Montréal pour Enfants vol. 18 n°3 Été 2018 | Page 40

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AU BOUT DU COMPTE, CHACUN GRANDIT
Carl Lacharité assure que les transitions se révèlent encore plus délicates et le poids des mots plus lourds dans le cas des familles où des enfants ont des besoins spéciaux. Et pour cette raison, l’ aide la plus considérable qu’ un intervenant puisse leur apporter ne se situe pas tant dans l’ éventail des solutions proposées à ses différents problèmes que dans les façons dont il parvient à aider les membres des familles à maintenir leurs liens pour réfléchir à leur situation de façon collaborative: « Quand quelqu’ un arrive dans la vie des enfants pour les aider, la forme d’ aide la plus utile est de les guider dans la façon dont ils réfléchissent. » De même Jean-François Bureau insiste sur le fait que, si les parents qui doivent gérer cette réalité se considèrent prêts à entendre ce qu’ ont à dire leurs enfants, ceux-ci ne l’ entendent pas toujours de cette oreille: « C’ est clair que pour moi, psychologue, si une problématique comme cela se retrouve dans mon bureau, mon rôle est de prendre les parents à part, sans l’ enfant, et de leur demander ce qu’ ils pensent que leur enfant vit, d’ amener chez eux cette empathie, de les amener à voir ce qui se passe. Ils diront peut-être qu’ il y a des signes, mais que l’ enfant ne dit rien. Se peutil qu’ il ne s’ autorise pas à vous en parler? Qu’ il sente qu’ il n’ a pas sa place? On peut dire: " Mais je vais toujours être à l’ écoute." Mais l’ enfant, lui, le sait-il? Il faut alors amener le parent à se montrer plus ouvert au dialogue avec l’ enfant. Et l’ enfant ne demande que ça, d’ en parler. »
Cet effort supplémentaire pour ouvrir le dialogue fait également partie des points que Véronique Richard considère comme importants de soulever lors de ses conférences destinées aux parents: «“ Vous êtes un soutien: émotionnel et, évidemment, financier ou technique, si nécessaire. Mais laissez votre enfant vivre son expérience. Laissez-le vous guider, en quelque sorte." Durant mes conférences, je demande aux parents: " Combien d’ entre vous ont pris le temps de demander à leurs enfants: quel rôle veux-tu que je joue dans ton sport?" La plupart des parents avouent ne pas lui avoir demandé. Peut-être pas quand ils ont dix ans, car à cet âge c’ est normal qu’ ils soient très investis. Mais quand les enfants prennent ce chemin de l’ élite, qu’ ils sont un peu plus vieux et ont décidé de s’ investir de façon plus sérieuse, ce serait la première question à leur poser: aimes-tu que nous parlions tout le temps de sport ou préfèrestu que quand on arrive dans la voiture, on mette de la musique et que l’ on chante des chansons ensemble?" »
Christiane Trottier suggère également aux parents de laisser les performances entre les mains des entraîneurs et de se concentrer sur ce que leur enfant peut ressentir, surtout avec les enfants de moins de 12 ans, généralement portés plus naturellement par le plaisir que par l’ espoir de rafler les médailles: « Je n’ ai jamais vu à quoi pourrait servir un parent qui serait trop axé sur les résultats. Si on valorise l’ effort, l’ acquisition d’ habiletés et un plan établi par l’ entraîneur, on est beaucoup plus dans l’ optique d’ une performance de pointe. Je suis des athlètes olympiques. Même pour eux, la veille d’ une compétition, on essaie de ne pas valoriser le résultat final, mais plutôt l’ attitude, l’ importance d’ être immergé dans le moment présent, de se centrer sur ce que l’ on contrôle. C’ est la même chose que doivent faire tous ceux qui gravitent autour de l’ enfant, que ce soit l’ entraîneur, le parent, le frère ou la sœur. »
Mais où la famille pourrait-elle ainsi parvenir à puiser la motivation pour ce soutien inconditionnel et sans attente, malgré tous les efforts sollicités? D’ abord, en s’ assurant, comme parent, de demeurer en adéquation avec leurs propres valeurs, de sorte de ne pas outrepasser leurs limites et reprocher ensuite les sacrifices exigés pour leur enfant. Ensuite, Robert Dubreuil assure qu’ il peut demeurer une belle place pour les moments de passion et d’ enthousiasme partagés, qui vont amener toute la famille à aller s’ amuser sur les patinoires, même durant les séjours de vacances. D’ ailleurs, il demeure convaincu que, lorsque le plaisir s’ éloigne, la gloire, elle aussi, devient plus ardue à reconquérir: « Il faut changer les habitudes, mais sur du long terme, pour que les changements deviennent plus profonds; et j’ ai toujours eu l’ intime conviction que tu ne peux pas changer la nature humaine de quelqu’ un. Alors c’ est mieux de travailler avec ce qu’ est la personne et de la faire évoluer. Si quelqu’ un aime la poutine et que tu l’ en prives totalement, il va être malheureux. Et tu ne peux pas performer lorsque tu es malheureux. »
L’ entourage d’ un enfant en situation de handicap ou vivant avec un trouble de développement n’ a pas pu choisir cet aspect de son destin. Toutefois, Carl Lacharité soutient qu’ il appartient à ceux qui cherchent à solidifier les liens de l’ une de ces