en prImeur
Da n s l'ac t u
Fumée sans Feu
Les débouchés se multiplient à
l’international pour nos producteurs
de cannabis, en tête de peloton.
Et le référentiel comptable, alors?
par Michael M c cullough
0,5 G$ l’an dernier, pour une capitalisation boursière
de 37 G$. Si la légalisation se fait au deuxième
semestre de 2018, avec pour hypothèse une récu-
pération intégrale des opérations conclues sur
le marché noir, on arrive à un chiffre d’affaires de
5,8 G$, sans plus, selon Statistique Canada et
le directeur parlementaire du budget. L’envolée des
actions des producteurs de cannabis n’aurait-elle
de sens qu’au vu des débouchés à l’international?
Évalué à 31 G$ US d’ici 2021, le marché mondial
reste un terrain de chasse idéal pour les Canadiens,
presque seuls en lice pour l’instant. Parmi les États
précurseurs de la légalisation à des fins thérapeutiques
(et, bientôt, récréatives), tels les Pays-Bas et Israël,
le Canada, principal acteur, a toutes les chances de
passer en tête. Ailleurs, là où la légalisation tarde à
se concrétiser (Allemagne, Italie), on accueille favo-
rablement l’arrivée des producteurs d’ici, encadrés
avec rigueur et clarté, qui répondront aux besoins
émergents en cannabis médicinal. Aucun signe de
concurrents étrangers, qui cumulent envergure,
talents et accès aux capitaux pour contrecarrer les
ambitions internationales des sociétés canadiennes.
Alors, tout va pour le mieux? Non. Les chiffres ne
tiennent pas debout. Analystes et observateurs
émettent des réserves, auxquelles font écho quelques
chefs des finances qui exercent dans le domaine.
« Dès mon entrée en fonction, il y a un an, j’ai constaté
que certaines entités affichaient un bénéfice brut
supérieur à leur chiffre d’affaires », souligne
Glen Ibbott, CPA, qui compte 25 ans d’expérience,
chef des finances d’Aurora Cannabis, à Vancouver.
« Il y a quelque chose qui cloche. »
En bref, les cannabiculteurs constatent les marges
et bénéfices bruts selon les stocks invendus, comme
le prônent les IFRS (Normes internationales d’infor-
mation financière). Les exploitations agricoles
comptabilisent donc les actifs biologiques en culture
6
PIVOT MAI/JuIN 2018
31
Nombre
d’entreprises
productrices
de cannabis
cotées en Bourse
(tSX et tSXV)
à leur juste valeur diminuée
des coûts de la vente. Estimation
spéculative, s’insurgent les critiques, puisque le
cannabis récréatif n’est pas encore légalisé. Sans
compter le risque de perte des récoltes ou d’effon-
drement des prix. Nombre d’entreprises (pour
l’instant, toutes du créneau médicinal) déclarent
des bénéfices bruts largement supérieurs à leur
chiffre d’affaires réel. Et les investisseurs y perdent
leur latin. Mais les producteurs se retrouvent
astreints à une norme d’information financière mal
adaptée à un secteur émergent, disent-ils. Dans un
souci de transparence, certains ajoutent à leurs états
financiers des postes de leur cru, où figurent des
informations complémentaires non conformes aux
IFRS. Or, il n’existe ni méthode commune ni direc-
tives sectorielles pour comparer ce type d’éléments,
d’une société à l’autre.
Pour certains chefs des finances d’entreprises du
secteur, il est temps qu’une autorité de réglemen-
tation intervienne. Linda Mezon, présidente du
CNC (Conseil des normes comptables), fait valoir
qu’une fois apaisées les incertitudes autour de la
cherchez l’erreur : un chiffre d’affaires qui frôlait