PixaRom numéro 4 PixaRom numéro 4 Mars 2014 | Page 74

PORTAIL MULTIPLAN MANGAS L orsque je m’étais rendu à un colloque de psychologie, droit et médecine, j’avais entendu ce trait d’humour noir : « La prise en charge du suicide coûte très cher- alors ne vous suicidez pas, ou si vous voulez vous suicider, réussissez du premier coup ! » C’est bien l’opinion du gouvernement japonais dans ce manga, le Japon ayant réellement un taux de suicide élevé (quatrième plus important mondial). Que fait-il ? Hé bien, lorsqu’il y a des récidivistes, un médecin fait signer une décharge à la personne ayant voulu pratiquer une autolyse, qui ne se soucie pas des détails, puisqu’on lui promet la délivrance finale. Sauf que non, comme le découvre Sei. Il se réveille plusieurs jours plus tard sur un des nombreux îlots de l’archipel nippon, en compagnie d’une multitude d’autres personnes ayant également tenté plusieurs fois de se suicider. Un simple panneau sur ce lopin de terre abandonné les informe que le papier qu’ils ont signé les a banni de la société japonaise, qu’ils ont renoncé à leurs droits tant qu’être humains et doivent rester ici, à l’écart de toute loi. La révélation est trop rude pour plusieurs d’entre eux qui commettent le dernier acte de leur existence, laissant les autres dans l’angoisse : comment s’organiser et à quoi bon survivre sur cette petite île ? Il fallait oser choisir un tel thème pour un manga, car comme vous vous en doutez, c’est plus que poignant. Chacun a été profondément blessé par l’existence d’une manière différente, ce qui n’est pas exactement le meilleur matériel pour la survie. Même s’il reste des bâtiments désaffectés, l’océan pour pêcher, des arbres fruitiers et des animaux, la tâche s’annonce difficile... D’autant plus avec les tensions qui naîtront immanquablement entre personnes fragilisées. Ce concentré de tragédies personnelles - et il y aura bien évidemment des drames pour rythmer l’histoire - pourrait en faire déconseiller la lecture à ceux qui ont déjà le cafard, mais Suicide Island ne commet pas l’erreur de se vautrer dans le pathétisme. C’est avant tout une histoire très humaine, avec ses moments forts et porteuse d’un message d’espoir là où ne régnaient que les certitudes les plus sombres concernant la vie. Cela se voit très bien par le prisme de Sei, sur lequel l’intrigue se focalise, qui prend confiance en soi à mesure qu’il devient important pour le groupe- même essentiel, puisqu’il utilise ses connaissances en archerie pour chasser du gibier, le dépecer et le conserver pour nourrir les autres ! Ajoutez aussi une pincée de romance, bien plus supportable dans ce cadre, certes extrême, mais où le lien social est réparateur. Ce qui ne sera pas de trop avec l’autre groupe sur l’île, dirigé par un chef cannibale et édictant qu’en l’absence de loi, chacun devrait agir selon son bon plaisir... Le suspens est donc bien là et on s’attache aux personnages assez facilement. Finissez avec une patte graphique singulière mais agréable, et vous obtiendrez une bonne lecture. 74    PixaRom magazine