Etudes psychologiques sur les pathologies psychiatriques et recherche d ' une réponse neurobiologique:
Depuis le siècle dernier, le rapport entre la société et la folie se transforma. Plus qu ' une simple pathologie, nous voyons ça aujourd ' hui plus comme une curiosité. Il ne s ' agit plus d ' enfermer ou d ' exclure les maladies, mais de les étudier et d ' essayer de comprendre ces troubles qui changent totalement la manière de penser et de voir les choses. Il y a déjà plus d ' un siècle que des psychiatres s ' intéressent aux œuvres picturales ou graphiques de leurs patients, et avec le développement des sciences psychologiques et de la psychanalyse, de très nombreuses études ont donc été faites dans le but d ' essayer de trouver un lien entre les pathologies mentales et le développement de la créativité d ' un point de vue scienti�ique( neurobiologie, génétique, etc...). Parmi les plus importantes:
– Une étude par le psychologue J. Philippe Rushton a démontré que la créativité corrélait avec l ' intelligence et le psychoticisme et une autre a démontré que la créativité était plus importante chez l ' individu atteint de troubles de la personnalité schyzotypiques que chez un individu normal. Tandis que penser de façon divergente a été associé à l ' activation bilatérale du cortex préfrontal, il s ' est avéré que les individus schizotypiques ont une plus grande activation de leur cortex préfrontal droit. Cette étude émet l ' hypothèse que de tels individus sont plus à même d ' accéder aux deux hémisphères, ce qui leur permettrait de faire des associations originales plus rapidement. Conformément à cette hypothèse, l ' ambidextrie est également associée aux individus schizotypiques et schizophrènes. Trois études récentes de Mark Batey et Adrian Furnham ont démontré les relations entre la personnalité schizotypique et la personnalité hypomaniaque ainsi que plusieurs différentes mesures de créativité.
– Dans le livre Touched with �ire: Maniac-depressive illness and the artistic temperament, de Kay Red�ield Jamison, des liens particulièrement forts ont été identi�iés entre la créativité et les troubles de l ' humeur, particulièrement les troubles maniaco-dépressifs( aussi connus sous le nom de troubles bipolaires) en étudiant les troubles de l ' humeur chez de célèbres écrivains, poètes et artistes à l’ instar de E. Hemingway( lequel s ' est donné la mort après électroconvulsivothérapie, ou traitement par électrochocs), V. Woolf( suicide par noyade) et R. Schumann( mort dans un hôpital psychiatrique).
– Une étude menée par le Dr. Simon Kyaga de l’ Institut suédois Karolinska, publiée en septembre 2012 dans le Journal of Psychiatric Research, montre qu’ il existe bel et bien un lien entre les personnes créatives et les maladies mentales. En suivant l ' évolution de 1.173.763 patients des services de psychiatrie, et de leurs proches, sur une durée de 40 ans, les chercheurs ont étudié les rapports entre professions créatives( artistes, chercheurs, musiciens …) et pathologies mentales( schizophrénie, troubles bipolaires, dépression...) répertoriées grâce à une échelle de référence internationale( CIM). Au �inal, cette étude ne montre pas de lien général entre professions créatives et troubles psychiques, à l ' exception du trouble bipolaire. Mais, pris à part, les écrivains se révèlent être de manière statistiquement signi�icative plus à risque pour toutes sortes de pathologies psychiatriques. Schizophrénie, troubles bipolaires, dépression, addictions, troubles anxieux ou suicide: être auteur semble dangereux pour la santé mentale. Ou une santé mentale défaillante semble devoir pousser à l ' écriture … Ce sont là des statistiques qu ' on pourrait illustrer par les
55 destins de Verlaine( alcoolique), Virginia Woolf( suicide par noyade), Hemingway( bipolaire et suicidé) ou encore Michel Houellebecq( dépressif). Autre découverte, l ' étude montre que les parents, frères et sœurs des patients schizophrènes, bipolaires, anorexiques ou autistes exercent plus souvent des professions créatives que la moyenne. Un lien entre créativité et maladie mentale semble donc bien exister a fortiori si l ' on prend en compte la famille dans sa globalité.
– Une étude faite en 2005, à l ' Université de Médecine de Stanford, a mesuré la créativité en montrant à des enfants des visages plus ou moins complexes et symétriques et leur demandant s ' ils leur plaisaient ou non. L ' étude a montré pour la première fois qu ' un échantillon d ' enfants qui présentent ou ont un risque de présenter un trouble bipolaire ont plus tendance à ne pas aimer les symboles simples ou symétriques. Les enfants de parents bipolaires qui ne sont pas bipolaires eux-mêmes ont aussi eu tendance à moins aimer de telles images.
– Une équipe britannique du King ' s College, London, a tenté une approche génétique de la chose: " nous avons voulu déterminer dans quelle mesure la schizophrénie et le trouble bipolaire partageaient des concordances génétiques avec la créativité " expliquent les chercheurs. Pour cela, ils ont analysé le pro�il génétique de plusieurs milliers de personnes, dont des membres de sociétés artistiques, ou exerçant une profession considérée comme créative. Les résultats démontraient qu ' au vu des caractéristiques génétiques communes, la créativité et la psychose partagent des " racines génétiques " et la présence ou l ' absence de certains facteurs biologiques, environnementaux, etc. peuvent ou non conduire vers la maladie mentale, comme si la créativité était poussée à l ' extrême.
– Une étude en 2010, dirigée par le Dr. Orjan au sein du même Institut suédois, Karolinska, avait étudié la présence de récepteurs à un neurotransmetteur( la dopamine) chez des personnes saines créatives. Ils avait constaté que comme chez les personnes souffrant de psychose, ces récepteurs manquaient dans une zone particulière du cerveau, le thalamus. Un dé�icit qui pourrait expliquer un moindre �iltrage, conduisant à des idées novatrices( chez les personnes créatives) ou des idées délirantes( chez les schizophrènes).
En conclusion, de toutes ces études est ressorti une idée principale: tous les éléments portent à croire qu ' effectivement il y a bien une relation entre la créativité et les troubles mentaux, surtout avec les troubles bipolaires de type 2. En effet, il y a tout un éventail de types de trouble bipolaire. Les individus atteints de Trouble Bipolaire 1 peuvent traverser des épisodes de folie et de dépression avec des périodes de bien-être entre les épisodes. Les individus atteints de Trouble Bipolaire 2 traversent des périodes moins intenses d ' hypomanie au cours desquelles la fuite d ' idées, des processus de ré�lexion plus rapides et une capacité à engranger plus d ' informations peuvent être convertis en art, poésie ou design. Aussi, de nombreuses personnes atteintes de trouble bipolaire peuvent ressentir des émotions intenses aussi bien lors des phases dépressives que maniaques, ce qui potentiellement pourrait contribuer à la créativité.