Le Baromaître - Juillet 2019 - N°1 Le Baromaître - N°1 (1) | Page 11

Droits et libertés fondamentaux Négationnisme et loi Gayssot Anthony Reisberg Élève avocat Promotion Jacques Toubon La loi Gayssot du 13 juillet 1990 a consacré le délit de négationnisme. En prati ue, elle est aujourd’hui instrumentalisée par les négationnistes eux-mêmes. Dans un narratif conspirationniste, la loi Gayssot est la preuve ue l’État empêche de dénoncer le « mensonge de la Shoah ». Entre liberté d’expression et devoir de mémoire, l’e icacité de la loi Gayssot semble remise en cause. Le droit doit s’interroger : et si la loi servait les intérêts des antisémites ? la française est donc conçue comme nécessairement limitée par la loi. C’est ainsi ue la loi Pleven du 29 juillet 1881 pose comme première limite à la liberté d’expression l’incitation à la haine raciale. La loi Gayssot du 13 juillet 1990 réprime uant à elle la contestation des crimes contre l’humanité, et plus précisément du génocide des Juifs d’Europe. « 37 % des Français adhéreraient aux idées antisémites »   révèle une étude de 2014 menée par l’Anti-Defamation League. En ce début d’année 2019, la France a été le théâtre d’une série noire d’actes antisémites. Les arbres plantés à la mémoire d’Ilan Halimi ont été profanés. Des croix gammées ont leuri comme des ronces sur le visage de Simone Veil et ont recouvert près d’une centaine de tombes des cimetières juifs. Sur les murs de Paris, on pouvait lire « Juden » dans le Marais, « sale juif » dans le uatorzième arrondissement. Ces actes, sans oublier l’agression d’Alain Finkielkraut, sont intervenus en marge des manifestations des Gilets jaunes. Révélateurs d’une libération de la parole antisémite et des idées conspirationnistes ui gravitent autour du mouvement, les évènements de février dernier soulèvent une uestion majeure et pourtant absente du débat public : celle de la liberté d’expression. Portraits de Simone Veil réalisés par l’artiste C215 en hommage à l’ancienne ministre, recouverts de croix gammées — Paris XIII, 11 février 2019 Une loi dont l’e icacité est contestable
 Sans remettre en cause la constitutionnalité de la loi Gayssot, la uelle a été a irmée par une décision du Conseil constitutionnel du 8 janvier 2016, il est nécessaire de s’interroger sur son e icacité. Une liberté fondamentale limitée Élevée au rand de liberté fondamentale par le Conseil constitutionnel dès 1984, la liberté d’expression est garantie par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Ar . 10 — Nul ne doit être inquiété pour ses opinions […] pourvu que leur manifes ation ne trouble pas l’ordre public é abli par la loi », « Ar . 11 — La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer libremen , sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». La liberté d’expression à la De nombreux gourous du négationnisme brandissent ièrement leur condamnation comme preuve de la véracité de leurs propos Il est ici primordial de comprendre le fonctionnement des théories négationnistes et conspirationnistes. Celles-ci reposent principalement sur l’idée ue le système médiati ue et politi ue serait contrôlé par une minorité enf LE BAROMAÎTRE la revue des élèves avocats 11