Le Baromaître - Juillet 2019 - N°1 Le Baromaître - N°1 (1) | Page 12

Droits et libertés fondamentaux aux intérêts communs ui empêcherait toute remise en cause de l’historicité de la Shoah. Dès lors, le fait ue la loi Gayssot soit une arme e icace dans la lutte contre la propagation de telles théories est grandement contestable. En effet, de nombreux gourous du négationnisme brandissent ièrement leur condamnation comme une preuve de la véracité de leurs propos et de la volonté du « système » de les faire taire, rendant ainsi leurs idées plus attractives aux yeux du public. La répression de la parole négationniste semble nourrir l’antisémitisme plus u’elle ne le combat. Ce ris ue d’instrumentalisation de la loi était déjà source d’in uiétudes pour Simone Veil, la uelle a irmait u’une telle loi donnait l’air de vouloir cacher uel ue chose. Ainsi, les scepti ues du délit de négationnisme sont nombreux, parmi les uels Robert Badinter, Simone Veil, Jean-Louis Debré ou encore le Défenseur des droits Jac ues Toubon. La position américaine est donc à l'inverse de celle de la France et se fonde sur une idée résumée en une phrase par John Stuart Mill selon la uelle « Imposer silence à l’expression d’une opinion […] revient à voler l’humanité ». Pourtant, lors ue l’on compare le taux d’antisémitisme en France à celui aux Etats-Unis (8 % d’après l’Anti- Defamation League), force est de constater ue la stratégie répressive ne semble pas fonctionner. Une récente étude de l’Ifop révèle par ailleurs ue huit Français sur dix adhèrent au moins à une théorie du complot. À l’heure où les uenelles de Dieudonné se multiplient dans les cortèges de marcheurs jaunes et u’en Une de Paris Match le  « soulèvement populaire »  porte le visage d’Hervé Ryssen, la ré lexion sur la uestion semble inévitable, bien ue délicate. La répression de la parole négationniste semble nourrir l’antisémitisme plus u’elle ne le combat.
 Un véritable enjeu pour la démocratie et le droit français
 Le tribunal correctionnel de Paris a rendu le 15 avril dernier un verdict histori ue à l’encontre d’Alain Soral pour avoir contesté la réalité de la Shoah : un an de prison ferme. Toutefois, le Par uet a fait appel contre le mandat d’arrêt émis, estimant celui-ci inapplicable aux délits de presses prévus par la loi de 1881. Cette prise de position du Par uet relance le débat de l’e icacité de la loi Gayssot. Alors ue le droit réprime les propos négationnistes, le Par uet prive les textes de leur raison d’être : « remettre la haine dans la cage dont elle n’aurait jamais dû sortir ». S’il est évident u’il faut lutter contre la haine antisémite, dont le négationnisme n’est u’une manifestation, le droit français doit s’interroger face à ses propres contradictions. Dans cette ré lexion, les mots de Simone Veil, elle-même rescapée des camps de la mort, doivent plus ue jamais résonner à l’esprit de tous ceux ui souhaitent honorer la mémoire des victimes de la Shoah : « Il n’existe pas de loi pour interdire d’af irmer que Jeanne d’Arc n’a pas existé ou que Verdun n’a pas eu lieu. Si on ait une loi, c’est que le débat est ouver . Ce n’est pas le cas, même si quelques olibrius prétendent le contraire. »   Les leçons à tirer de la position américaine
 Là où la France fait le choix d’un régime répressif, le Premier amendement de la Constitution des Etats-Unis a irme u’aucune loi visant à limiter la liberté d’expression ne peut être adoptée par la Congrès.  ne LE BAROMAÎTRE la revue des élèves avocats 12