10
éducation
www.montrealpourenfants.com
corder plus de temps à l’enfant. C’est ce que nous re-
commandons souvent dans nos rapports d’évaluation :
donner un tiers temps. Parce que pour compenser
un problème d’attention sans médication, un enfant
doit prendre son temps. Souvent, le professeur dit :
“Mais il ne prend pas son temps, il veut toujours être
le premier.” Eh bien justement : pour qu’il prenne son
temps, il faut l’inciter à le faire. Cela demande un in-
vestissement particulier du professeur pour cet enfant,
alors qu’il en a 30 autres dans sa classe. »
Faute d’adaptation, les enfants se retrouvent souvent
avec des devoirs qui s’accumulent, ils se démotivent
devant l’ampleur de la tâche et les parents cachent
plus ou moins bien leur frustration, en tentant de leur
venir en aide. Il faut cependant savoir que l’enseignant
n’a pas un pouvoir absolu sur ces questions : c’est le
médecin, et non l’école, qui peut prescrire une médica-
tion et le parent doit l’accepter. Il n’en reste pas moins
qu’il est de plus en plus attendu des professeurs et des
éducateurs de dépister les problèmes afin d’aiguiller les
enfants vers les bons spécialistes, et leur compétence
à ce sujet est réellement reconnue. Pourtant, cette plus
prompte analyse des besoins ne mène pas nécessaire-
ment à des solutions harmonieuses, affirme Rollande
Deslandes, lorsque les ressources ne sont pas au
rendez-vous : « À quoi ça sert de faire des dépistages
si les enfants n’ont pas accès à des ressources qui
leur sont rapidement accordées ainsi qu’aux parents ?
J’entends toutes sortes d’histoires d’horreur. Les par-
ents qui n’ont pas les moyens d’aller chercher des res-
sources du côté privé et qui se retrouvent sur des listes
d’attente durant des années. Je n’ai pas de réponses à
cela, mis à part de dénoncer cette incohérence. »
Par contre, ceux qui ont les moyens d’envisager des
soins privés trouvent souvent un allié ou, plutôt, un
médiateur fort enrichissant pour la discussion. Marie-
Claude Béliveau constate que ces interventions en mi-
lieu scolaire sont généralement accueillies, si ce n’est
avec bonheur, du moins avec attention : « Souvent,
lorsque j’ai une demande d’évaluation, ça vient plutôt
de la professeure qui dit aux parents : “Vous devriez
consulter. Nous, ici, nous n’avons pas les services.”
À ce moment, les parents expliquent leur situation et
la professeure va m’écrire une lettre. J’ai la version de
l’école et celle des parents. Je leur envoie des ques-
tionnaires. On travaille ensemble. Donc, c’est fréque-
mment l’école qui le suggère. Cela peut aussi être le
médecin. Ce n’est pas pour les parents que nous allons
à l’école, et ce n’est pas pour leur dire quoi faire. On va
là pour entendre ce qu’eux ont fait, ce qu’ils proposent
et les limites des parents. »
L’école se complexifie
Et se rajoute aussi au rythme marathonien de la vie
d’enseignant le fait de devoir multiplier les formations,
pour se plier aux attentes du ministère, pour se sens-
ibiliser aux questions qui touchent les familles, mais
aussi, pour ne pas se laisser dépasser par les esprits
vifs auxquels l’enseignant enseigne. En effet, se mé-
nager une petite longueur d’avance demeure fonda-
mental pour bien jouer son rôle de guide et de critique,
selon Rollande Deslandes : « Nous avons fait une étude
au moment où la réforme a été mise en place. On in-
siste beaucoup sur le fait que les enseignants sont
davantage des facilitateurs. Mais on ne se cachera
pas qu’ils doivent aussi être des transmetteurs de con-
naissances. Cela amène des défis, et je dirais que le
principal en ce moment est ce qui a trait à tout ce qui
concerne les technologies. Cela s’est développé énor-
mément au cours des dernières années. »
Bien qu’il ne soit pas attendu par l’école que les par-
ents comprennent ces transformations des façons
d’apprendre et des technologies sur le bout de leurs
doigts, Camil Sanfaçon admet que les parents peu-
vent se sentir parfois un peu perplexes, au moment
d’accompagner la période des devoirs : « À moins que
le parent soit très intéressé et achète tous les volumes,
lorsque l’enfant arrive à la maison et parle de ce qu’il
fait à l’école, l’adulte peut être très éloigné de ça, parce
que ce n’est pas de cette manière qu’il a appris. »
Rollande Deslandes croit néanmoins que les parents
devraient pouvoir compter sur l’enseignant pour ne
pas trop souligner les petites lacunes de nos anciennes
façons de faire, ni les divergences entre les principes
dont l’école fait la promotion et les connaissances de
la famille : « Je ne serai pas outrée devant un enfant
qui me dit : “Ma mère m’a dit que c’était ils sontai-
ent”, de devoir répondre : “Ta maman t’a dit ça, mais
ici, on l’écrit de telle façon.” Mais ça s’arrête là. Nous
n’argumentons pas, parce que ce serait comme dé-
nigrer la mère et on n’est pas là pour la juger, ni pour
la reprendre, ni même pour l’instruire ou l’éduquer. La
question est de définir notre rôle comme enseignant.
C’est l’enfant qui est au centre de notre intérêt et de
notre travail. Il ne faut pas le perdre de vue. »