Le Baromaître - Juillet 2019 - N°1 Le Baromaître - N°1 (1) | Page 7
Droits et libertés fondamentaux
prostitution devait être tolérée pour les personnes en
situation de handicap, il pourrait être très délicat de
dé inir uel type et uel degré d’in irmité permettraient
d’y avoir recours.
II.
L’objectif a iché d’éviter la précarisation des
personnes prostituées
Pour attirer l’attention du Conseil constitutionnel sur les
ris ues de précarisation des personnes prostituées, les
re uérants s’appuient sur les enjeux sanitaires découlant
de la répression des clients (A) et l’impact sécuritaire
engendré par l’isolement des personnes prostituées (B).
A. Les enjeux sanitaires découlant de la répression des
clients
La raréfaction des clients engendrée par leur répression
amène les personnes prostituées à accepter des prati ues
dangereuses – comme les rapports sans préservatif (note
10) - ui les exposent à des maladies sexuellement
transmissibles. Les ris ues épidémi ues ue cela induit
portent potentiellement atteinte à la salubrité publi ue,
composante de l’ordre public (note 11), ce ui n’est pas
l’objectif.
De plus, actuellement, les personnes prostituées adoptent
une approche économi ue et sociale de leur activité. Elles
se regroupent au sein de syndicats (note 12), se uali ient
de « travailleuses du sexe » (note 13), etc. Dans ce contexte,
elles réclament le même niveau de protection ue
n’importe uelle autre profession libérale (note 14). Or, le
droit à la protection de la santé, garanti par l’alinéa 11 du
préambule de la Constitution de 1946, participe à
l’établissement de conditions de travail satisfaisantes.
B. L’impact sécuritaire engendré par l’isolement des
personnes prostituées
Leurs clients craignant d’être appréhendés, les personnes
prostituées sont contraintes d’exercer leur activité dans
des endroits isolés (note 15). Cela peut se révéler
dangereux pour elles, car elles trouveront plus
di icilement du secours en cas d’agression. Récemment, le
meurtre de Vanesa Campos Vas uez, une prostituée du
bois de Boulogne, a permis de mettre en lumière cet effet
pervers (note 16).
Cela est d’autant plus criti ue u’en 2015 – soit avant la loi
–, sur les 30 000 personnes prostituées u’a dénombrées le
gouvernement, plus de la moitié déclaraient avoir été
victimes de violences physi ues au cours de l’année
précédant l’étude (note 17).
Leur mise à l’écart géographi ue est susceptible d’aggraver
une situation déjà très compli uée.
A in de se sentir en sécurité, certaines prostituées se
regroupent par communauté d’origine. Par exemple, les
prostituées chinoises du uartier de Belleville se sont
rassemblées au sein d’un syndicat ui leur est propre : les
Roses d’Acier (notes 18 et 19). De leur côté, les prostituées
sud-américaines du bois de Boulogne ont développé un
système commun d’alerte en cas de danger (note 20).
La décision commentée n’ayant pas permis de répondre à
ces différents enjeux, il appartiendra au législateur de se
saisir de ce sujet. Pour le moment, les sondages ne
démontrent pas ue les Français soutiennent massivement
une abrogation de cette loi (note 21). Cette problémati ue
ris ue donc de ne pas trouver de solutions à moyen terme,
d’autant plus u’aucun consensus ne semble se dégager à
l’échelle européenne (note 22).
Notes de bas de page
Note 1. C. Cst., 1er février 2019, Association Médecins du Monde et autres,
n°2018-761 QPC.
Note 2. Loi n°2016-444 du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le
système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées.
Note 3. Alinéa 1er du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.
Note 4. CE, Ass., 27 octobre 1995, Commune de Morsang-sur-Orge, n°136727.
Note 5. KUREK (C.), « Loi pénalisant les clients de la prostitution : objectif
rempli pour le législateur ? », AJPénal, n°4, 28 avril 2019, p. 210.
Note 6. V., par exemple, C. Cst., 15 janvier 1975, Loi relative à l’IVG, n°74-54 DC
ou C. Cst., 17 mai 2013, Loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de
même sexe, n°2013-669 DC.
Note 7. « Assistants sexuels : une nouvelle prostitution ? », Arte, Vox Pop, 2019.
Note 8. KRONLUND (S.), « Fabrice, accompagnant sexuel », France Culture, Les
Pieds sur Terre, 11 janvier 2019.
Note 9. Il s’agit, par exemple, de l’Association pour la promotion de
l’accompagnement sexuel (APPAS).
Note 10. DUPONT (G.), « Bilan sévère des effets de la loi de 2016 sur la
prostitution », Le Monde, 12 avril 2018.
Note 11. Article L.2212-2, alinéa 1, du Code général des collectivités territoriales.
Note 12. Comme le Syndicat du Travail Sexuel – STRASS, dont l’objet est
cependant plus large que la prostitution.
Note 13. Id.
Note 14. COMTE (J)., Stigmatisation du travail du sexe et identité des
travailleurs et travailleuses du sexe. Déviance et Société, vol. 34 (3), 2010, pp.
425-446.
Note 15. COUSTET (T.), « Loi prostitution : la décision QPC attendue le 1er
février », Dalloz actualité, 24 janvier 2019.
Note 16. PHAM-LÊ (J.), « Meurtre de Vanesa Campos au bois de Boulogne : ce
que révèle l’enquête », Le Parisien, 18 novembre 2018.
Note 17. https://www.egalite-femmes-hommes.gouv.fr/les-chiffres-cles-de-la-
prositution/
Note 18. LEPICARD (A.-S.), Rose d’Acier, Arte Radio, 30 janvier 2019.
Note 19. BENETTI (P.), « Les pas perdus des « marcheuses » de Belleville »,
Libération, 11 février 2015.
Note 20. Id.
Note 21. https://www.ipsos.com/fr-fr/prostitution-71-des-francais-hostiles-
labrogation-de-la-loi-penalisant-les-clients
Note 22. DUMAIN (A.), « Prostitution : quels modèles juridiques en Europe ? »,
France Culture, 22 janvier 2019.
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la revue des élèves avocats
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