Montréal pour Enfants vol. 18 n°3 Été 2018 | Page 38

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parent a avantage à veiller à ce que le soutien qui est apporté au frère ou à la sœur ne relève pas de l’ obligation: « Idéalement, un enfant ne dit pas: " Il faut que je laisse la place à l’ autre ", il dirait: " Ça me fait plaisir de laisser de la place à l’ autre." »
Selon Jean-François Bureau, l’ affection, et parfois l’ admiration très viscérale entre un frère et une sœur, peut offrir une sollicitude capitale au moment de franchir les étapes essentielles de la vie, que ce soit au moment de faire sa place sur un podium ou simplement dans la cour d’ école: « Le sentiment d’ empathie, sentir la douleur chez l’ autre, c’ est inné. Et c’ est ce qui vient se développer peut-être davantage quand on voit son frère ou sa sœur en pleine douleur ou se faire regarder de travers par les autres parce qu’ il est différent.“ Je vois que les gens ne veulent pas trop aller vers lui parce qu’ il est bizarre." Ça, je le ressens à l’ intérieur de moi. Je crois que c’ est ce qui est à la base de ces liens. »
Il n’ est pas le seul à avoir côtoyé des familles en situation exceptionnelle où les frères et sœurs ont contribué très positivement à la dynamique familiale auprès des enfants prodiges ou en difficulté. Véronique Richard, qui accompagne la préparation mentale des athlètes et de leurs parents, croit néanmoins que les parents peuvent contribuer à l’ équilibre et favoriser cette solidarité en aidant les autres enfants de la fratrie à trouver leur propre champ de compétence ou, du moins, d’ épanouissement: « Il y a des parents qui disent: " Ta sœur vient te voir jouer au hockey le dimanche après-midi; toi, tu vas venir à son spectacle vendredi soir." Au début, peut-être que c’ est un peu forcé, mais plus ils vieillissent et prennent de la maturité, plus ils prennent conscience que c’ est important. Et aussi, ce qui est vraiment cool, c’ est quand les frères et sœurs se parlent de leur expérience personnelle et que cela les inspire. J’ ai déjà entendu des jeunes me dire: " Quand ma sœur joue du violon, elle utilise telle technique dans tel contexte. On pourrait l’ utiliser aussi ", parce que cela aussi demande de la pratique, d’ être une violoniste. »
Véronique Richard admet toutefois que ce souci de valoriser chaque enfant peut exiger plus d’ effort et d’ imagination de la part de l’ équipe familiale, lorsque les intérêts de certains ne semblent pas cadrer avec les valeurs générales du reste de la famille, qu’ elles tournent autour du sport, des résultats académiques ou autres: « C’ est dans ces dynamiques-là que ça devient difficile, pour les parents, de ne pas laisser l’ impression qu’ ils portent toute leur attention sur un seul enfant. Mais comment ouvrir une bouteille de champagne et sortir un gâteau pour célébrer un enfant qui préfère rester à la maison? On ne peut pas célébrer de la même façon une journée à la maison et dire: " Bravo, tu es resté tranquille à la maison toute la journée!" alors que l’ autre arrive avec une médaille d’ or d’ une compétition nationale. »
Madame Richard remarque tout de même que certains enfants trouvent assez de satisfaction dans le rôle de second violon, qui leur permet de multiplier les voyages et les situations de cohésion avec leur famille, sans avoir à subir les angoisses des feux de la rampe. Le besoin de compensation des parents peut parfois envoyer un message dangereux: « Je pense à une famille que j’ ai suivie de très près. L’ enfant qui n’ est pas impliqué dans le sport devient gâté, en quelque sorte. Pour l’ enfant qui fait du sport, il n’ y a pas de surprises: on paie le patin ou la gymnastique. […] Comme on fait tout cela pour l’ autre enfant qui est en train de se préparer pour sa compétition, on va acheter plein de choses au deuxième enfant qui reste avec nous. Je trouve cela un peu dangereux, parce que l’ autre enfant devient un peu un enfant-roi. Il finit par savoir que comme on fait tout ça pour l’ autre, lui peut demander ce qu’ il veut. Sa préoccupation devient plus matérielle. » Jean-François Bureau prévient, lui aussi, que la culpabilité est mauvaise conseillère en ce domaine: « Par exemple, parce que je me sens coupable d’ avoir passé trop de temps avec l’ enfant d’ élite, je ne respecte plus les limites de son frère. Alors là, je veux dire: " Maintenant, tu me racontes tout: on a deux heures ensemble, je veux savoir ce qui se passe avec toi." Mais l’ enfant a aussi besoin de son jardin secret. Si c’ est un adolescent qui n’ a pas envie de tout raconter à son parent, il en a le droit aussi. En plus, il est habitué à faire ces choses tout seul. Le parent doit alors y aller au rythme de l’ enfant. »
Jean-François Bureau croit toutefois que le rôle de premier de classe ou de champion n’ est pas non plus toujours le plus facile à tenir: « Un grand frère qui nous ramène des 100 % dans un programme international, qui est toujours bon, et qui obtient