Montréal pour Enfants vol. 18 n°5 Automne 2018 | Page 20

20 psychologie www.montrealpourenfants.com l’enfant a atteint un certain état de développement cognitif et social, qu’il acquiert une capacité de réflexion, de mise en situation et même de projection dans le temps; une compréhension, donc, de la sphère du temps.» Elle soutient toutefois qu’il est rare que cet attrait pour les mensonges ou les autres moyens utilisés pour obtenir gain de cause prenne une tournure assez pathologique pour qu’il faille s’en inquiéter. Mais sous ces fantaisies et ces signes d’une empathie encore superficielle subsiste chez l’enfant le besoin criant d’acquérir l’autonomie à vitesse Grand V, de comprendre les mécanismes du monde, tant physique que social, afin de pouvoir de plus en plus interagir avec celui-ci par lui-même, sans devoir se référer constamment à l’interprétation du parent  : «  Les enfants ont besoin d’agir sur le monde, ils veulent participer, explique Stuart Ian Hammond. Ils ne veulent pas nécessairement savoir pourquoi le ciel est bleu, mais ils veulent engager les autres dans une conversation, ils veulent agir avec les autres. Je crois que c’est plutôt cela que l’on retrouve derrière cette tendance des enfants à poser des questions : ce désir ou ce besoin d’agir. » Parmi ces mécanismes avec lesquels il faut apprendre à interagir, il y a bien sûr celui du cadre familial  : l’enfant cherche à comprendre à quelles normes il peut se fier et ce que ses nouveaux outils de négociation peuvent lui apporter pour maîtriser un peu plus sa vie. Il a besoin que les choses aient du sens. «  C’est rassurant quand cela entre dans une case. Donc, si on lui dit quelque chose, il peut avoir tendance à dire que “ça, ça veut dire que…”. C’est une confirmation, parfois », explique Anne-Marie Quesnel, qui a enseigné le français durant plus de 20 ans. D’ailleurs, c’est également le moment où, en faisant revenir l’enfant sur les arguments qu’il connaît déjà et en l’aidant à établir les liens logiques entre eux, on peut parfois mettre un terme acceptable à la négociation ou venir à bout de l’enchaînement des « Pourquoi? ». Et, pour que l’enfant parvienne à développer tout l’éventail des possibilités associées à l’intelligence émotionnelle, Tina Montreuil souligne l’importance des choix d’accompagnement de l’entourage et, en lieu premier, des parents  : «  Il faut choisir ce que l’on cible comme réaction, dit-elle. Est-ce que je vais lui apprendre comment bien demander les choses ? Est-ce que je vais lui apprendre comment réagir à un “non” ? Est-ce que je vais lui apprendre à gérer l’attente de la réponse de maman ? Est-ce que je vais lui apprendre à trouver un compromis pour qu’on se rejoigne au milieu  ? Est-ce que je peux lui enseigner à trouver une autre solution  ? Ou est-ce que je veux lui enseigner l’intelligence émotionnelle, l’empathie, ou la bonne façon de communiquer un message de négociation  ? Ma manière de réagir dépendra beaucoup de ce que je veux lui enseigner. Mais chacune de ces situations offre une occasion d’enseignement. Elle nous amène aussi à développer de nouvelles façons de réagir selon la façon dont il s’oppose à nous. » Tout au long de cet accompagnement, les parents se retrouvent aux premières loges pour constater que cette démarche est exigeante pour eux aussi, et que certains enfants se montreront plus habiles que d’autres à choisir les arguments et les gestes qui nous font craquer, tandis que d’autres auront plus de difficulté à renoncer au mode des larmes, des silences inhibés ou des colères. Voilà pourquoi Tina Montreuil insiste sur l’importance d’aller plus loin que la réponse, dans les échanges avec l’enfant, en lui expliquant ce que le moyen de communication qu’il a choisi peut inspirer comme réaction  : «  Là, on a la possibilité de corriger ses comportements, de lui dire : “D’un côté, tu me demandes cela, mais de l’autre, tu me lances quelque chose ou tu lances quelque chose dans la maison. Est-ce que tu penses vraiment que je vais avoir envie de te dire oui?” » L’enfant réalise alors peu à peu que, non seulement la négociation lui permet de se rapprocher de ses désirs, mais qu’en traitant la personne avec qui il négocie comme un allié, en prenant en considération son point de vue, il peut faciliter ces liens qui lui sont précieux. Et c’est à partir de ces premiers signes d’une intention de négociation que Tina Montreuil suggère de commencer à impliquer l’enfant dans la recherche d’une solution créative, lorsqu’une limite s’impose : « Cela aide d’avoir une structure parce que cela permet de dire : “Là, tu ne peux pas avoir de film parce que tu le sais, les films, c’est le vendredi. Tu connais notre règle et elle n’a pas changé. Mais qu’est-ce que tu pourrais faire d’autre pour occuper ton temps? Qu’est-ce que tu pourrais choisir d’autres que la télé? Si je te laisse le choix de trouver quelque chose que tu penses que j’accepterais, qu’est-ce que ça pourrait être?” Ce qui est bien, c’est que là, en tant que parent, je le mets dans une situation qu’il peut gérer ou maîtriser, mais en même temps, je