Le Baromaître - Juillet 2019 - N°1 Le Baromaître - N°1 (1) | Page 8
Droits et libertés fondamentaux
Endométriose et
accès aux soins
Eloïse Pili
Élève avocate
Promotion Jacques Toubon
Maladie chroni ue méconnue, l'endométriose suscite
certains comportements et commentaires du corps
médical constitutifs d'une discrimination envers les
femmes.
"On se sent vraiment abandonnée”. Ce sentiment d’une
défection généralisée du corps médical est l’une des
premières choses ui viennent à l’esprit d’Aldina (les
prénoms des personnes citées ont été modi iés a in de
préserver leur anonymat) lors u'elle évo ue son
endométriose.
L’endométriose est une maladie chroni ue ui concerne les
femmes. Elle se manifeste par la remontée, par le biais des
trompes de Fallope, de cellules issues de l’endomètre, dans
l’utérus. Ces cellules s’étendent ensuite sur les organes
génitaux, urinaires, digestifs, voire pulmonaires, créant
lésions et kystes. La propagation des cellules ainsi ue
l’ampleur des douleurs
ui en résultent varient
grandement d’une patiente à l’autre.
ne dispose pas d’un droit absolu aux soins, ui serait
opposable en toutes circonstances à un praticien de la
santé. Pour autant, la protection de son intégrité physi ue
et mentale est garantie à plusieurs niveaux par des
instruments contraignants pour l’État : la jurisprudence de
la Cour européenne des droits de l’Homme (note 1), le
Préambule de la Constitution de 1946 (note 2), ainsi ue
plusieurs textes de droit international (note 3).
Les professionnels de la santé sont uant à eux tenus
d’obligations positives envers leur patientèle découlant
du “droit fondamental à la protection de la santé” consacré
par le Code de la santé publi ue (note 4) et le Code de la
déontologie médicale. Cela inclut un accès à la prévention,
au diagnostic puis aux soins.
Certains comportements du corps médical, contrevenant
à ces obligations, s’analysent-ils comme des refus de soins
illicites ?
Méconnue en France, elle concerne pourtant a minima 10%
des femmes ayant atteint l’âge de la puberté. Malgré une
découverte éloignée de plus d’un siècle, de nombreuses
incertitudes scienti i ues subsistent concernant les
facteurs déclencheurs de la maladie. À ce jour, aucun
traitement dé initif notoire n’existe et un suivi médical à
vie s’impose pres ue systémati uement.
uant aux
professionnels de santé, et plus particulièrement les
médecins généralistes et gynécologues, on constate en leur
sein de fortes disparités de connaissances relatives à la
maladie. En découle notamment un délai anormalement
long pour arriver à un diagnostic. Pour Julie,
diagnosti uée à l’âge de 27 ans, il aura fallu plus de dix ans.
Françoise a pour sa part attendu deux ans, et Aldina
uatre ans. Véritable parcours de la combattante, le
chemin vers un verdict médical établi est souvent semé
d’incompréhensions,
de
désinformation
et
de
minimisation des douleurs endurées.
Une patiente, u’elle soit atteinte d’endométriose ou pas,
Méconnue en France, l'endométriose
concerne pourtant a minima 10% des femmes
ayant atteint l'âge de la puberté.
Il faut d’abord préciser ue certains refus de soins sont
parfaitement licites. Ainsi en est-il d’un praticien
s’estimant incompétent, ui redirige sa patiente vers un
confrère ou une consoeur plus apte à la prendre en charge.
Il en va de même pour un refus de soins dans un contexte
d’agressivité de la personne soignée, ou dans une situation
où le médecin est placé hors de son domaine de spécialité.
Certains refus de soins s’avèrent cependant illicites. Ces
refus peuvent être explicites (refus de prise en charge de la
douleur subie) ou implicites (refus de rediriger la personne
vers un professionnel compétent, refus de délivrer une
ordonnance menant à l’abandon des soins par la patiente
en raison du coût impli ué).
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la revue des élèves avocats
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