Kanguq - Hiver / Winter 2014 | Page 6

Histoire de notre coopérative / ᑯᐊᐸᑦᑕ ᐱᕙᓪᓕᐊᓂᕕᓂᖓ / Our Co-op History Histoire du mouvement coopératif au Nunavik w3cN3gdtq5 fxX8is2 kN[7u History of the Cooperative Movement in Nunavik par / by Peter Murdoch Il m’a été demandé de raconter les débuts de la Fédération des Coopératives du NouveauQuébec (FCNQ). J’ai accepté de le faire, car il m’apparaît important que les jeunes connaissent un peu mieux leurs coopératives. Ayant cela en mémoire, ils seront davantage en mesure d’apprécier à sa juste valeur la participation de leurs parents et de leurs grands-parents au succès remporté par le mouvement coopératif, succès d’autant plus méritoire qu’il advenait dans des conditions adverses. En effet, à cette époque, de pénibles changements s’opéraient dans le mode de vie de tous ces gens. La première coopérative inuite vit le jour à Kangirsualujjuaq, opération alors appuyée par le gouvernement fédéral. C’était en 1959. Cependant, dès 1957, sous la houlette du missionnaire et père oblat A. Steinman, les habitants de Puvirnituq avaient uni leurs efforts afin de commercialiser leurs sculptures. C’est ainsi qu’à la fin de cette année-là, ils approvisionnaient Birks et Cie (Ottawa) en art inuit venu de leur communauté. Puis, en 1959, ils fondèrent la Société des Sculpteurs de Puvirnituq et ouvrirent un atelier de gravure, imitant en cela les habitants de Kinngait (Cape Dorset), qui avaient ouvert le leur en 1957, avec le concours de James Houston. La Société des Sculpteurs de Puvirnituq fondait son action sur les principes coopératifs, offrant aux sculpteurs de l’endroit un débouché pour leurs créations. La Compagnie de la Baie d’Hudson participait à cet effort en finançant une partie des stocks et en s’adonnant au troc. En effet, à l’époque, l’argent n’avait cours dans aucune des communautés du Nord. De tout temps, le peuple inuit a vécu là où il trouvait de quoi survivre, regroupé en familles dispersées sur tout le territoire du Nord. Ses abris étaient faits de neige en hiver et de peaux d’animaux le reste de l’année. Il tirait sa subsistance de son environnement naturel. Au fil du temps, il a développé les outils et les techniques dont il avait besoin pour survivre et prospérer dans son milieu. C’est tôt dans les années 1800 que, pour les Inuits du Nunavik, les choses commencèrent à changer sur le plan économique. En 1820, la Compagnie de la Baie d’Hudson ouvrit un poste de traite à Kuujjuaraapik, puis un autre à Kuujjuaq, dix ans plus tard. En 1878, le révérend Peck fonda une mission à Qilalugarsiuvik (Petite rivière de la Baleine). Le mode de vie et la culture des Inuits en furent transformés, et ce, dans tout le Nunavik. Les fusils remplacèrent les lances, ce qui créa une demande de munitions. Les gens développèrent un goût pour le thé et le tabac. La farine, Charlie Sivuarapik de Puvirnituq ᓵᓕ ᓯᕗᐊᕌᐱᒃ le sucre, le saindoux et la poudre à pâte commencèrent à se substituer au poisson et Charlie Sivuarapik of Puvirnituq -1955 à la viande. Puisque ces biens s’obtenaient que tirait une famille du piégeage s’élevait contre des fourrures, les Inuits durent piéger à moins de 400 $, somme qui, additionnée davantage, mais, pour mettre la main sur les aux prestations gouvernementales, suffisait fourrures convoitées, ils devaient parcourir des à couvrir les besoins d’une famille. En cas de distances toujours plus grandes. Pour ce faire, maladie ou autre coup du sort, la Compagnie ils s’aidèrent des chiens, augmentant ainsi la de la Baie d’Hudson offrait parfois une aide pression mise sur la population animale, aux sinistrés. La plupart des gens vivaient puisque les chiens consommaient de grandes alors loin des postes et puisaient dans leur quantités de poisson et de viande. La qualité environnement naturel de quoi se nourrir de vie des Inuits était ainsi fonction des prix de et se vêtir. Cependant, pour maintenir leurs la fourrure : excellente lorsque les prix étaient habitudes importées, ils dépendaient à 80 % hauts, navrante dans le cas contraire. des programmes gouvernementaux. Avant 1947, les gouvernements fédéral et À cette époque, les Inuits ne payaient ni provinciaux influaient très peu sur le mode de impôts ni taxes de vente, si ce n’est les taxes vie des Inuits du Nunavik ou de l’île de Baffin. cachées que prélevaient les marchands et L’arrivée des allocations familiales modifia auxquelles chacun se trouvait assujetti. Quant la donne. Versées dans le Sud du Canada dès à la Gendarmerie royale du Canada (GRC), là 1944, elles ne firent leur apparition dans le où elle établissait ses postes, elle était tenue de Nord du pays qu’en 1947. Avec l’instauration faire respecter tant les lois relatives à la chasse de ce programme, les Inuits durent dès lors que le droit civil. Certaines lois se rapportant à veiller à ce que toutes les naissances et tous la chasse limitaient les Inuits dans leur recours les décès soient enregistrés, et procéder à à l’environnement naturel pour y combler un recensement fiable. L’impact de ce leurs besoins traditionnels. La vie économique programme sur la vie économique des des Inuits se modifiait lentement, et ceux-ci Inuits ne s’arrêta pas là, puisqu’il permit au perdaient peu à peu le contrôle de leur propre g