Radioprotection No 59-3 | Page 15

158 A . Portelli : Radioprotection 2024 , 59 ( 3 ), 155 – 163
3.1 L ’ information du public en matière de risque radioactif
Le SPR recourt à des moyens directs et indirects pour informer le public . Les moyens directs concernent la participation du service à des expositions régionales , l ’ organisation de visites guidées de Marcoule et les présentations effectuées dans les établissements scolaires . Les agents s ’ efforcent d ’ expliquer le risque radioactif sans tenter de le minimiser . Ils présentent les méthodes de détection et les équipements de protection , effectuent des démonstrations , répondent aux questions individuelles , délivrant une présentation concrète plus efficace que des conférences magistrales .
Les moyens indirects consistent à informer les enseignants , les médecins , les ingénieurs et les chefs d ’ entreprise , pour qu ’ ils puissent répondre dans leur quotidien aux questions relatives à la protection contre les rayonnements . L ’ éducateur doit prendre en considération la personnalité de ses interlocuteurs et établir un contact individuel sans susciter de complexe d ’ infériorité .
3.2 L ’ éducation des agents de Marcoule
Le programme d ’ éducation des travailleurs est formalisé en 1959 ( Guérin , 1964b ). La plupart des agents recrutés sont inexpérimentés et se trouvent pour la première fois au contact de la radioactivité . De nombreux travailleurs conservent des idées préconçues , contre lesquelles il s ’ agit de lutter . Pour que la protection soit efficace et éviter toute réticence , il faut que l ’ agent ait conscience de sa nécessité . Pour ce faire , le programme éducatif du SPR est fondé sur la motivation des règles de sécurité et l ’ explication des objectifs à atteindre par les méthodes de protection .
Le programme d ’ éducation se compose de cycles de conférences illustrées par des supports visuels . Les textes des communications sont distribués aux agents . À partir de 1963 , un bureau d ’ accueil est mis en place et tout nouvel agent est tenu de s ’ y présenter ( Guérin , 1964b ). Il reçoit des plaquettes et des fascicules sur les principes et les règlements de la radioprotection . Des explications lui sont fournies sur les dosimètres , les tenues et les masques de protection ( CHS , 1964 ).
L ’ agent de radioprotection doit détenir une grande conscience professionnelle et une parfaite maîtrise de sa discipline . Or , les sciences nucléaires sont récentes et les techniques de protection entièrement nouvelles . Le nouvel agent applique ainsi des idées et des méthodes de travail pour lesquelles il n ’ a pas été formé initialement . En acquérant de l ’ expérience sur le terrain , il peut développer des méthodes différentes pouvant susciter des difficultés en matière d ’ exploitation . Des cycles de cours et de travaux pratiques sont donc organisés à destination des nouveaux agents et des plus anciens pour harmoniser les pratiques et actualiser leurs connaissances .
L ’ éducation des agents de protection se heurte à deux grandes difficultés . La première est liée à la nécessité du service , exigeant le maintien d ’ un nombre suffisant de radioprotectionnistes par équipes de surveillance dans les installations . La seconde tient aux différences d ’ horaires impliquant le travail en service continu . En outre , le SPR doit former un nombre croissant d ’ agents de radioprotection , tout en maintenant les effectifs d ’ apprenants en-deçà d ’ un seuil raisonnable pour obtenir les meilleurs résultats pédagogiques . Le SPR choisit en conséquence d ’ étaler dans le temps les cycles de cours . Ceux-ci débutent en 1960 . La formation comporte douze conférences de formation technique et psychologique d ’ une heure et demie chacune . Les travaux pratiques , organisés en séances de trois heures , portent sur le maniement du matériel , son étalonnage et l ’ interprétation des résultats .
Le SPR met également en place , à partir de 1962 , un programme d ’ enseignement destiné aux agents décontamineurs , afind ’ obtenir une unité de doctrine , homogénéiser les pratiques de travail et éviter les erreurs de manipulation . Des cycles annuels de formation sont organisés . Les cours durent une semaine et comportent six conférences d ’ instruction générale et deux demi-journées de travaux pratiques .
L ’ éducation des autres travailleurs de Marcoule concerne les agents du CEA , les agents d ’ EDF et les salariés des entreprises extérieures . Les agents du CEA bénéficient de cours théoriques , complétés par des travaux pratiques qui portent sur le conditionnement et l ’ utilisation des appareils courants de détection et de mesure des rayonnements . Des séances sont également organisées pour le personnel d ’ EDF , complétées par la présentation d ’ équipements et par des démonstrations . L ’ éducation des salariés des entreprises extérieures doit faire l ’ objet d ’ une attention particulière . Ce personnel est extrêmement mouvant et ses contacts avec l ’ industrie nucléaire sont le plus souvent sporadiques . De plus , il est souvent désorienté par les consignes de protection et les méthodes de travail , très différentes de celles qu ’ il rencontre dans les autres industries . Le personnel des entreprises extérieures est inclus à partir de 1962 dans le programme d ’ éducation . Il assiste à des cycles de conférences expliquant les dangers des radiations ainsi que les normes et les consignes de protection .
Le SPR , contraint d ’ assurer en priorité ses missions de protection , prend du retard dans la finalisation de son programme d ’ éducation et dans la formation du personnel . En 1962 , après plusieurs années d ’ efforts , le SPR souligne que ce retard a pu être comblé .
4 L ’ illustration du programme éducatif du SPR
La mise en œuvre du programme éducatif du SPR bénéficie du talent artistique de Jacques Castan , membre du bureau de dessin , dont les images ont pleinement contribué à la rationalisation de la radioprotection . Arrivé au SPR en 1957 , Castan travaille d ’ abord sur les projets de fosses à déchets de Marcoule . Le chef du SPR remarque alors son coup de crayon et lui propose en 1959 d ’ illustrer le programme d ’ éducation des travailleurs et du public . Pour réaliser ses créations , Castan s ’ immerge dans l ’ activité de Marcoule , échange quotidiennement avec ses collègues , observe le travail dans les installations , où il circule librement . Les repas à la cafétéria , les trajets sur le site , constituent autant de moments d ’ échanges informels , lui permettant de capter les réalités techniques de la radioprotection ainsi que ses significations imaginaires sociales ( Castoriadis , 1975 ).