Le Baromaître - Juillet 2019 - N°1 Le Baromaître - N°1 (1) | Page 15
Droits spéciaux - affaires, fiscal et social
La loi PACTE : les
sociétés et la société
Marie Coutelle
Élève avocate
Promotion Jean Michel Darrois
Ayant pour objectifs de « aire grandir les entreprises pour
qu’elles créent plus d’emplois » et de « redé inir la place de
l’entreprise dans la société a in de mieux associer les salariés »
(note 1), la loi PACTE est controversée et nombreux sont
ceux ui attendent sa mise en œuvre et les premiers
retours jurisprudentiels. En premier lieu, il convient de constater ue le législateur
perd l’occasion de préciser le contenu de la notion
d’ « enjeux sociaux et environnemen aux », de même u’il ne
se prononce pas sur la dé inition de l’intérêt social, motif
pris ue la pertinence de cette notion repose précisément
« sur sa grande souplesse » (note 7).
Le droit des affaires a fait l’objet de nombreuses réformes
successives : la loi Macron (note 2), la loi Sapin II (note 3),
l’ordonnance du 12 juillet 2017 (note 4) et dernièrement, la
loi PACTE, entrée en vigueur le 23 mai 2019 (note 5).
Longtemps discutée et largement contestée, la loi PACTE
a inalement été votée en lecture dé initive le 11 avril 2019
à 147 voix pour et 50 voix contre après plus de 180 heures
de débat et 6.967 amendements. Il nous apparaît nécessaire, en deuxième lieu, et pour
mesurer la force des modi ications entreprises, de revenir
sur les consé uences ui sont envisagées au cas où la
société ne serait pas gérée conformément à son intérêt
social et sans considération pour « les enjeux sociaux et
environnemen aux de son activité ».
Cet article n’a assurément pas vocation à dresser un
panorama exhaustif des 221 articles ue comprend cette
loi. Cependant, nous aurons à cœur de présenter les
mesures considérées comme les plus emblémati ues en
matière de droit des affaires, notamment en ce u’elles ont
vocation à insister sur la nécessité pour les entreprises de
tenir compte des enjeux de la société dans la uelle elles
s’inscrivent. Nous distinguerons les enjeux sociaux et
environnementaux (A.) de ceux liés à la uestion de
l’égalité entre les hommes et les femmes (B.).
A. Les enjeux sociaux et environnementaux
La France, déjà pionnière en matière de responsabilité
sociale et environnementale de l’entreprise (RSE) (note 6)
se dote, avec la loi PACTE, d’un moyen nouveau d’assurer
une conciliation entre l’intérêt social de ses sociétés et les
enjeux sociaux et environnementaux de leurs activités.
L’article 169 de la loi PACTE modi ie, pour le droit
commun, l’article 1833 du Code civil et pour le droit
spécial, les articles L.225-35 et L.225-64 du Code de
commerce, imposant désormais aux dirigeants de sociétés
d’en assurer la gestion « dans [leur] intérêt social, en prenant
en considération les enjeux sociaux et environnemen aux
de [leur] activité ». f
A priori, la sanction n’est pas à rechercher sur le terrain de
la validité des actes et délibérations sociales et moins
encore du contrat de société : ceci résulte très clairement
de la modi ication des articles 1844-10 du Code civil et
L.235-1 du Code de commerce.
uid cependant des nombreuses jurisprudences de droit
des sociétés ui, pour prononcer la nullité d’actes ou
délibérations sociales, recouraient à la notion d’intérêt
social – abus de majorité, abus de minorité, garantie de la dette
d’un tiers par une société à risque illimitée… ? Il faut, nous
semble-t-il, considérer ue ces solutions se maintiennent
tant ue la jurisprudence ne sera pas expressément
revenue dessus ; avis au demeurant partagé par la doctrine
ui, pour ce faire, opère une distinction entre les actes
internes et externes des sociétés (note 8).
Aussi, le non-respect de ces nouvelles dispositions aura
uni uement pour consé uence, au demeurant déjà
appli uée, l’engagement de la responsabilité civile des
dirigeants.
S’agissant plus spéci i uement de l’obligation de prendre
en considération les enjeux sociaux et environnementaux
de la société, elle doit à notre sens être comprise comme
une obligation de moyens et être amenée à constituer l’un
des critères permettant de mesurer la conformité des
agissements des dirigeants à l’intérêt social de la société.
LE BAROMAÎTRE
la revue des élèves avocats
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