HISTOIRE & PATRIMOINE - n° 99 - novembre 2020 novembre 2020 | Page 26

1850 - 29 e partie

Journal d ’ un aumônier breton

1850 - 29 e partie

Christiane Marchocki
Ce qui suit est l ’ image de la société d ’ une certaine époque et d ’ un milieu particulier : ceux qui sont à terre , et ceux qui sont en mer . Ainsi les officiers font la fête à tribord et les matelots à bâbord . Tant il est vrai que tribord est toujours le côté de l ’ honneur .

Actuellement , un canot de service

accostera , obligatoirement , un bâtiment à tribord . D ’ autant plus s ’ il y conduit une personnalité . C ’ est à tribord que se trouve la cabine du capitaine . C ’ est à tribord qu ’ on hisse le pavillon de courtoisie en abordant un pays étranger . Lors de nos régates d ’ été , le long de nos côtes , les règles de route sont respectées . A priorité celui qui arrive « tribord amure ». Il ne ralentira pas d ’ un centimètre , il vaut mieux , pour l ’ autre concurrent , modifier son cap . Cela engendre une tactique qui vaut largement celle des échecs . Enfin , la diplomatie ecclésiastique est un moment remarquable . Sérieux , mais amusant . L ’ espace est restreint sur un bateau . On imagine ce brave homme esquivant les conversations délicates . Et quel style , pour l ’ exprimer ! En un mot , il semble qu ’ on ne s ’ ennuie pas à bord . Les mondanités n ’ y manquent pas . Il faut savoir que l ’ étiquette navale et la discipline sont des plus rigoureuses . C ’ est un milieu très conservateur . Ainsi , on a longtemps dit « la Royale » et non la « Marine nationale », et , le drapeau tricolore n ’ a pas rapidement détrôné les fleurs de lys . Les officiers étaient bien souvent les cadets des familles nobles .
La vie à bord , telle qu ’ elle nous est décrite , est proche de la nôtre , seuls le cadre et les circonstances diffèrent : se succèdent les moments tristes , avec son lot de maladies et de morts , et les moments joyeux avec ses grandes démonstrations de gaieté , d ’ insouciance dominés par la joie de vivre .
30 décembre 1850
Nous sommes allés dîner à bord de La Caravane où nous avons pu oublier un instant que nous étions sur la côte d ’ Afrique . Sous la galerie , prenant le café , avec une compagnie nombreuse . Un magnifique piano a été ouvert , et la femme d ’ un médecin en chef de la Martinique , passagers à bord , nous a chanté différents morceaux d ’ opéra , d ’ une voix fraiche et souple , avec une méthode excellente , autant que mes faibles connaissances me permettent d ’ en juger , elle possède un fort joli talent . Elle a accompagné aussi un de ces chanteurs qui pour la plupart sont des virtuoses , pendant qu ’ ils chantaient un duo . La soirée a été bonne , et m ’ a aidé à supporter mon exil .
Falaise du Castel , à Gorée .
( Photo Remi Jouan CC BY 3.0 ) novembre 2020 - HISTOIRE & PATRIMOINE - n ° 99 — 117