Brian Smith , vice-président de la Fondation canadienne d ’ éducation économique ( FCEE ), souligne qu ’ il ne s ’ agit donc pas seulement d ’ apprendre à l ’ enfant à choisir , mais aussi à ralentir plutôt qu ’ à réagir de façon automatique : « Dans certains cas , les jeunes dépensent parce que l ’ argent est dans leurs mains et donc un moyen pour acheter des trucs . Ils ne prennent pas le temps de se demander si c ’ est vraiment un besoin pour eux ou un simple désir . Et , la plupart du temps , ce sont les désirs qui coûtent plus cher . Et c ’ est avec les désirs que les grandes compagnies et les boîtes de publicité font leur promotion . »
Encourager l ’ abondance … de questions
Cependant , l ’ endorphine sécrétée par le plaisir de posséder la dernière petite folie peut être forte , et devoir s ’ obliger à y renoncer peut être très frustrant . À ce propos , Youcef Ghellache pense qu ’ il faut éviter d ’ opposer le plaisir à la raison , si l ’ on veut voir l ’ enfant s ’ impliquer réellement , voire décider de garder une part de ses économies dans son bas de laine : « C ’ est de s ’ asseoir avec lui et lui demander : ‟ Qu ’ est-ce que tu aimerais avoir ?” ou ‟ Quel serait ton projet ?”. Et de pousser cela dans l ’ imaginaire , de faire un peu de visualisation et de dire : ‟ On va renoncer à quelque chose aujourd ’ hui , mais on sait pourquoi on le fait .” Parce que , si c ’ est seulement renoncer pour renoncer , c ’ est sûr qu ’ il n ’ y a aucun avantage ni aucun intérêt à le faire . »
Ce professeur du collégial pense aussi que l ’ intérêt des jeunes demeure un facteur crucial pour faire la différence entre les concepts qu ’ ils seront motivés à apprendre et retenir et le reste . Leurs questions s ’ avèrent donc un excellent indicateur pour choisir par où commencer . Très tôt , les enfants montrent des signes d ’ intérêt pour le prix des objets ou jettent un œil sur les factures et s ’ étonnent candidement de ce qu ’ ils y trouvent .
Anne Bianca Morissette y entrevoit de belles occasions de donner des exemples représentatifs de valeurs et d ’ établir quelques comparaisons : « Et , justement , à l ’ occasion , on peut aussi aller au restaurant , et faire remarquer : ‟ As-tu vu , au restaurant , cela a coûté 100 $, mais là , nous avions seulement un repas ! L ’ autre fois , à l ’ épicerie , avec 100 $, j ’ avais quelques repas , quelques collations . J ’ avais même des gâteries et des trucs de pharmacie .” Alors , à ce moment , les filles commencent à comprendre . »
UN TABOU QUI COÛTE CHER
Pour que les enfants comprennent les mécanismes d ’ échange des biens et des services , encore faut-il qu ’ ils osent en parler . Or , il semble que le vieil adage selon lequel , pour éviter les problèmes , il vaut mieux éviter de parler de sexe , d ’ argent et de religion avec les enfants , a été lourd de conséquences pour les familles québécoises .
Démystifions la finance en famille
Annie Pelletier comprend très bien que des parents préfèrent éviter d ’ inquiéter les enfants en mentionnant , par exemple , qu ’ ils devront se passer de certains biens que d ’ autres peuvent s ’ offrir ou que la famille traverse une période plus difficile . Cette conseillère financière précise cependant que les enfants constatent d ’ eux-mêmes ces difficultés . Éviter le sujet ne contribue pas à épargner leur insouciance : « Parce que parfois l ’ enfant s ’ inquiète et n ’ osera pas le dire à ses parents . On peut donc expliquer ce qui se passe et pourquoi cela se passe . Ça permet alors aussi de rajouter que ce n ’ est pas une situation éternelle . »