Le Baromaître - Juillet 2019 - N°1 Le Baromaître - N°1 (1) | Page 9
Droits et libertés fondamentaux
Le médecin doit dispenser des soins consciencieux et
ne “jamais se départir d’une attitude correcte et attentive envers
la personne examinée" (note 5).
De nombreuses femmes atteintes d’endométriose en ont
une toute autre expérience : lors u’Aldina a fait part de ses
douleurs à sa gynécologue, celle-ci lui a rétor ué “c’est la
tête qu’il aut soigner” sans prati uer d’examen. Le propos
tenu, blessant et réducteur, ne relève pas de l’attitude
correcte attendue des professionnels de santé. Une crise de
larmes plus tard, Aldina a inalement pu passer une IRM…
ui lui a coûté 260€. S’il s’agissait déjà d’une somme
considérable pour elle, l’IRM permettant de diagnosti uer
l’endométriose en devient inancièrement inaccessible
pour certaines.
uant à Françoise, son gynécologue lui a tout simplement
ri au nez lors u’elle a a irmé ne pas être en capacité de se
rendre à son travail en raison des douleurs causées par ce
u’elle ignorait alors être son endométriose, diagnosti uée
uel ues années plus tard. Il y a dans une telle réaction un
refus très clair de prendre en charge la douleur de la
patiente ui souffre, et même un refus de reconnaître
l’existence de la douleur en tant ue telle.
L’expérience de Julie con irme ces prati ues de refus
illicites : “on m’a diagnostiqué l’endométriose aux urgences
gynécologiques, alors que j’avais déjà alerté plusieurs
professionnels plusieurs fois sur mes douleurs auparavan , sans
succès. J’ai par la suite demandé une IRM de contrôle, a in de
savoir si la maladie avait évolué. Le médecin a refusé, m’a dit
que je ne me rendais pas compte du coût pour la sécurité sociale.
Il a ini par en prescrire une après plusieurs crises de douleur :
l’ampleur de la maladie avait doublé”.
Ces refus, justi iés par un verdict hâtif et n’incluant pas le
ressenti des patientes en termes d’intensité, peuvent même
altérer la perception de la douleur elle-même et se révéler
dangereux pour la santé générale, dont l’échelle
d’appréciation de la douleur se retrouve modi iée : “pendant
des années, on m’a dit qu’il é ait normal d’avoir mal (...) quand
j’ai une crise de douleur, j’attends que ça passe. Récemmen , j’ai
eu mal au ventre. J’ai ini aux urgences et il s’est avéré que
j’avais l’appendicite depuis 4 jours, et un abcès dans l’estomac
qui s’é ait percé. J’ai ailli y passer… Et je n’avais pas réagi, car
ça aisait moins mal que cer aines crises provoquées par
l’endométriose, alors j’ai cru qu’elle n’é ait pas si grave”.
Ces refus de soins illicites peuvent-ils être uali iés de
discriminatoires ?
Une situation est discriminatoire lors ue, pour deux
petite enfance
situations similaires, une différence de traitement
défavorable intervient et est fondée sur un motif considéré
par la loi comme discriminant, par exemple le sexe d’une
personne (note 6).
La situation la plus classi ue rencontrée parmi les refus de
soins illicites opposés aux femmes atteintes d’endométriose
est la suivante : la patiente se plaint de douleurs ui sont
banalisées, minimisées. Dans ce contexte, soit aucune
analyse médicale n’est réalisée, soit des recherches plus
approfondies ne sont faites u’avec beaucoup d’insistance
face à une attitude dissuasive du corps médical.
La uestion la plus délicate en matière de discrimination
demeure la suivante : à partir de uel degré de
ressemblance considère-t-on ue deux situations sont
similaires ? Un homme souffrant de douleurs chroni ues et
intenses peut-il être comparé à une femme souffrant - sans
le savoir encore - des douleurs causées par l’endométriose ?
Sur le seul terrain des douleurs ressenties, il semblerait ue
oui. Or, il n’existe pas de phénomène signi icatif de
situations de douleurs chroni ues et intenses, subies par
des hommes et déconsidérées par le corps médical,
conduisant les malades à se voir opposer des refus illicites
de soins, et à n’être pas reconnus en tant ue tels. Une
discrimination, fondée sur le sexe, a donc bien lieu à
l’égard des femmes atteintes d’endométriose. Discriminées
en tant ue femmes, elles subissent une crédibilité
amoindrie et une prise en compte de leur parole très
éthérée face aux médecins.
Un contre-argument pourrait être le fait ue les hommes
n’ont pas leurs règles, et ue, par consé uent, ils ne se
placent pas dans une situation similaire à celle des femmes
concernées. Cependant, si seules les personnes ayant leurs
règles subissent un traitement différent face à des
souffrances physi ues répétées, alors il s’agit d’une
discrimination indirecte, puis u’une vaste majorité des
femmes ont, auront ou ont eu leurs règles. Par ailleurs,
c’est justement l’appréhension parfois trop basi ue du
phénomène des règles, ui semble dissimuler partiellement
les cas d’endométriose. Les refus de soins illicites,
discriminant les femmes sont fré uemment justi iés par
des ré lexions sur le caractère normal des douleurs de
règles, alors même ue celles-ci sont décrites comme
particulièrement éprouvantes.
Le réel problème engrangé par cette discrimination, outre
l’impact subi par les patientes dont les souffrances ne sont
pas reconnues, est le ralentissement, voire l’abandon du
enfant
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