L'Eclaireur n°10 | Page 21

A partir de là, les choses se compliquent et semblent échapper à tout contrôle. Les CRS, sous tension presque constante, foncent. On pourrait tout de même se poser quelques questions : obéissaient-ils simplement aux ordres, ou cédaient-ils à la pression et au stress ? Des questions auxquelles l'IGPN a du mal à répondre.

Jusqu'ici les enquêtes sont souvent ouvertes des mois après les incidents, laissant des familles dans l’amertume, les avocats dans le flou, et les violences se perpétrer. C'est le 9 janvier 2020 que Castaner répond aux plaintes et énonce un rappel à l’ordre clair : « L’usage juste et proportionné de la force est ce qui différencie la démocratie de l’arbitraire, ce qui distingue l’ordre de la brutalité. C’est le fondement, aussi, de notre confiance avec les français. » Chacun en jugera, c’est tout de même un progrès depuis décembre 2018. Autre évolution, quelques jours à peine après la prise de parole de son ministre, Emmanuel Macron lui-même prend la parole et « avertit » qu’il sera désormais « intraitable », et qu’il attend de ses forces de l’ordre un comportement exemplaire. Le premier ministre, quant à lui, reste plus réservé et rappelle la confiance qu'il accorde à la police et aux policier.e.s.

CRS, stress, stress

Chez les CRS aussi, c’est la panique. Depuis les premiers scandales, ils sont confronté.e.s, tous autant qu’ils sont, au stress, et essuient les « erreurs » de leurs collègues. Le 12 janvier 2020, Edouard Philippe a exprimé sa solidarité envers les forces de l’ordre et a rappelé l’importance et la difficulté du métier. C’est vrai, les CRS subissent insultes sur insultes, crachats sur crachats et j’en passe, malgré le travail important et la sécurité qu’il peuvent apporter. Certains les soutiennent, d’autres les méprisent, et d’autres encore ne savent pas où se positionner, entre violences et violences. Des dizaines de questions se posent, et il est difficile de prendre part au débat : La violence des forces de l’ordre s’explique-t-elle par la pression qu’elles subissent ? Bien entendu, rien ne justifie un tel degré de violence, mais il faut prendre en compte les circonstances et le contexte de chaque incident, afin de pouvoir se faire son propre avis.

Vue de l’étranger

En Allemagne, on désapprouve. Ce gouvernement favorise la prévention, et malgré des milliers de manifestations, on n'y relève jamais de violence. Dans ce pays, depuis une manifestation de 1967 au cours de laquelle un étudiant a été abattu par un policier, la police a été démilitarisée : on n’utilise pas de grenade de désencerclement, et même les lances à eau nécessitent une autorisation provenant du plus haut de la hiérarchie. Le président du syndicat de la police berlinoise n’hésite d'ailleurs pas à railler : « Quand nous avons une poubelle en feu, chez vous c’est toute la rue qui brûle. »

Et la loi, dans tout ça  ?

Même lors de manifestations illégales, la loi stipule que l'usage de la force doit tout de même être raisonnée et envisagée en fonction de la résistance subie. Elle doit être justifiée et mesurée en fonction du contexte.

Pour aller plus loin  :

Libération du Mercredi 15 janvier 2020

Le Figaro  « Violences policières » (en ligne)

Le Monde « Violences policières » (en ligne aussi)

Les misérables, film réalisé par Ladj Ly