ReMed Magazine Savoir & Vivre
Je suis comme tout le monde, si ce n’ est que quand je veux quelque chose j’ argumente. C’ est ainsi qu’ en possession de certaines techniques chirurgicales, il fallait argumenter à Alger pour avoir l’ accord voulu … Je donne l’ exemple du stimulateur de la maladie de parkinson, qui coute très cher. Actuellement je ne trouve plus de difficultés à en avoir. Ailleurs, il y’ a beaucoup de gens qui achètent le stimulateur. Je cite aussi l’ extirpation de tumeurs cérébrale qu ' on pratique chez le malade éveillé, là aussi c’ est une technique récente qu’ un membre de l’ équipe est parti l’ apprendre à l’ étranger. Les difficultés, il y’ en aura toujours et partout. Mais sachez qu’ il y’ a des personnes sérieuses qui travaillent. Je pense qu’ il faut remettre les pendules à l’ heure dans ce pays, et pas seulement dans le domaine de la Médecine. Il y’ a du bon et du mauvais partout, mais selon mon expérience, les bons sont beaucoup plus nombreux que les mauvais. L’ image négative est trop hypertrophiée dans notre société. Il faudrait rétablir la confiance entre médecins, entre médecins et citoyens, et entre médecins et les autorités. La médecine est une responsabilité. Les conséquences de votre silence peuvent être graves. Rétablir la confiance ne doit pas être que des paroles en l’ air. Quand je vois à la télévision qu’ on arrive à dire à un malade paraplégique atteint de spina bifida qu’ il arrivera à remarcher s’ il part se soigner en Tunisie, c’ est donner de faux espoirs. C’ est triste. Le malade y croit … il y croit parce que les médecins gardent le silence.
I N T E R V I E W
Que pensez-vous de la Médecine Algérienne? Je dirais qu ' elle ne se porte pas aussi mal que l’ on dit. Chaque jour, il y a des dizaines de milliers de consultations qui se font dans les dispensaires, les polycliniques et les hôpitaux; il y a près de soixante mille médecins en Algérie. Vous savez que dans les années 1970 les États-Unis et l ' Union Soviétique étaient à leur apogée, le communisme d ' un côté et le capitalisme de l ' autre, l ' Union Soviétique avait un médecin pour cinq cents habitants et les États Unis un médecin pour six ou sept cents habitants, ou vice-versa. Aujourd ' hui en Algérie avec soixante mille médecins, nous avons un médecin pour sept cents habitants, et les gens se plaignent: ils ont tout de même raison quelque part; c ' est vrai que le nombre y est, mais il y a un problème dans la distribution, certaines régions du pays sont dépourvues de médecins spécialistes et d ' infirmiers. Ceci parce que beaucoup de spécialistes refusent de s ' installer en dehors des régions centrales du pays, mais il faut une notion de sacrifice et de devoir, sinon qui va alors soigner les gens des régions de l ' intérieur et du grand sud. Pour les infrastructures, effectivement, il n ' y a pas de nouveaux CHU mis à part celui d ' Oran. Mais si les structures existent, normalement on devrait tout avoir pour avoir une Médecine de valeur.
Quel est donc le maillon manquant à votre avis? Les maillons manquants sont la discipline, la rigueur et l ' humanisme.
Sur quoi sont portées vos recherches actuelles, et que visez-vous prochainement? Dans un CHU nous devons répartir notre temps en trois parties: un tiers pour la santé, un tiers pour l ' enseignement et un tiers pour la recherche. Pour la pratique de tous les jours, notre but est de bien maitriser et exploiter ce qu ' on fait déjà. Par exemple: la thérapie de stimulation cérébrale profonde pour le traitement des mouvements anormaux tel que le PARKINSON et la dystonie, la neurostimulation antalgique de la moelle épinière ou l ' implantation d ' un stimulateur cérébral pour soulager les douleurs chroniques insupportables et très handicapantes rebelles au traitement médical. Concernant la recherche, pour nous les chirurgiens, le travail du laboratoire consiste à avoir des animaleries et des workshops cadavériques. Ces derniers existent dans certains pays arabes comme l ' Arabie Saoudite, les Émirats Arabes Unis, l ' Egypte... etc. mais en Algérie on en manque. Cette déficience n ' entrave pas vraiment notre progrès parce qu ' on apprend par compagnonnage, qui est une formation opératoire dispensée par un chirurgien senior à un interne dans des conditions réelles; pour apprendre une technique chirurgicale, le chirurgien doit donc assister à plusieurs interventions au lieu de l ' apprendre en essayant sur des animaux et des cadavres. Comme projet d ' avenir, mon désir est de voir, avant de quitter ce bas monde, construire un Institut des Neurosciences en Algérie. Pour ceci, l ' intervention de l ' Etat est plus que souhaitable.
Numéro 3 ReMed 23