ENTRETIENS
QUELS SONT LES AVANTAGES DE L ' OPTIQUE PAR RAPPORT AUX ONDES RADIOS POUR LES COMMUNICATIONS EN ESPACE LIBRE? Tout d’ abord, les débits sont bien plus importants grâce à une capacité spectrale nettement plus grande, comparable à celle d’ une fibre optique. En optique, il n’ y a pas de question de gestion du spectre, contrairement aux communications radio, où l’ utilisation du spectre est limitée et soumise à des licences. L’ optique offre également un grand avantage en matière de sécurité. Les faisceaux lumineux sont beaucoup plus difficiles à intercepter ou à détecter que les signaux radio, qui peuvent être captés sur de grandes distances. En outre, l’ optique est bien plus difficile à brouiller. Alors que la radio peut être facilement perturbée avec des brouilleurs efficaces, brouiller un faisceau optique est une tâche bien plus complexe. Cela rend l ' optique particulièrement intéressante dans des applications militaires, par exemple, où la confidentialité et la sécurité sont essentielles.
OÙ SONT SITUÉS VOS LOCAUX ET COMBIEN DE PERSONNES Y TRAVAILLENT? Nous avons choisi de nous installer à Rennes et ce, pour plusieurs raisons, notamment pour son dynamisme en matière d’ innovation et son écosystème technologique. C’ est un endroit stratégique, proche des centres de recherche, avec une forte concentration d’ expertise en optique et en photonique. Actuellement, l ' entreprise compte 135 employés. Nous avons des bureaux à Rennes, à Paris et à Washington. Nous prévoyons de continuer à croître cette année, avec une trentaine de nouveaux recrutements. La majorité de nos embauches se fait en France, à Rennes et à Paris, mais nous recrutons également aux États-Unis pour soutenir notre expansion internationale.
QUELS SONT LES DIFFÉRENTS MARCHÉS QUE VOUS ADRESSEZ? Le marché spatial représente 80 % de notre activité, et il est souvent lié à des enjeux de souveraineté. De nombreuses missions dans le spatial, notamment celles qui concernent la communication optique, sont liées à des projets à caractère souverain, qu ' ils soient militaires ou civils. En fonction des clients et des régions, la dimension souveraine peut être plus ou moins marquée.
Dans des pays comme la Grèce, l’ Australie ou la Suède, les projets sont plutôt civils, mais même dans ces cas, il y a souvent une dimension souveraine en arrière-plan, avec des clients potentiellement gouvernementaux ou militaires. Aux États-Unis, bien que nous travaillions avec des entreprises privées, les clients finaux sont généralement des agences gouvernementales américaines. Ce mélange entre secteur privé et gouvernemental est une caractéristique importante de notre secteur. La communication optique, avec ses avantages en termes de sécurité et de résilience face aux interceptions et aux brouillages, est particulièrement attrayante dans des contextes de souveraineté et de défense. La difficulté à détecter ou à intercepter les signaux optiques en fait un atout stratégique majeur, ce qui explique pourquoi beaucoup de clients dans ce domaine viennent de secteurs sensibles, où la protection des communications est essentielle.
LA DISTRIBUTION DE CLÉS QUANTIQUES SERAIT-ELLE COMPATIBLE AVEC LES TECHNOLOGIES QUE VOUS DÉVELOPPEZ? Effectivement, nous sommes déjà positionnés sur des systèmes où l ' on nous demande de recevoir des clés quantiques. Cela fait partie des prérequis pour certaines de nos stations. Cependant, en ce qui concerne le marché de la distribution de clés quantiques, je trouve que ce domaine est encore beaucoup moins mûr que la communication optique. C’ est un point qui est parfois mal compris dans la communauté. En Europe, il y a beaucoup de soutien et de subventions pour la R & D en quantique, mais, à mon sens, les cas d’ usage opérationnels ne sont pas encore suffisamment développés pour justifier un passage à l’ échelle industrielle. Les briques technologiques sont très récentes et les plus avancées, par exemple, le système Eagle-1, qui est encore en phase de stabilisation dans certains terminaux, reste jeune et expérimental. Il y a une différence de maturité claire avec la communication optique, qui, elle, est déjà largement industrialisée. Aujourd’ hui, par exemple, il y a plus de 9000 terminaux laser dans les satellites de Starlink, et ces communications inter-satellites sont déjà réalisées à l’ échelle industrielle. La communication optique entre satellites et entre satellites et le sol commence également à se déployer. Le marché du quantique est très prometteur, mais il y a un cap technologique majeur à franchir avant qu’ il n’ atteigne un niveau de maturité comparable à celui de la communication optique. C’ est un peu la vision que j’ ai, et je pense qu’ il ne faut pas confondre les deux. À l’ échelle européenne, certains semblent vouloir traiter les deux technologies comme étant au même niveau de développement, mais ce n’ est pas le cas.
AVEZ-VOUS UNE FEUILLE DE ROUTE POUR LES PROCHAINES ANNÉES? Notre priorité pour les prochaines années sera de continuer à développer et à améliorer nos stations de communication optique. Elles ne resteront pas statiques, loin de là. Le principal axe de développement sera d’ augmenter les débits pour répondre aux demandes croissantes, notamment dans le secteur des télécommunications. Nous avons des exigences qui vont au-delà de ce que nous faisons aujourd’ hui, avec des débits qui peuvent atteindre les 100 Gbps, voire plus, ce qui n ' est pas anodin. Nous voulons également pouvoir connecter nos stations à des satellites en orbite moyenne et géostationnaire, en plus de l ' orbite basse. Cela implique de concevoir des stations plus polyvalentes, qui puissent être rapidement déployées, voire transportées. Nous n’ en sommes peut-être pas encore au stade des stations sur roulettes, mais l’ objectif est de rendre nos stations plus mobiles et faciles à installer. L ' amélioration continue sera au cœur de notre approche. Nous allons perfectionner nos montures, nos télescopes, et nos systèmes mécaniques et électroniques. L’ itération est la clé de notre réussite, et le fait de tester nos produits dans des conditions réelles sur des satellites ou avec des constellations nous permet d’ identifier rapidement les problèmes et de les corriger. Cela nous permet d’ améliorer constamment nos technologies, génération après génération. Nous restons une entreprise d’ expérimentation, et c’ est cette capacité à tester et à itérer qui nous permet de rester à la pointe. Nous continuerons à nous améliorer en fonction des retours terrain, ce qui est essentiel pour évoluer rapidement et efficacement.
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