Montréal pour Enfants vol. 19 n°5 Automne 2019 | Page 8

8 éducation www.montrealpourenfants.com s’expliquer par l’espoir de l’enseignant de voir l’enfant se sortir lui-même d’une épreuve passagère, sans ac- cabler outre mesure l’enfant ou les parents : « Parce que c’est souvent ce que l’on voit : des parents qui se font dire “Votre enfant ne suit pas, ça ne fonctionne pas du tout.” Mais certains professeurs ont trop attendu, pour ménager l’enfant. Des parents qui apprennent au mois de mai que leur enfant va peut-être redoubler peuvent trouver ça dur ! » Cela dit, entamer une première rencontre avec un parent par l’énumération de ses insatisfactions envers l’attitude ou le rendement de son enfant ne constitue sûrement pas non plus le meilleur moyen de s’allier les parents. Voilà pourquoi Camil Sanfaçon suggère aux professeurs de chercher à joindre personnellement les parents dur- ant le premier mois de classe, et de trouver au moins un aspect positif à exprimer à propos de l’enfant. Lyne Guérin abonde aussi dans ce sens, mais souligne que les divers moyens technologiques à la portée des parents donnent accès à plusieurs autres voies de com- munication, qui favorisent cette approche transparente et positive : « On peut écrire directement des messages textes aux enseignants, un peu comme sur Messenger : ça s’appelle Classe Dojo. Alors oui, je pense que cela a évolué dans le bon sens. Il n’y a plus seulement le contact téléphonique. Il y a plein d’écoles qui l’utilisent maintenant, partout au Québec, parce que c’est telle- ment facile. En même temps, le professeur, lui, peut nous envoyer des photos de ce qui se passe dans la classe. On peut voir ce que les enfants ont fait comme activité de bricolage aujourd’hui. » Les courriels, et même les textos, sont d’ailleurs déjà devenus les alliés de plusieurs professeurs, puisqu’ils leur permettent, ainsi qu’aux parents, de se parler au moment qui leur convient, de mieux peser chacun de leurs mots et, surtout, de cibler un message, sans ris- quer qu’il soit détourné par un petit coquin craignant d’être puni. Est-ce dire que le bonhomme sourire ou triste dans l’agenda et les coups de téléphone d’antan sont tomber aux oubliettes ? Rollande Deslandes ne le croit pas : « Nous avons réalisé une étude récem- ment où j’ai découvert, à ma grande surprise, qu’il y a encore des parents qui préfèrent recevoir un appel téléphonique. Dans certains milieux, nous avons de la difficulté à établir le lien par courriel. Donc, il faut utiliser plusieurs moyens. On demande aux parents quelle est leur préférence. Il y en a pour qui ce sera encore les mémos et les messages, comme autrefois. » Moins d’impulsivité : plus de résultats Ce ne sont toutefois pas les moyens qui manquent pour, qu’au besoin, le parent puisse faire entendre sa voix, d’abord à l’école. L’expérience, autant que les pol- itiques scolaires générales, contribue à ce que les pro- fesseurs prennent conscience de leur intérêt à s’allier aux parents, puisque ce sont eux qui ont la plus grande influence sur l’enfant. Inversement, les parents gagnent à garder en tête que l’idée que ces grandes personnes se font du milieu scolaire peut jouer directement sur la motivation des enfants ou même sur leur motivation à s’ouvrir à un autre monde pour s’attacher au professeur. Mais si, malgré tout, l’école semble faire la sourde oreille, la Fédération des comités de parents peut même offrir un coup de pouce à ceux qui désirent se faire guider à travers le système éducatif. Et pour une situation qui s’aggrave, le parent peut s’adresser à l’ombudsman, présent dans chaque commission scolaire. Cela dit, Rollande Deslandes prévient que de prôner le droit de défendre les intérêts de son enfant sans prendre le temps de bien choisir les mots, le moment et, sur- tout, la personne à qui s’adresser, fait courir un risque à cette relation de collaboration : « La direction d’école s’attend à ce que les enseignants communiquent avec les parents et travaillent avec eux. Lorsqu’il y a des difficultés, ça se passe à un autre niveau. Ça peut se discuter avec la direction d’école. Ce qui me vient à l’idée, c’est l’exemple du parent qui envoie un courriel à l’enseignant, le matin, qui n’a pas de réponse durant l’avant-midi, et qui débarque à l’école pour s’adresser tout de suite à la direction d’école en disant : “On ne m’a pas répondu !” Ce parent a oublié que l’enseignant doit s’occuper de 27 ou 28 élèves. » Accorder à l’enseignant l’occasion d’offrir sa version des faits demeure la suggestion de base qu’offre Camil Sanfaçon pour désamorcer une situation susceptible de devenir conflictuelle : « On laisse l’enseignant parler sans l’interrompre à toutes les phrases. Ensuite, on peut dire : “Voici ce que dit mon enfant. Est-ce que quelque chose peut être fait pour régler cela ?” C’est à ce mo- ment que l’on pourra voir s’il y a vraiment une justice. Il n’y a pas d’autres moyens qu’en discutant. Et si cette démarche était faite plus souvent, probablement que nous n’aurions même pas besoin de nous en parler, nous deux, aujourd’hui, parce que la grande majorité des problèmes seraient déjà réglés, si on ne partait pas encore avec une seule des deux versions. C’est normal que quand un enfant vit une déception, il soit émotif et fâché. Il en a gros sur le cœur et il parle avec son