BOUILLON DE PIXELS
L’un ou l’autre sont donc des méthodes fort utiles, comme c’est le
cas régulièrement, le principe est sain mais l’exécution détermine tout.
Et lorsque c’est opéré artificiellement, la crédibilité en souffre, ainsi
que l’immersion ; dans le cas des jeux vidéo, cela peut aussi mener à
un rallongement arbitraire de durée de vie.
Quand, comme dans Baten Kaitos Origins, un dragon blanc apparaît
de nulle part pour sauver les héros piégés par les Sandfeeders, avant
de disparaître une fois son barbecue terminé, il y a de quoi grogner
un peu.
Pareillement avec le g-man de Half-life 2 plaçant Gordon où il faut,
quand il faut -hop, téléportation après une petite stase temporelle de
vingt années !), sans jamais que son rôle dans l’histoire soit très clair.
Du côté du diabolus ex machina, il y en a un assez gras avec le DLC
Awakened de Dead Space 3.
Au final, la lune pensée comme l’origine des nécromorphes, sales
bestioles corrompant les cadavres pour produire d’autres nécromorphes, n’était qu’une parmi d’autres...
Et avant d’exploser, elle transmet un signal aux autres lunes, condamnant la Terre.
Bon, le côté horreur était devenu franchement « routinier » mais là
c’est la dernière gifle brisant le verre, ne laissant transparaître que la
volonté de continuer à faire de l’argent.
Causons un peu du retcon, maintenant, qui est un cas particulier. Il
concerne l’immersion sur plusieurs épisodes ; retcon signifiant retroactive continuity (continuité rétroactive).
Il s’agit de se servir d’un élément narratif passé, soit problématique
(il contredit d’autres éléments, est illogique, trop obscur...), soit clairement établi, pour les besoins de l’intrigue actuelle.
Il est évidemment plus aisé de modifier une partie de l’histoire
après coup que de réfléchir en avance pour que tout s’imbrique bien.
Exemple d’un retcon mineur et n’ayant de toute manière pas
grande importance pour une série moyennement portée sur
l’immersion : Pokémon. Dans les versions originales de la première
génération, Giovanni jurait de se retirer des affaires.
Dans un évènement spécial de Heartgold et Soulsilver où le joueur
voyage dans le temps grâce à Celebi, on est amené à rencontrer
Giovanni qui, en fait, a fait le coup de la retraite solitaire pour devenir
plus fort- il avait fort bien entendu l’appel de la nouvelle Team Rocket
et les aurait rejoint si le joueur ne le battait pas séance tenante.
Comme pour le deus ex machina, le retcon peut être mis en oeuvre
de telle manière qu’il semble presque naturel, et puisse améliorer
l’histoire au lieu de la détériorer. Le fait qu’un retcon soit plus ou moins
acceptable dépendra également de votre propre sensibilité.
Tous les fans ne se soucient pas forcément que dans Bioshock
2, Sophia Lamb soit l’antagoniste principal et ait eu apparemment
une grande importance à Rapture, jusqu’à avoir des débats publics
décrédibilisant le fondateur de la cité sous-marine, Andrew Ryan. Alors
qu’il l’avait engagée pour remédier aux troubles des maillons les plus
faibles de la Grande Chaîne productive, elle donnait l’impression de
pouvoir retourner la situation contre lui...
Sauf que son nom n’est pas mentionné une seule fois dans le premier Bioshock !
Hop, tout un personnage retconned, ni vu ni connu...
Le retcon ayant un impact sur l’immersion plus restreint - puisqu’il
concerne des séries de jeux avec continuité entre eux, et plutôt celles
capables de générer une fanbase solide - je ne vais pas trop m’étendre
là-dessus ; mentionnons quand même Starcraft II piétinant allégrement plusieurs points établis auparavant, au service d’un découpage
trilogique pseudo-épique.
Ou comment faire croire que Kerrigan était tordue entre deux personnalités opposées, tandis qu’elle n’en a jamais montré le moindre
signe et affirmait, comme c’est vérifié tout au long du jeu et Brood War,
qu’elle aimait ce qu’elle était devenue...
PixaRom magazine
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