Portfolio - Louis Robert Master Thesis - Mémoire de Master | Page 82

Strabic : Et si on dit que tout est support à l’application, cela coûte moins cher ? S. R. : Oui ! Il faut requestionner l’intérêt général avec la façon de faire des collectivités. Elles n’ont plus les moyens, donc imaginons, et aidons-les. Si nous disions que ce bâtiment ne doit jamais être fermé : il y a certes 4000 m2, mais on peut commencer par remettre la chaufferie en route la première année, pour seulement 500 m2. Puis mettre pas à pas le bâtiment aux normes d’électricité, de sécurité, d’accès, etc. Chaque année on ferait ainsi voter un petit budget en conseil municipal et communautaire – ce qui serait très démocratique – réévalué et redébattu chaque année en fonction des besoins, de manière incrémentale. Cela coûterait beaucoup moins cher, parce que l’on n’aménage pas, on met seulement aux normes. Il faudra peut-être 10 ans avant que le bâtiment soit entièrement rénové, mais il ne sera jamais fermé, et toujours support à l’étude, un chantier ouvert au public et aux écoles. Si on fait intervenir des chantiers d’insertion, cela coûte deux fois moins cher pour les collec- tivités, les gens s’approprient le lieu en participant à sa réhabilitation – tout en obtenant des qualifications ! Ce que l’Université Foraine veut démontrer, c’est que si on nous fait confiance, nous sommes capables de questionner, de traiter et d’interpréter nous-mêmes notre propre patrimoine. Rennes est une ville d’intelligence collective qui recèle des talents extraordinaires, qu’il faut mettre au service de cette commande publique. Il faut les faire œuvrer. Strabic : Peux-tu raconter quelques moments liés à « l’ouverture du lieu », qui seraient emblé- matiques de ce que tu expliques ? S. R. : À proximité immédiate de Pasteur, on trouve plusieurs institutions : le Musée des Beaux-Arts, le Théâtre National d e Bretagne, le Centre Départemental d’Action Sociale Klé- ber, et le Centre Hospitalier Guillaume Régnier. Un centre public de soins, un centre social qui délivre le RSA, un théâtre national couplé à une école, et un musée. Peut-on parler de la même manière à tous ces gens, si différents ? Il se trouve que chacun était trop à l’étroit dans son établissement et avait des raisons de vouloir en sortir. Les étudiants de l’école du Théâtre National de Bretagne cherchaient à expérimenter la théâ- tralité de lieux non théâtraux. Ils sont venus tester leurs hypothèses en improvisant dans cette ancienne faculté, loin d’une représentation quadrifrontale ni bifrontale, sans scène ni gradins. Le centre social préparait quant à lui un parcours de santé pour des personnes en grande précarité, avec des socio-esthéticiennes : l’idée étant de recouvrer l’attention par le soin. Mais comment y répondre dans un immeuble de bureaux avec néons, faux-plafond et mobilier en plastique ? Ce n’est pas comme ça qu’on prend soin des gens ! Il y a un besoin de beaux espaces pour redonner confiance, c’est aussi la leçon de Boulogne-sur-Mer. Juste à côté, nous avons un bâtiment magnifique, habituellement fermé à ce genre de public. Accueillons-les. Cela a permis à chacun de se redonner une liberté d’action, rouvrir l’échelle de ces projets. Des dizaines de plantes ont été acheminées par le Service Jardin de la ville pour fabriquer une grande forêt odorante dans les anciens laboratoires. Les répétitions théâtrales se transformaient en atelier cinéma dans les salles de cours obscures. Et quand les bénéficiaires du R.S.A. sont venus faire ce parcours, ils devaient passer par les salles où les élèves du Théâtre National de Bretagne préparaient une performance, devenant un public impromptu ! En même temps, des étudiants en design de l’école des Beaux-Arts aménageaient certaines salles pour passer leur diplôme de fin d’étude : peut-on terminer son école hors-ses-murs, dans un lieu expérimentant la commande publique ? Plusieurs projets de diplômes ont servi au parcours de soin ! Au même moment, Breizh Insertion Sport, une association d’insertion par le sport travaillant avec un public très fragile, occupait une partie des lieux. Erwan Godet, son coordinateur, emmène habituellement des groupes en « séjours de rupture » en pleine nature, car ce public très précaire n’a pas droit d’entrée dans les clubs sportifs traditionnels : nous sommes encore à 80