ReMed 2016 ReMed Magazine N°0 - HIV/AIDS | Page 16

nos identités se recomposent ». Ainsi, au fil des années, un yeux des autres (renforcer l’identité pour autrui, monter individu voit son identité s’élaborer, partant d’un « Moi » dans l’échelle sociale, acquérir des privilèges sociaux). enfantin, indécis, matériel et labile à un « Moi » plus ma- ture, organisé, présent, subtile et dématérialisé, un « Moi » L A QUESTION IDENTITAIRE AU CENTRE DES beaucoup plus moral. Ce « Moi » évolue sous l’effet des PREOCCUPATIONS DU MOMENT contraintes et des responsabilités, toujours plus impor- tantes, auxquelles est confronté l’individu tout au long de Pour comprendre la portée de la crise identitaire, d’un sa vie. De la même manière, un individu gâté à l’extrême, point de vue synchronique, il est nécessaire de l’aborder déresponsabilisé et désinséré de la société ne verrait pas sous quatre angles différents. son identité évoluer mais stagner ou régresser. D’ailleurs, Premièrement, lorsque l’on demande à plusieurs per- on perçoit souvent les enfants gâtés comme manquant de sonnes dans la rue leurs opinions à propos d’un évène- personnalité et d’attitudes dans des situations parfois ment, d’un phénomène social, culturel ou autre, on banales, ou, plutôt, manquant d’identité individuelle éla- s’aperçoit qu’ils répondent tous ou presque par les mêmes borée leur permettant d’adopter des attitudes adaptées idées, leur réponse comprend presque toujours le prénom aux situations contraignantes. personnel « Nous » et se caractérise par l’absence Nous avons abordé dans le paragraphe précédent l’idée d’argumentaire logique justifiant leurs idées. Cela signifie qu’il existe, dans le concept d’identité collective, deux deux choses : d’une part, que l’individu s’imprègne trop du composantes indissociables (L’identité pour soi et « discours ambiant », si bien que ses idées à lui se retrou- l’identité pour autrui). L’indissociabilité de ces deux no- vent dissoutes voir inexistantes dans le langage qu’il tient, tions est liée au fait que, au fil du temps, l’une nourrit d’autre part, qu’il est incapable de faire un effort indivi- l’autre et inversement : dans un premier temps, l’identité duel de tri dans les acquis, que lui offre l’environnement, pour soi et l’identité pour autrui sont identiques ; dans un pour construire une identité individuelle, sur la base de deuxième temps, l’identité pour autrui fait l’objet de cri- ses propres conclusions morales. En d’autres termes, tiques et de corrections ; dans un troisième temps, l’individu n’est pas arrivé à construire son identité propre l’identité pour autrui va modifier l’identité pour soi, que et ce soit en bien (valorisation de soi parmi les autres) ou en d’identification, le « vide identitaire » par une identité mal (sentiment de non appartenance au groupe social). toute faite et toute prête : L’identité collective. Une identi- Enfin, c’est l’identité individuelle qui subit des remanie- té distribuée à l’échelle industrielle dans les coins de rues, ments (individualisme, réclusion de l’identité individuelle les médias, les institutions éducatives, sportives et cultu- au profit de l’identité collective). Tariq Ramadan le disait relles. très bien : « On ne peut pas échapper à la tonalité du dis- finit par remplir, dans un besoin impérieux Deuxièmement, on remarque que l’identité collective est cours ambiant ». pauvre en éléments. Elle est beaucoup plus construite À un certain degré de construction, l’identité est transmise autour de symboles désuets, obsolètes ou folkloriques que d’un individu ou d’un groupe d’individus à un autre, sou- de caractéristiques intellectuelles ou morales. Cela signifie vent plus jeune. Ce geste de transmission, d’éducation est que cette identité collective ne peut servir à l’entretien jugé nécessaire par l’homme, mais dans quel but ? Lors- d’une structure individuelle ou sociale, à la fois stable, que l’identité, individuelle ou collective, est transmise, il évolutive et autonome. D’ailleurs, Albert Einstein nous s’agit, souvent, de la pérenniser dans le temps ou d’y sou- apprend que : « C'est la personne humaine, libre et créa- mettre un large groupe d’individus avec l’idée de les ma- trice qui façonne le beau et le sublime, alors que les masses nipuler ou de les maitriser. Quoi qu’il en soit, il est tou- restent entraînées dans une ronde infernale d'imbécillité et jours question d’acquérir une certaine sécurité autour de d'abrutissement ». soi, de la grandeur pour soi (satisfaction personnelle ou spirituelle, renforcement de l’identité individuelle) et aux 15