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Quand le mauvais temps coûte une fortune P. 14
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légalisation, les marchés se
stabiliseront; il sera alors plus
facile de déterminer si les normes
conviennent. Le CNC garde l’œil sur la situa-
tion et, en juin, s on Groupe de discussion sur les
IFRS tiendra une première réunion sur le cannabis.
Mme Mezon s’entretiendra aussi avec les norma-
lisateurs néerlandais. Si le CNC décide qu’un
changement s’impose, il s’adressera à l’IASB (Inter-
national Accounting Standards Board) à Londres.
« La question est double, précise Mme Mezon.
D’abord, le secteur est jeune, et nous suivons son
évolution de près pour définir les mesures à prendre.
Ensuite, de concert avec les producteurs, s’il y a
lieu d’agir, le CNC mènera les débats voulus et
appuiera les intervenants afin de demander les
aménagements nécessaires. »
Comment en sommes-nous arrivés là? Le tout
remonte à 2011, année où le Canada adoptait les
IFRS, qui s’appliqueraient aux sociétés cotées. Le
principe : créer un référentiel mondial qui permet-
trait aux investisseurs de comparer les résultats des
sociétés ouvertes de n’importe quel pays. Ainsi,
avant son premier appel public à l’épargne, en 2014,
Canopy Growth (d’abord appelée Tweed Marijuana),
premier et principal producteur canadien de
Chiffre d'affaires
prévu du marché
du cannabis
au Canada
5,8 G$
Ventes mondiales
estimées (marché
thérapeutique
seulement)
31 G$ US
Capitalisation
boursière des
producteurs
de cannabis
37 G$
marijuana coté en Bourse, a consulté son auditeur,
Deloitte, pour savoir comment présenter ses actifs
biologiques selon les IFRS. L’orientation préconisée
par le cabinet respectait les dispositions propres aux
exploitations agricoles. On inscrit au bilan la valeur
des invendus comme un ajustement de la juste valeur,
qui se traduit ensuite par un débit ou un crédit au
poste du coût des ventes dans l’état du résultat net.
Or, les concurrentes de Canopy Growth (qui n’a
pas souhaité répondre aux questions de l’auteur) se
sentent contraintes de respecter ce précédent,
quoiqu’on doute de son applicabilité. Aux yeux des
critiques, l’ajustement de la juste valeur vise les
entités qui détiennent des actifs à (relativement)
long terme, comme des porcs ou des arbres. Elles
peuvent ainsi faire état de la valeur créée, bien avant
la vente. La marijuana, au contraire, a un cycle de
croissance de 6 à 20 semaines.
Par ailleurs, divers produits agricoles (porcs, bois
et autres) s’échangent sur des marchés à terme.
L’éleveur vend aujourd’hui un porc de trois ans, à
livrer un an plus tard. On ne peut pas en dire autant
des cannabiculteurs. Impossible de céder leur pro-
duction par anticipation. Et nul ne sait quelle forme
prendra le marché où les transactions se feront.
Mettre les producteurs de cannabis dans le même
panier que les agriculteurs, c’est mal interpréter la
chaîne de valeur, souligne Igor Gimelshtein, chef
des finances de l’ontarienne MedReleaf. « À l’étape
de la culture, point de départ, s’ajoutent la récolte,
la transformation, la fabrication, le conditionnement
et la commercialisation. Pourquoi comptabiliser le
bénéfice brut sur le volet agricole, sans plus? » Il
évoque les viticulteurs : le prix du vin dépend
davantage des étapes postérieures à la vendange
que de celles qui la précèdent.
MedReleaf a remanié son état des résultats pour
mieux éclairer les investisseurs. Aphria et Canopy
Growth, qui lui ont emboîté le pas, y intègrent un
poste où figure le bénéfice brut sans ajustement de
la juste valeur, avant le poste du bénéfice brut établi
selon les IFRS. Cette nouvelle convention se géné-
ralisera-t-elle? « J’en suis pratiquement convaincu »,
répond M. Gimelshtein. Vu l’occasion sans précédent
qui s’offre aux producteurs d’ici, autant bien faire
les choses. Les chefs des finances le savent pertinem-
ment : il serait dommage qu’un contexte flou laisse
quelques acteurs sans scrupule ternir la réputation
du Canada par des manigances spéculatives, alors
que le marché mondial s’apprête à décoller. ◆
MAI/JuIn 2018 PIVOT
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