dégrada de plus en plus. De grandes épidémies telles que le typhus, le paludisme et la tuberculose faisaient ravage, la mortalité des enfants atteignit son apogée. Les guerres successives( mondiales I et II et la guerre de l’ indépendance) ont dégradé l’ état de santé algérienne, tel qu’ en témoigne la conscription, à travers les rapports médicaux établis lors des visites médicales: « C’ est un véritable musée de pathologie que l’ on voit défiler pendant presque deux mois et certains individus sont dans un état de déchéance à peine croyable. »
Le système de santé était principalement réparti sur trois catégories: D’ abord, la santé coloniale dans les hôpitaux civils destinés aux colons. Ensuite, la santé militaire qui ne cessait de se renforcer et restait dominante par ses infrastructures et son personnel. Et enfin la santé des Algériens, qui se résumait à une simple « Assistance médicale aux indigènes ». A partir de 1904, des « infirmeries indigènes » virent le jour, avec une logistique très modeste et ne répondant guère aux besoins de la population.
La faculté connût de grands noms, tels que Costantini, Emile Leblanc et René Marcel De Ribet. Des algériens, nous citons Aljia Inoureddine, première étudiante musulmane aux rangs de la faculté qui sera la première femme Professeur en pédiatrie après l’ indépendance.
Avec le déclenchement de la guerre de libération nationale en 1954, les quelques étudiants inscrits à l’ université commencèrent à quitter les rangs pour rejoindre le maquis et l’ ALN, et occupèrent des postes importants, tel que Atsamena qui devint médecin Chef de la wilaya I, Lamine Khène qui fut Chef du Service de la santé de la wilaya II et Youcef Khatib, membre du Conseil de la wilaya IV. Citons aussi le grand Frantz Fanon, psychiatre à l’ hôpital de Blida, qui rejoint les rangs du FLN( Front de Libération Nationale) en 1954. Il décortiqua de très près le complexe de dépendance
26 Printemps 2018