Jotaro laissa exprimer sa surprise en silence et reprit contenance en buvant son thé.
« Raconte-moi ce qui s’est passé depuis l’arrivée de Joy, il y a trois semaines.
- Oui.» agréa-t-elle sobrement.
Et elle déballa tout dans les moindres détails.
*
* *
Joy était arrivée deux jours après que l’attentat ayant frappé les Jonquilles ait eu lieu. Comme elle
n’avait rien remarqué de suspect, on avait imputé le meurtre de sa famille à un extrémiste
communiste ou à un pro-paix dans le monde.
On la mit direct dans ma chambre et j’y voyais pour ma part une façon de m’intégrer enfin aux
autres. C’est simple, comme j’étais la dernière arrivée, c’est moi qui subissais les brimades des
autres. Mon but dans la vie… Que je sois adoptée ou pas… C’est de devenir flic.
Et avec tous ces regards qui me scrutent et tous ces trafics dans tous les coins, je ne pouvais pas
étudier en paix. Alors je me suis dit qu’en lui menant une vie d’enfer ou au moins en lui
infligeant une humiliation gratuite, je pourrais enfin avoir la paix et dissiper leurs soupçons.
Je savais que c’était dégueulasse… Et je ne sais pas pour quelle raison j’en étais arrivé à cette
extrémité. Par désespoir ? Contaminé à l’ambiance malsaine générale ? Je ne saurais le dire.
Dès son arrivée donc, je me suis préparé à lui jouer un tour pendable, de quoi la reléguer au
dernier rang de la hiérarchie sociale et de remonter la mienne.
J’ai été dans le coin des tous petits avec sachet poubelle remplit de couches sales. Je ne savais pas
quoi en faire, mais comme on était midi, j’imaginais que j’avais le temps de prendre le sac et de
trouver un plan ensuite.
Mais dès que je suis arrivé dans la chambre, j’ai été surprise de découvrir que Joy m’y attendait
de pied ferme. Elle m’a dit qu’elle avait une sœur qui lui en avait fait voir de toutes les couleurs,
et que ce’est pas des pauvres voyous sans imagination qui allaient pouvoir lui faire quoi que ce
soit.
Je me suis un peu vexé, normal, c’était pas une hurluberlue avec des cheveux mauves et des yeux
en acier qui allait me rabaisser.
Je me suis jeté alors sur elle. Je voulais la frapper, lui briser les os et la faire saigner le plus
possible avant de la foutre dehors. Elle ne m’a pas infligé un seul coup. Je ne savais pas pourquoi
et cela m’énervait encore plus.
J’ai redoublé de violence et j’ai commencé à hurler alors comme une furie. Là encore, elle esquiva,
évitant tous mes coups, sans m’en rendre aucun. Au bout de deux minutes j’étais trop épuisé et je
m’effondrai dans le lit. Et c’est quand elle m’a offert un mouchoir que j’ai compris que j’étais en
train de pleurer depuis le début. Et c’est là qu’elle m’a dit :
« J’imagine que ça fait du bien quand ça sort. De toute façon, je n’aime pas me battre. Les
démonstrations de force, je n’en ai pas besoin. Toi oui. Et la force, ce n’est pas se regrouper à
vingt contre un où d’humilier son adversaire. C’est de lui faire face et de répondre à ses coups
aussi fort que possible. Comme tu viens de le faire malgré toi. Je ne suis pas là pour longtemps,
alors si ça te dit, une fois que tu auras repris des forces, on s’occupera de tes adversaires. »
Elle a alors pris un bouquin et a patienté ainsi. Sa voix claire, déterminée et presque sans
émotions résonnait encore dans ma tête.
Elle résonne encore aujourd’hui. Je me suis reposée… Et après on a été trouvé les connards qui
me suivaient partout. On en a eu huit avant que dix autres personnes nous tombent dessus. On
s’est pris la raclée du siècle, mais chez plein d’autres, dans la cour, on voyait le respect dans leurs
yeux.
Que nous étions prêtes à nous battre, et pas à subir, et que s’il le fallait, on reviendrait encore, et
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