Pivot CPA French Pivot_FRE_May_June2018 | Page 7

Un des pionniers de l’IA est torontois P. 8 Cryptomonnaies : une ado surdouée lance une appli P. 10 Quand le mauvais temps coûte une fortune P. 14 Réflexions sur Trump, l’immobilier et #MeToo P. 16 légalisation, les marchés se stabiliseront; il sera alors plus facile de déterminer si les normes conviennent. Le CNC garde l’œil sur la situa- tion et, en juin, s on Groupe de discussion sur les IFRS tiendra une première réunion sur le cannabis. Mme Mezon s’entretiendra aussi avec les norma- lisateurs néerlandais. Si le CNC décide qu’un changement s’impose, il s’adressera à l’IASB (Inter- national Accounting Standards Board) à Londres. « La question est double, précise Mme Mezon. D’abord, le secteur est jeune, et nous suivons son évolution de près pour définir les mesures à prendre. Ensuite, de concert avec les producteurs, s’il y a lieu d’agir, le CNC mènera les débats voulus et appuiera les intervenants afin de demander les aménagements nécessaires. » Comment en sommes-nous arrivés là? Le tout remonte à 2011, année où le Canada adoptait les IFRS, qui s’appliqueraient aux sociétés cotées. Le principe : créer un référentiel mondial qui permet- trait aux investisseurs de comparer les résultats des sociétés ouvertes de n’importe quel pays. Ainsi, avant son premier appel public à l’épargne, en 2014, Canopy Growth (d’abord appelée Tweed Marijuana), premier et principal producteur canadien de Chiffre d'affaires prévu du marché du cannabis au Canada 5,8 G$ Ventes mondiales estimées (marché thérapeutique seulement) 31 G$ US Capitalisation boursière des producteurs de cannabis 37 G$ marijuana coté en Bourse, a consulté son auditeur, Deloitte, pour savoir comment présenter ses actifs biologiques selon les IFRS. L’orientation préconisée par le cabinet respectait les dispositions propres aux exploitations agricoles. On inscrit au bilan la valeur des invendus comme un ajustement de la juste valeur, qui se traduit ensuite par un débit ou un crédit au poste du coût des ventes dans l’état du résultat net. Or, les concurrentes de Canopy Growth (qui n’a pas souhaité répondre aux questions de l’auteur) se sentent contraintes de respecter ce précédent, quoiqu’on doute de son applicabilité. Aux yeux des critiques, l’ajustement de la juste valeur vise les entités qui détiennent des actifs à (relativement) long terme, comme des porcs ou des arbres. Elles peuvent ainsi faire état de la valeur créée, bien avant la vente. La marijuana, au contraire, a un cycle de croissance de 6 à 20 semaines. Par ailleurs, divers produits agricoles (porcs, bois et autres) s’échangent sur des marchés à terme. L’éleveur vend aujourd’hui un porc de trois ans, à livrer un an plus tard. On ne peut pas en dire autant des cannabiculteurs. Impossible de céder leur pro- duction par anticipation. Et nul ne sait quelle forme prendra le marché où les transactions se feront. Mettre les producteurs de cannabis dans le même panier que les agriculteurs, c’est mal interpréter la chaîne de valeur, souligne Igor Gimelshtein, chef des finances de l’ontarienne MedReleaf. « À l’étape de la culture, point de départ, s’ajoutent la récolte, la transformation, la fabrication, le conditionnement et la commercialisation. Pourquoi comptabiliser le bénéfice brut sur le volet agricole, sans plus? » Il évoque les viticulteurs : le prix du vin dépend davantage des étapes postérieures à la vendange que de celles qui la précèdent. MedReleaf a remanié son état des résultats pour mieux éclairer les investisseurs. Aphria et Canopy Growth, qui lui ont emboîté le pas, y intègrent un poste où figure le bénéfice brut sans ajustement de la juste valeur, avant le poste du bénéfice brut établi selon les IFRS. Cette nouvelle convention se géné- ralisera-t-elle? « J’en suis pratiquement convaincu », répond M. Gimelshtein. Vu l’occasion sans précédent qui s’offre aux producteurs d’ici, autant bien faire les choses. Les chefs des finances le savent pertinem- ment : il serait dommage qu’un contexte flou laisse quelques acteurs sans scrupule ternir la réputation du Canada par des manigances spéculatives, alors que le marché mondial s’apprête à décoller. ◆ MAI/JuIn 2018 PIVOT 7