plus anonyme et de ne pas voir l ’ effet de ses propos sur la personne réduisent la propension à se laisser toucher et à faire appel à l ’ empathie en cours de route : « Les adolescents demandent souvent aux autres de leur donner leur accord , mais là , avec les médias sociaux , ça devient exponentiel . Et puis , en plus , il y a des critiques . Il y a toujours des gens qui sont méchants et qui vont critiquer . Cela va aussi atteindre la problématique de la cyberintimidation . Et cela est d ’ autant plus amplifié que ça vient même des inconnus qui vont commenter notre physique ! »
Se retrouver en compagnie de plusieurs individus renchérissant les critiques envers une personne peut parfois accroître l ’ impression de s ’ associer dans une « cause juste » dans leurs attaques . Ces mécanismes d ’ intimidation ressemblent à ceux qui se produisent en personne , mais ici , précise Laura Masi , les victimes voient leurs possibilités d ’ échappatoires fort réduites : « Avant , il y avait le repère protecteur de revenir à la maison ou de sécher les cours . Maintenant , ce que l ’ on dit , c ’ est que c ’ est un des gros facteurs amplificateurs délétères : c ’ est que cela devient complètement envahissant . Les gens reçoivent des tonnes de messages insultants et dénigrants . Et ça va jusque sur leur cellulaire et dans leur lit , lorsqu ’ ils ouvrent leur cellulaire le matin . C ’ est ce côté sans limites qui devient complètement étouffant . »
Un billet vers le « Grand méchant monde »
Et cette réalité « qui nous suit partout » est plus oppressante que jamais , remarque Joël Monzée . Depuis le début de la pandémie , rappelle-t-il , le discours officiel s ’ adressant à tous les âges , à propos des risques du virus et des complots qui nous manipuleraient , contribue à rendre notre représentation de la réalité quotidienne terrifiante : « On est en train de créer l ’ idée que le monde est méchant , que le monde est dangereux , que mon voisin pourrait me dénoncer ou me donner un virus qui pourrait me tuer ; et si ça ne me tue pas , je pourrais tuer ma grand-mère en attrapant le virus ! On est donc en train de construire une idée du monde extérieur qui est extrêmement dangereuse . »
Mais la pandémie n ’ est pas le seul ennemi qui donnerait envie de réagir par la fuite et l ’ isolement . Or , ce retrait est aussi une stratégie que les enfants anxieux sur le plan social aspirent à adopter , plutôt que de combattre concrètement ce qui les hante . L ’ expérience de Laura Masi tend déjà à confirmer ce cercle vicieux du retrait social : « Nous , justement , en pédopsychiatrie , on a beaucoup plus tendance à voir des jeunes qui ont des troubles de l ’ anxiété sociale , des TDAH , ou des troubles neurodéveloppementaux , qui vont déjà être maladroits socialement et qui vont s ’ enfermer dans ce genre de ‟ relation sociale ”. »
Mais Laura Masi apporte une lueur d ’ espoir à ce sujet : il semblerait que même les plus anxieux d ’ entre eux en soient arrivés à un point où ils ne demandent rien de mieux que d ’ affronter les risques de la vie réelle pour répondre à leur besoin de socialisation : « Et si on regarde nos jeunes les plus poqués , finalement , il y a aussi ce besoin de relations sociales . En plus , il y a beaucoup de situations psychosociales qui font que c ’ est plus compliqué à la maison . »