L . Vaillant : Radioprotection 2024 , 59 ( 3 ), 164 – 172 165
délétères liés à l ’ exposition aux rayonnements ionisants . Il repose sur 3 principes de gestion du risque : le principe de justification , le principe d ’ optimisation de la protection et l ’ application des limites de dose . En ce qui concerne la santé humaine , l ’ objectif du système est , plus précisément , de prévenir les réactions tissulaires et de maintenir la probabilité d ’ effets stochastiques à un niveau acceptable , compte-tenu des caractéristiques de la situation d ’ exposition . Pour les situations d ’ exposition planifiée , exception faite des expositions médicales , la fixation de limites de dose est nécessaire , non seulement pour atteindre le premier objectif , mais aussi pour contribuer au second .
Depuis 1928 , la CIPR a développé un système de protection radiologique fondé sur la science , les valeurs et l ’ expérience , et qui comporte , entre autres , des recommandations portant sur les limites de dose . Cet article a pour but d ’ explorer la rationalité des valeurs de limites de dose proposées par la CIPR .
2 Premières décennies
Wilhelm Röntgen a annoncé , le 28 décembre 1895 , la découverte d ’ un nouveau type de rayonnement , qu ’ il baptisa les rayons X . Quelques mois plus tard , Henri Becquerel annonce la découverte de la radioactivité . Rapidement , ces découvertes révolutionnent la médecine et le déploiement de services équipés de générateurs de rayons X est exponentiel . Si le bénéfice est évident , il apparaît rapidement que l ’ usage des rayons X n ’ est pas sans danger . Ainsi , le 12 août 1896 , le journal Electrical Review rapporte que le docteur Hawks , après avoir réalisé une démonstration avec un appareil à rayons X , fût contraint d ’ arrêter de travailler en raison d ’ une brûlure cutanée profonde ( Sansare et al ., 2011 ). Des effets graves furent également rapportés le 1 er décembre 1896 par le Laboratoire Edison à propos de deux employés ( brûlures profondes des mains et des avant-bras ) qui durent cesser de travailler avec les rayons X , sous risque d ’ être amputés . L ’ un deux , Clarence Dally , mourut en 1904 d ’ un carcinome métastatique à l ’ âge de 39 ans . Il serait le premier travailleur à mourir des suites d ’ une exposition aux rayons X .
Wolfram Fuchs , pionner de la radiologie médicale , ouvrit le premier laboratoire de rayons X aux États-Unis à Chicago . Avant la fin del ’ année 1896 , il avait réalisé plus de 1400 examens radiographiques . Observant les effets potentiellement délétères des rayonnements ionisants , il établit plusieurs recommandations pour réduire le dommage associé à l ’ utilisation des rayons X ( Fuchs , 1896 ) : faire en sorte que l ’ exposition soit aussi courte que possible ( temps ), ne pas placer le tube à rayons X à moins de 30 cm du corps ( distance ) et frotter soigneusement la peau avec de la vaseline et laisser une couche sur la partie qui sera exposée ( écran ). Wolfram Fuchs souffrit d ’ une dermatite sévère , de l ’ amputation de ses doigts et de ses pouces , et il décéda d ’ un cancer métastatique en 1907 .
En 1928 , à l ’ occasion du second congrès de la Société internationale de radiologie à Stockholm , la Commission Internationale de Protection contre les Rayons X et le Radium est créée . De premières recommandations internationales de protection sont publiées le 27 juillet 1928 ( ICXPR , 1928 ). Les effets associés à une surexposition aux rayons X et au radium , considérés dans ces recommandations , sont les lésions des tissus superficiels , les troubles des organes internes et les modifications du sang . Ces effets peuvent être évités en adaptant la durée de travail des travailleurs exposés aux rayons X et au radium , en jouant sur la conception des locaux des départements de radiologie ( blindage ) ou encore par la mise en place et le respect de règles de protection .
En 1934 , la Commission produit de nouvelles recommandations ( IXRPC , 1934 ). Elle introduit le concept de dose tolérable sans pour autant le définir précisément et indique que sur la base des données disponibles alors , une personne en bonne santé peut tolérer une exposition aux rayons X de l ’ ordre de 0,2 röntgens ( r ) par jour , soit environ 2 mSv par jour et environ 0,5 Sv par an . Cette valeur de dose tolérable ne s ’ applique pas aux rayonnements gamma du radium . La même dose tolérable est recommandée en 1937 par la Commission ( IXRPC , 1938 ).
La Commission Internationale de Protection contre les Rayons X et le Radium , devenue la Commission Internationale de Protection Radiologique ( CIPR ), élabore en 1950 de nouvelles recommandations à l ’ occasion du 6 e congrès international de radiologie ( ICRP , 1951 ). Parmi les effets délétères associés à l ’ exposition aux rayonnements ionisants , la CIPR établit une liste plus importante que précédemment : lésions superficielles , effets généraux sur l ’ organisme et sur le sang en particulier ( induction d ’ anémie et de leucémie ), induction de tumeurs malignes , cataracte , altération de la fertilité , effets génétiques ou encore réduction de l ’ espérance de vie . La Commission introduit des critères de dose exprimés en énergie absorbée par l ’ organe et pondérée par l ’ efficacité biologique relative des rayonnements . La CIPR propose une dose admissible maximale ( ce terme n ’ est pas alors associé à une définition précise ), tout en indiquant : « Il est fortement recommandé de tout mettre en œuvre afin de réduire les expositions à tous types de rayonnements ionisants au niveau le plus bas possible ». Pour l ’ exposition corps entier aux rayons X ou gamma d ’ énergie inférieure à 3 MeV , la dose admissible maximale est de 0,5 röntgen par semaine ( soit environ 250 mSv par an ).
En 1954 , la CIPR élabore des recommandations qui proposent une dose admissible maximale pour les travailleurs exposés identique à celle de 1950 ( ICRP , 1955 ). La CIPR ajoute par ailleurs « en cas d ’ exposition prolongée d ’ une population , les niveaux maximaux admissibles devraient être réduits d ’ un facteur 10 par rapport aux niveaux maximaux acceptés pour les expositions professionnelles ». Il est également à nouveau recommandé « que l ’ exposition aux rayonnements soit maintenue au niveau le plus bas possible ». Il convient de relever la définition de dose admissible maximale , comme suit : « dose qui , à la lumière des connaissances actuelles , n ’ est pas censée causer de dommages corporels appréciables à une personne à tout moment de sa vie . Par dommage corporel appréciable on entend toute lésion corporelle ou tout effet qu ’ une personne considérerait et / ou que les autorités médicales compétentes considéreraient comme préjudiciable à la santé et au bien-être de l ’ individu ». A priori , et sur la base des connaissances scientifiques d ’ alors , le respect de la dose admissible maximale permet de prévenir l ’ occurrence de tout effet nocif pour la santé humaine . Des doses admissibles maximales sont proposées pour les organes jugés critiques du point de vue de la radioprotection : peau