Montréal pour Enfants vol. 19 n°5 Automne 2019 | Page 7

On aura beau parler des parents, des professeurs dé- bordés, et des transformations trop rapides auxquelles on doit s’adapter, il demeure que, la plupart du temps, ceux qui ont choisi de faire des enfants, ou de leur en- seigner, s’appliquent à le faire de leur mieux. Mais com- ment se fait-il, dans ce cas, que les ponts soient parfois si difficiles à établir entre toutes les personnes qui cher- chent le bien-être de l’enfant ? UNE COUR D’ÉCOLE PAVÉE DE BONNES INTENTIONS Ironiquement, c’est peut-être parce que les parents d’aujourd’hui se révèlent plus soucieux du sort qui at- tend leurs enfants qu’ils se retrouvent à faire vivre aux professeurs des pressions difficiles à gérer. Les par- ents sont bien conscients, en effet, qu’il faut plus qu’un diplôme généraliste, acquis tant bien que mal, pour at- teindre les objectifs professionnels dont pourraient, plus tard, rêver leurs enfants… et sur lesquels reposent déjà quelques-uns de leurs propres rêves ! Eux, qui n’ont souvent plus qu’un ou deux enfants, sont aussi plus que jamais sensibilisés à leur rôle et aux conséquences pos- sibles d’une maladresse éducative. Des exigences légitimes, mais élevées D’après Camil Sanfaçon, qui a été lui-même enseig- nant, cela expliquerait, en grande partie, que les parents deviennent plus prompts à réagir devant une marque de laisser-aller ou d’autorité qui leur semble excessive : « Avant, ils faisaient totalement confiance à l’école, au point que, s’il s’y passait quelque chose, les parents prenaient presque d’emblée le parti de l’enseignant : “Tu n’as pas été poli : il faut que tu fasses attention, ne nous fais pas honte !” Aujourd’hui, c’est le contraire : on va aller défendre l’enfant. On appelle ça le parent hélicoptère, qui descend et qui vient régler le problème, qui demande des comptes. Donc, maintenant, c’est beaucoup plus rapide et direct : “On ne veut pas de problèmes, et vous devez faire votre travail pour les ré- gler s’il y en a.” » Marie-Claude Béliveau, orthopédagogue et psychoéducatrice, remarque que les parents ne cher- chent pas forcément à ce que les enfants deviennent les « superformants » de la classe. Bien sûr, certains d’entre eux se soucient davantage des notes et des signes d’excellence, mais, dans la plupart des cas, il s’agirait plutôt de s’assurer que l’enfant se sente bien dans sa peau, à ce moment de sa vie, ce qui n’exclut pas, tout- efois, l’aspect de réussite scolaire : « En général, ce que les parents veulent, c’est que l’enfant soit heureux et qu’il réussisse, parce que l’on sait qu’un enfant n’est pas heureux s’il est toujours en échec ou à la remorque de tout le monde, même s’il travaille comme un fou. » Se sentir à sa place à l’école peut reposer sur d’autres aspects, comme les relations avec les pairs ou un sentiment de compétence dans les activités parasco- laires. Les recherches de Rollande Deslandes, au dé- partement de l’éducation de l’Université du Québec à Trois-Rivières, confirment cependant que la relation d’attachement au professeur peut jouer un rôle déter- minant dans le sentiment de bien-être que ressentira l’enfant à l’école et son envie de s’y investir : « Dire que les deux vont main dans la main, c’est peut-être fort, mais c’est sûr qu’il y a une corrélation entre les deux. Si l’enfant aime son enseignant, évidemment, il va être porté à aimer l’école, dans la majorité des cas. » Parlez-nous de nos enfants Le parent qui cherche à aider son enfant aimerait donc qu’on lui apporte des réponses. Lyne Guérin, conseil- lère à la Fédération des comités de parents du Québec, nomme d’ailleurs ce besoin de se sentir accueillis et gui- dés, à tous les niveaux de la structure scolaire, comme l’un des plus fondamentaux pour les parents : « Je crois que l’une des premières attentes des parents est d’avoir une communication facile et agréable avec l’enseignant, qui est le premier acteur du milieu scolaire, pour l’enfant et le parent. Ensuite, il va y avoir aussi des attentes face à la direction de l’école, parce que, parfois, même si le professeur enseigne à notre enfant toute la journée, on sent que l’on ne peut pas avoir accès à lui. Si on a un problème dans l’immédiat, on veut pouvoir aller s’adresser à la secrétaire ou au directeur et se sentir bien reçu par l’équipe-école. » Ces petits échanges deviennent d’autant plus appré- ciés qu’en voyant passer leurs enfants à la « grande école » du primaire, les parents constatent vite que ce nouveau milieu est moins propice aux communications quotidiennes qu’avec l’éducatrice de la garderie. Lyne Guérin se souvient bien de cette transition : « Ce n’est plus comme les parents qui se font dire chaque jour à la garderie : “Votre enfant a fait ceci ou cela”, “Il s’est chi- cané avec telle amie”. Une fois que l’enfant arrive à cinq, six, sept ans, qui sait ce qu’il veut bien te raconter ? Et souvent, ça se limite à “ça a bien été” ». Une des grandes craintes qui se cacherait derrière ce besoin de contact de la part des parents est celle de ne pas être informés à temps, si leur enfant éprouve des difficultés. Une situation qui survient trop fréquemment, remarque Marie-Claude Béliveau, et qui peut parfois