Le Baromaître - Juillet 2019 - N°1 Le Baromaître - N°1 (1) | Page 6
6
Droits et libertés fondamentaux
Regards sur la
prostitution
Noélie Diernac
Élève avocate
Promotion Jacques Toubon
En ne censurant pas les articles 611-1 et 225-12-1 du Code
pénal, le Conseil constitutionnel laisse subsister plusieurs
interrogations uant à l’impact de la loi du 13 avril 2016
sur les personnes prostituées.
Si le législateur a entendu les protéger en réprimant leurs
clients, la uestion de leur précarisation reste entière.
Le 1er février 2019, le Conseil constitutionnel a jugé
conformes au bloc de constitutionnalité les articles 611-1 et
225-12-1, alinéa 1er, du Code pénal (note 1). Ces
dispositions, issues de la loi du 13 avril 2016 (note 2),
trans èrent le ris ue pénal de la personne prostituée au
client : si le délit de racolage est abrogé, le recours à la
prostitution est désormais prohibé.
Sur l’incrimination – c’est-à-dire la uali ication de l’achat
d’actes sexuels d’infraction –, le Conseil constitutionnel se
retranche derrière la volonté du législateur, ui a entendu
préserver le principe de dignité humaine (note 3) compris
de manière objective (notes 4 et 5). En outre, il estime ue
les peines attachées à cette infraction ont un caractère
nécessaire et proportionné. En effet, sauf circonstances
particulières, le client ne ris ue u’une amende
éventuellement assortie d’une peine complémentaire
comme un stage de sensibilisation.
Le sens de cette décision n’est pas surprenant dans la
mesure
où
le
Conseil
constitutionnel
reste
traditionnellement en retrait sur les sujets dits de
société (note 6). Néanmoins, il est permis de s’interroger
sur les éventuels angles morts et possibilités d’ouverture
ue cette décision laisse. Ainsi, les re uérants ont entendu
ériger la prostitution au rang de liberté (I) a in d’éviter la
précarisation des personnes prostituées (II).
A. La justi ication de la prostitution par l’autonomie
personnelle
Les re uérants ont défendu une nouvelle conception de la
prostitution, ui deviendrait une sorte de partenariat
entre la personne prostituée et son client – notamment s’il
est en situation de handicap. De son côté, le prostitué
deviendrait un « assis ant sexuel » (note 7) voire «
accompagnant (sic) sexuel » (note 8), uali ication plus
grati iante.
Dans cette démarche de valorisation, certaines associations
prônent la légalisation d’une prostitution ui s’inscrirait
dans un objectif plus large d’accompagnement affectif,
avec la participation éventuelle du personnel médical ou
paramédical (note 9).
B. L’assimilation de la prostitution à une forme de liberté
sexuelle
La liberté sexuelle telle u’elle était défendue admettrait
ue la personne prostituée et son client fassent dépendre
leurs rapports sexuels non pas d’une affection durable ou
d’une passion passagère, mais d’une rémunération, sous la
seule réserve de leur consentement mutuel.
Le Conseil constitutionnel a préféré répondre sur le
terrain de la liberté personnelle, tout en rejetant les
moyens tirés de la liberté contractuelle et de la liberté
d’entreprendre.
Partant, il a implicitement refusé d’ériger la liberté
sexuelle au rang de liberté constitutionnellement protégée.
Sans doute a-t-il estimé u’il n’était pas souhaitable de le
faire à l’aune de la prostitution. Par exemple, si la
petite enfance
I. La volonté d’ériger la prostitution au rang de liberté
Les re uérants justi ient la prostitution par l’autonomie
personnelle (A) et l’assimilent à une forme de liberté
sexuelle (B).
LE BAROMAÎTRE
la revue des élèves avocats