jeu . Une ‟ bonne action ”, tu as gagné , il faut que tu continues … parce que tu veux continuer à avoir du plaisir . Et le problème de cette dopamine , c ’ est qu ’ elle est dépendante à la tâche : il y a donc une situation d ’ habituation . Cela veut dire , par exemple , que c ’ est comme si vous preniez un morceau de chocolat et que vous aimiez le chocolat . Vous allez laisser fondre le premier morceau dans votre bouche et vos papilles gustatives vont dire que c ’ est très bon . Le cerveau va donc libérer de la dopamine dans votre zone de plaisir . C ’ est sa façon de vous dire ‟ Continue , c ’ est bon pour toi .” […] Avec le chocolat , on peut ressentir un effet de satiété ou même des nausées , si on en prend trop . Mais le problème , c ’ est que nous n ’ avons pas cela avec le virtuel . »
Le même phénomène s ’ applique , prévient monsieur Monzée , aux accros de la conversation en ligne , qui attendent impatiemment une réponse et craignent de « manquer quelque chose », dès qu ’ ils s ’ éloignent de leur téléphone . Mais cet attrait de l ’ objet convoité et la forte stimulation de la zone du plaisir ( striatum ), qui sécrète la dopamine , en viennent à étouffer les signaux des autres « avertisseurs naturels » davantage reliés à l ’ empathie , au désir de rapprochement ou à l ’ écoute de nos propres émotions , comme la sérotonine et la noradrénaline . Ainsi , l ’ insensibilité temporaire de certains toxicomanes peut se comparer à ce que l ’ on retrouve dans les rapports en ligne , surtout , rapporte ce chercheur , lorsque le contexte d ’ interaction glorifie la violence : « Je ressens de la frustration , alors je ressors ma méchanceté . Et le striatum va m ’ encourager parce qu ’ il sent que je fais une bonne chose . Admettons que Viking m ’ attaque . Si je commence à penser que c ’ est peut-être le papa , probablement un mari , et que c ’ est certainement le fils de quelqu ’ un , je ne peux pas combattre . Alors il faut que mon cerveau inhibe ce qui fait de moi un être humain empathique et altruiste . Je dois seulement utiliser la partie du guerrier intérieur en moi pour défendre mon village . C ’ est ce que le virtuel va faire . »
Joël Monzée , d ’ abord plutôt enclin à croire aux effets cathartiques du jeu vidéo , a donc changé son fusil d ’ épaule en constatant les ravages de cette dépendance . Il a aussi vu certains des symptômes de dépendance , comme le besoin d ’ autogratification immédiate , se poursuivre même lorsque l ’ écran s ’ éteint . Une telle propension complique les tentatives de différer la satisfaction jusqu ’ à l ’ atteinte d ’ un objectif : « Je veux le plaisir immédiat . Et pour maintenir ce plaisir immédiat , je ne supporterais pas non plus que d ’ autres répondent à ma place . Je veux avoir l ’ attention totale du professeur et des rétroactions continues . Je veux que le professeur m ’ admire . Parce que lorsque le professeur m ’ admire , ça libère la dopamine . Je ne supporterais pas qu ’ un autre l ’ ait à ma place . Donc , ce n ’ est pas vraiment que le jeune manifeste de l ’ agressivité , mais cela perturbe quand même l ’ activité sociale . »
Des générateurs de stéréotypes
Laura Masi rajoute que ce phénomène accentue la propension à l ’ impulsion ainsi que les forts besoins d ’ identification et de reconnaissance durant l ’ adolescence . Et si , dans les jeux vidéo , le combat se livre contre des ennemis imaginaires , dans les réseaux sociaux , ils s ’ éveillent avant tout contre ceux qui , par leurs opinions ou leur manière d ’ être , ne semblent pas exactement correspondre à nos allégeances : « Le fait d ’ être directement en contact avec les autres personnes , ça favorise l ’ empathie , les rencontres et les débats . Et c ’ est là que nous découvrons
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