la limite de nos institutions publiques. Lui aussi cherche toujours de beaux endroits.
Il faut à tout prix éviter que les hôpitaux deviennent des mouroirs. Les centres sociaux, tous les lieux de la pauvreté, négligés par la commande, devraient être de magnifiques espaces, vivants et ouverts à la ville!
Ici pour une fois, un lieu fermé – et beau – lui était disponible. Il n’ y avait pas de chauffage, mais on se réchauffait en faisant du sport! Il y avait aussi ce psychiatre du CHGR qui voulait expérimenter une nouvelle forme de thérapie venant du Brésil, ailleurs qu’ à l’ hôpital: « parce que quand il s’ agit de santé mentale, certains n’ osent pousser ces portes-là »... La liste est infinie. Et quand, dans une même pièce, se croisent et agissent un médecin plein d’ envie et un agriculteur alternatif, la jeune élite culturelle et la grande précarité, des éducateurs sportifs et des designers en devenir, peut-être que l’ on pourra recommencer à parler ensemble? Strabic: Et quel est ton rôle là-dedans? Quel est ton statut, ta légitimité pour gérer toutes ces volontés et désirs? S. R.: Je suis l’ hôte, dans les deux sens du mot: celui qui accueille et qui est accueilli. C’ est encore cette histoire de délégation de confiance, issue de l’ élu. Pour procéder, l’ idée est simple: on ne doit jamais dire non à quelqu’ un. Comme nous sommes sur un temps donné, chacun peut y trouver sa place s’ il a un projet particulier. On lui fait confiance, il est responsable et autonome: citoyen. Mais aucun lieu n’ est affilié à quelqu’ un. Si on le faisait, on deviendrait une boîte à associations et on n’ aurait plus qu’ à fermer à clés! L’ idée est de ménager l’ ouverture de cet espace dans la ville, pour des questions qui regardent la société. C’ est un beau cadeau que ferait la mairie. Ce serait quand même magique de voter un tel projet, que les élus disent « j’ accepte de redonner un bâtiment à la collectivité publique », la vraie. Strabic: Techniquement, vous avez un budget d’ étude, une convention d’ occupation? C’ est quoi la suite? S. R.: L’ association Notre Atelier Commun a été missionnée en 2012 pour répondre à cette commande par la ville de Rennes et Rennes Métropole, qui ont financé l’ étude initiale en partenariat avec le PUCA. Nous occupons les lieux par convention. L’ occupation sur place dure depuis janvier 2014. Avec l’ ensemble des partenaires rennais prêts à s’ associer avec nous, nous avons livré plusieurs bilans et comptes-rendus, ainsi que des études techniques concernant la réhabilitation. L’ étape suivante serait de constituer une SCIC avec les acteurs du projet, les financeurs privés et publics, les partenaires politiques et la maîtrise d’ œuvre. Nous sommes déjà prêts! Il y a des gens issus de disciplines très différentes: un psychologue, une scientifique, un agriculteur, un directeur de centre de soins, une directrice de musée, une responsable de centre social … Désirant ensemble faire vivre ce patrimoine commun. Nous attendons le prochain comité de pilotage, le 6 novembre, pour voir ce que les nouveaux élus arrivés au printemps veulent faire à la suite de cette première étape. Il faut que nous ayons ensemble une vraie discussion politique. Cela ne coûte vraiment pas cher, comparé à la manière classique de faire, mais c’ est un risque: celui de l’ imprévu, du devenir. Cela fait peur de ne pas programmer, de voter un budget à propos d’ un bâtiment non étiqueté « théâtre », « musée », « piscine », ou « école ». Cette pratique est inconnue en politique. Mais nous sommes dans un monde complexe, dans lequel nous ne pouvons plus faire comme avant. Il y a tellement de problématiques aujourd’ hui dans nos villes qu’ il faut construire des délégations sur le territoire politique. Et refaire confiance aux citoyens qui occupent des lieux: quand ils ont des projets, il serait bon de les aider à les mener à bien. »
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