ReMed 2018 Remed 5 - Histoire de la Médecine | Page 17
Ibn al-Nafis (1213-1288), le découvreur de la cir-
culation pulmonaire
Ibn al-Nafis fait partie de ces nombreux savants et éru-
dits ayant marqué l’âge d’or de la médecine et des sci-
ences islamiques. Longtemps méconnu de la littérature,
des travaux d’historiens ont permis de rendre hommage
aux prouesses de ce formidable esprit.
De son nom complet, Ala al-Din Abu al-Hassan Ali Ibn
AbiHazm al-Qarshi al-Dimashqi, Ibn al-Nafis est né à
Damas en 1213. Il accomplit ses études de médecine
à l’hôpital de Damas puis alla exercer au Caire où il
fut le médecin chef de l’hôpital Al-Nassri puis celui
d’Al-Mansouri.
gie, la psychologie, la philosophie, la loi, la théologie,
la grammaire et la logique ! Il entreprit d’écrire une
vaste encyclopédie de plus de 300 volumes mais il ne
l’acheva pas.
Giovanni Morgagni (1682-1771), le père du rai-
sonnement topographique
À seulement 29 ans, il écrit son œuvre la plus
importante : Commentaire sur le Canon d’anatomie
d’Avicenne (ﺳﻴﻨﺎ ﻻﺑﻦ ﺍﻟﻘﺎﻧﻮﻥ ﺗﺸﺮﻳﺢ )ﺷﺮﺡ, qu’il considérait
comme son maitre et dont il suivit les enseignements,
malgré l’écart de 200 ans qui les séparait.
Il fut le premier à défier l’assertion de Galien
qui affirmait que le sang, pour passer d’une cavité
cardiaque à l’autre, traversait le septum inter-ven-
triculaire. Il fit pour cela trois postulats fondamen-
taux. D’abord il observa que le septum inter-ventric-
ulaire n’était pas poreux et qu’il ne pouvait pas par
conséquent laisser passer du sang. Deuxièmement, il
décrivit avec précision le trajet du sang des cavités
cardiaques à travers la circulation pulmonaire. Enfin,
il prédit qu’au niveau du poumon, il devait y avoir de
petites communications ou pores (manafidh en arabe)
entre les artères et les veines pulmonaires, chose qui
fut confirmée 400 ans plus tard par Marcello Malpighi.
L’image ci-dessous est tirée de son texte original.
Il est à noter que cette idée de circulation pul-
monaire ne fut introduite en Europe que 300 ans plus
tard par Michael Servetus. De nombreux éléments
laissent à penser qu’il aurait appris cela en étudiant
Ibn al-Nafis. Quoi qu’il en soit, ses propos furent jugés
hérétiques par la chrétienté et il fut brûlé à Genève...
Ibn al-Nafis ne s’arrêtât pas à l’anatomie, il
étudia la physiologie, l’ophtalmologie, l’embryolo-
L’histoire de Morgagni commence au début de 18 e siè-
cle. La médecine européenne était encore largement
sous l’influence des concepts hippocratiques, notam-
ment dans le raisonnement clinique et l’interpréta-
tion des signes. En effet, Hippocrate considérait que
la maladie était un tout, que l’ensemble du corps était
touché et qu’une maladie ne pouvait pas venir d’un
organe en particulier. Ceci eut pour effet d’annihiler
pendant longtemps toute tentative de raisonnement
logique quant aux maladies.
Un beau jour, Morgagni, alors élève du célèbre
anatomiste Valsalva et exerçant à Padua, en Italie, reçoit
un cas pour le moins étrange. Un homme de 72 ans
se plaignait de douleurs ombilicales accompagnées
de nausées et de vomissements. Quelques jours après,
la douleur migre dans la région hypogastrique. Les
symptômes empiraient rapidement avec fièvre impor-
tante et rougeur a u niveau du visage. Deux jours plus
tard, le patient n’arrivait plus à marcher sur sa jambe
droite et était complètement alité le lendemain. Le 12 e
jour, il était pris de convulsions et arrêta d’uriner. Il entra
dans le coma le lendemain et mourut 3 jours après.
Pour tout praticien d’aujourd’hui, le tableau
évoquerait très rapidement un foyer infectieux di-
gestif qui se serait compliqué de péritonite avec choc
septique et défaillance multi-viscérale ; mais il faut
comprendre que dans le contexte de l’époque, ce cas
constituait une véritable énigme. Morgagni décide
alors de disséquer le cadavre. D’abord horrifé par
l’odeur putride se dégageant de l’abdomen, il constata
qu’un abcès s’était rompu dans la cavité péritonéale et
la diffusion de l’infection était à l’origine de l’évolution
de la symptomatologie.
ReMed Magazine - Numéro 5
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