La Plume du Résistant N°07 | Page 6

Tous les Bantu le faisaient avant l’occidentalisation de nos cultures : Bongo Ondimba, c’est normalement Bongo fils de Ondimba. Maintenant même le chien et le planton s’appellent Bongo Ondimba ; Essono Mengué, le maire d’Oyem, c’est Essono fils de Mengué ; Song Bahanag, Song fils de Bahanag, au Cameroun ; Mputu Mabi, c’est MPutu fils de Mabi en RDC. Cela permettait de retracer les généalogies des familles. Qu’on soit patrilinéaire ou matrilinéaire, c’est le nom du père après celui de l’homonyme, pour ne pas oublier les ancêtres. En définitive, toutes ces caractéristiques culturelles savamment étudiées montrent que les peuples du Gabon, qu’ils s’agissent des Ekang ou les autres partagent les mêmes pans de civilisation malgré quelques différences. C’est ce qui a facilité l’élaboration du code civil gabonais, où tout le monde se reconnaît. D’un peuple à un autre, les langues ont de fortes différences à cause des influences des populations croisées lors des différentes migrations ou installations.

Les habitudes des Peuls, des Haoussa, voire des Pygmées sont différentes de celles des Bantu. Les Myènè, les Nzebi, les Fang, les Obamba, les Punu ou les Vili, les Kongo et les Lari, sont des Bantu si c’est ce déterminant choisi pour ces peuples.

Ainsi, pour le Gabon, concernant les populations, on doit dire “groupes sociolinguistiques” et non “groupes ethniques”. Et dans une moindre mesure, “groupes ethnolinguistiques”, car il n’existe pas une différence ethnologique entre un Kota et un Fang ou entre un Voungou et un Téké.

Les Ekang ou les Omyéné n’ont pas eu de problèmes majeurs de cohabitation avec les autres peuples du Gabon parce qu’ils partagent ensemble les mêmes conceptions culturelles comme les rites initiatiques Bwiti et autres, le rapport à l’Iboga. Du Moyen-Ogooué à l’Ogooué Maritime, de l’Estuaire à l’Ogooué Ivindo, le comportement culturel des Fang et Myènè est très proche des populations avec lesquelles ils cohabitent merveilleusement. C’est même un facteur qui favorise cette coexistence.

Tous les peuples du Gabon ont les mêmes croyances, à quelques différences les unes des autres : croyance aux esprits ; croyance à la puissance des défunts bienveillants ; leurs rapports avec les morts : veillée mortuaire, inhumation, port du deuil, retrait de deuil… Même s’ils croient aux esprits, tous les Bantu, et c’est le plus important, sont monothéistes. Ils ne croient tous qu’à un seul Dieu créateur de l’univers. Que ce soit Zame, Nzambé, Nzambi, Nyambié mot formé du même radical pour désigner le Dieu tout puissant, le terme n’est jamais au pluriel. C’est l’une des identités du peuple Bantu. Et si la langue est un miroir sur le savoir de nos ancêtres, le déterminant Zame ou Nzambé nous montre que nos ancêtres Bantu étaient tous monothéistes à la base.

Concernant l’alimentation, les peuples du Gabon cultivent les champs presque de la même manière : défrichage, abattage, cultures sur brûlis, sarclage, récolte, contrairement aux pygmées qui vivent que de chasse et de cueillette. Les Bantu cultivent les mêmes aliments : tubercules (manioc ou taros), banane, concombre, etc. Sans oublier la même manière de construire les maisons en terre pétrie avec un toit de paille ; la même manière de tisser le rotin. Les mêmes caractères sédentaires.

Pour la langue, le fait de se baser que sur un mot pour désigner des ethnies sans une étude linguistique préalable, est une hérésie, une insuffisance. Même si les Fang et Myènè ne disent pas mutu ou batu, plusieurs autres termes sont apparentés à la langue des autres Bantu : mone, mwane, mwana, owana, pour dire enfant ; Nzambi, Zame, Nzambé pour Dieu ; bivissi, bivess pour les os ; ndague pour le rat ; la forme du pluriel de l’article : bi, beu, ba selon la consonance de la première lettre du déterminant qu’on désigne. Tous les peuples du Gabon nomment leurs progénitures de la même façon : le nom de l’homonyme qu’on ajoute à celui du père.

L’Histoire se construit aussi sur des mythes, des légendes, et tout ce qui proviendrait de l’oralité pour nous africains. C’est même la base de l’Histoire des civilisations comme la Rome antique ou l’Égypte antique. Alors le nom Bantu, d’après certaines sources orales, viendrait d’une légende au moment de la rencontre des européens avec les africains du Golfe de Guinée. Pour les identifier, le blanc avait posé une question: “vous êtes qui ?” Ceux qui avaient répondu à ce moment là avaient dit : “Djetu batu”, en punu et en nzebi “bess batu” par exemple pour dire : “nous sommes des hommes”, et dit à peu près comme ça dans plusieurs autres langues d’Afrique centrale et même méridionale. Les Bantu sont localisés dans le bassin du Congo et une partie dans le Sud de l’Afrique.

Le terme a été inventé par le philosophe allemand Wilhem Bleek, pour désigner l’ethnie des populations qui disent “mutu”, terme qui signifie Homme. (Magazine Jeune Afrique du 5 juillet 2004). Ainsi, ceux qui ne disent pas “mutu” ou “batu” au pluriel, ne seraient pas classés dans le groupe ethnique Bantu. Or des études anthropologique et ethnologique plus approfondies auraient pu démontré que tous les peuples du Gabon par exemple, même les Ekang ou les Myènè sont des Bantu, comme nous l’avons appris à l’école primaire gabonaise, même s’ils ne prononcent pas le mot “mutu” dans leurs langues (fam ou moure, mote pour les Fang ; onome, anome au pluriel pour les Myènè). On ne peut pas définir l’ethnicité sur la base d’un seul terme mais plutôt sur la croyance, sur l’alimentation, la langue bien-sûr, donc la culture en général.

Fang du Haut Ivindo - Cliché Mission Cottes.

LPDR N°7 Les Bantu : Zoom sur le GABON CULTURE

Lundi 08 mai 2017 6