On aura beau parler des parents, des professeurs dé-
bordés, et des transformations trop rapides auxquelles
on doit s’adapter, il demeure que, la plupart du temps,
ceux qui ont choisi de faire des enfants, ou de leur en-
seigner, s’appliquent à le faire de leur mieux. Mais com-
ment se fait-il, dans ce cas, que les ponts soient parfois
si difficiles à établir entre toutes les personnes qui cher-
chent le bien-être de l’enfant ?
UNE COUR D’ÉCOLE
PAVÉE DE BONNES INTENTIONS
Ironiquement, c’est peut-être parce que les parents
d’aujourd’hui se révèlent plus soucieux du sort qui at-
tend leurs enfants qu’ils se retrouvent à faire vivre aux
professeurs des pressions difficiles à gérer. Les par-
ents sont bien conscients, en effet, qu’il faut plus qu’un
diplôme généraliste, acquis tant bien que mal, pour at-
teindre les objectifs professionnels dont pourraient, plus
tard, rêver leurs enfants… et sur lesquels reposent déjà
quelques-uns de leurs propres rêves ! Eux, qui n’ont
souvent plus qu’un ou deux enfants, sont aussi plus que
jamais sensibilisés à leur rôle et aux conséquences pos-
sibles d’une maladresse éducative.
Des exigences légitimes, mais élevées
D’après Camil Sanfaçon, qui a été lui-même enseig-
nant, cela expliquerait, en grande partie, que les parents
deviennent plus prompts à réagir devant une marque
de laisser-aller ou d’autorité qui leur semble excessive :
« Avant, ils faisaient totalement confiance à l’école, au
point que, s’il s’y passait quelque chose, les parents
prenaient presque d’emblée le parti de l’enseignant :
“Tu n’as pas été poli : il faut que tu fasses attention, ne
nous fais pas honte !” Aujourd’hui, c’est le contraire :
on va aller défendre l’enfant. On appelle ça le parent
hélicoptère, qui descend et qui vient régler le problème,
qui demande des comptes. Donc, maintenant, c’est
beaucoup plus rapide et direct : “On ne veut pas de
problèmes, et vous devez faire votre travail pour les ré-
gler s’il y en a.” »
Marie-Claude
Béliveau,
orthopédagogue
et
psychoéducatrice, remarque que les parents ne cher-
chent pas forcément à ce que les enfants deviennent les
« superformants » de la classe. Bien sûr, certains d’entre
eux se soucient davantage des notes et des signes
d’excellence, mais, dans la plupart des cas, il s’agirait
plutôt de s’assurer que l’enfant se sente bien dans sa
peau, à ce moment de sa vie, ce qui n’exclut pas, tout-
efois, l’aspect de réussite scolaire : « En général, ce que
les parents veulent, c’est que l’enfant soit heureux et
qu’il réussisse, parce que l’on sait qu’un enfant n’est
pas heureux s’il est toujours en échec ou à la remorque
de tout le monde, même s’il travaille comme un fou. »
Se sentir à sa place à l’école peut reposer sur d’autres
aspects, comme les relations avec les pairs ou un
sentiment de compétence dans les activités parasco-
laires. Les recherches de Rollande Deslandes, au dé-
partement de l’éducation de l’Université du Québec à
Trois-Rivières, confirment cependant que la relation
d’attachement au professeur peut jouer un rôle déter-
minant dans le sentiment de bien-être que ressentira
l’enfant à l’école et son envie de s’y investir : « Dire que
les deux vont main dans la main, c’est peut-être fort,
mais c’est sûr qu’il y a une corrélation entre les deux.
Si l’enfant aime son enseignant, évidemment, il va être
porté à aimer l’école, dans la majorité des cas. »
Parlez-nous de nos enfants
Le parent qui cherche à aider son enfant aimerait donc
qu’on lui apporte des réponses. Lyne Guérin, conseil-
lère à la Fédération des comités de parents du Québec,
nomme d’ailleurs ce besoin de se sentir accueillis et gui-
dés, à tous les niveaux de la structure scolaire, comme
l’un des plus fondamentaux pour les parents : « Je crois
que l’une des premières attentes des parents est d’avoir
une communication facile et agréable avec l’enseignant,
qui est le premier acteur du milieu scolaire, pour l’enfant
et le parent. Ensuite, il va y avoir aussi des attentes face
à la direction de l’école, parce que, parfois, même si
le professeur enseigne à notre enfant toute la journée,
on sent que l’on ne peut pas avoir accès à lui. Si on
a un problème dans l’immédiat, on veut pouvoir aller
s’adresser à la secrétaire ou au directeur et se sentir
bien reçu par l’équipe-école. »
Ces petits échanges deviennent d’autant plus appré-
ciés qu’en voyant passer leurs enfants à la « grande
école » du primaire, les parents constatent vite que ce
nouveau milieu est moins propice aux communications
quotidiennes qu’avec l’éducatrice de la garderie. Lyne
Guérin se souvient bien de cette transition : « Ce n’est
plus comme les parents qui se font dire chaque jour à la
garderie : “Votre enfant a fait ceci ou cela”, “Il s’est chi-
cané avec telle amie”. Une fois que l’enfant arrive à cinq,
six, sept ans, qui sait ce qu’il veut bien te raconter ?
Et souvent, ça se limite à “ça a bien été” ».
Une des grandes craintes qui se cacherait derrière ce
besoin de contact de la part des parents est celle de ne
pas être informés à temps, si leur enfant éprouve des
difficultés. Une situation qui survient trop fréquemment,
remarque Marie-Claude Béliveau, et qui peut parfois