Francis Carnoy
Directeur Général
CONFÉDÉRATION
CONSTRUCTION
WALLONIE
Dieter Van Eeckhout
Bruxelles Fiscalité
Philippe Kotsaridis
CEO
FISKOPHIL
Michael Van Gils
Tax Partner
DELOITTE BELGIUM
(RE)TROUVER UNE COHÉRENCE
Q. : Quels besoins et quels moyens identifiez-vous sur l’actuel
marché du logement ?
O. Carrette : Rappelons avant tout qu’assujettie à une TVA de
21% la construction neuve est devenue un luxe. C’est anormal !
Dès lors, en tant que secteur, que pouvons-nous faire au regard
des futurs grands défis (démographie, vieillissement, ménages
recomposés, retour vers les villes, etc.) et des besoins de loge-
ments qui les accompagnent ?
Une solution consisterait à construire plus haut, plus dense,
plus petit… et ipso facto à construire moins cher, tout en amé-
liorant la qualité des habitations (architecture, performance
énergétique, etc.). Pour rappel la superficie moyenne d’un ap-
partement belge est de 85 m², contre 65 m² pour la moyenne
européenne !
Toutefois dans un pays où les per-
mis sont octroyés par les villes et
communes (dont certaines peinent
à évoluer) 60% des projets denses
et 75% des projets ‘hauts’ (max.10
étages) sont refusés pour trois raisons
majeures :
1. La complexité des nouvelles règle-
mentations urbanistiques ;
2. Le manque de compétences des
fonctionnaires (insuffisamment
nombreux et/ou formés) ;
3. Les considérations électoralistes
(réactions négatives des électeurs
riverains).
Olivier Carrette
Administrateur-Délégué
UPSI
Philippe Coenraets
Avocat
COENRAETS &
ASSOCIÉS
Kristof Vandepoorte
Director Tax/Financial
Services & Real Estate
PWC
biens existants (droits d’enregistrement plus bas que la TVA) sans
travaux générateurs d’activités. Il conviendrait donc d’introduire
un mécanisme stimulant l’acquisition du neuf (et/ou la démoli-
tion-reconstruction).
Parallèlement une fiscalité qui encouragerait la rénovation éner-
gétique (dans le cadre du plan climat wallon) devrait viser les
biens existants par un double mouvement simultané (amorcer un
cercle vertueux) :
- moduler les droits d’enregistrement au prorata du degré de per-
formance énergétique du bien : les « passoires » doivent être
frappées plus lourdement ;
- accorder davantage de primes et prêts à taux zéro (financés
par les droits d’enregistrement), modulables selon les revenus,
pour amener ces mêmes biens au niveau de performance requis.
O. Carrette : D’accord mais attention
de ne pas creuser davantage encore le
fossé entre neuf et existant. A Br uxelles,
où les autorités soutiennent – de façon
peu compréhensible – exclusivement
l’existant face au neuf, nous voulons
que l’abattement (**) porte également
sur la nouvelle construction (= 2 à 3%
du parc !)
D. Van Eeckhout : Nous avons effective-
ment supprimé une série de mesures inci-
tatives (réductions d’impôt à l’ipp) parce
que peu de ménages y faisaient appel
L’abattement fiscal mis en place
ou étaient hors leurs conditions d’octroi.
Ces incitants ne changeaient donc pas
à Bruxelles permet d’agir lors de
grand-chose. N’oubliez pas que nous
l’investissement, soit au moment finan-
Ph. Coenraets : Nuançons. L’urba-
sommes une ‘petite’ région et que nous
cièrement le plus lourd pour l’acquéreur !
nisme – régionalisé depuis les an-
ne bénéficions donc pas du même effet
nées 80 - n’est pas là pour récupérer
d’échelle que les deux autres.
D. VAN EECKHOUT
les déficiences de la fiscalité, même
Il nous a donc semblé plus judicieux
ADJOINT DIRECTION - BRUXELLES FISCALITÉ
si les liens sont évidents !
d’opter pour une simplification ‘di-
Par contre le bât blesse à un autre
recte’ de la fiscalité.
niveau : les politiques tiennent des discours ‘de densification’ qui
En effet, les réductions d’impôt sont toujours postérieures à l’in-
ne se concrétisent pas nécessairement sur le plan réglementaire.
vestissement (une réduction à la rénovation est accordée après
l’acquisition du bien) alors que l’abattement (**) mis en place
Pourquoi ?
aujourd’hui permet d’agir au moment de l’investissement, soit au
Outre l’appréhension des élections déjà mentionnée, les discours
moment financièrement le plus lourd pour l’acquéreur !
politiques qui prônent la densité, la hauteur et la compacité ne
s’adossent à aucun encadrement règlementaire actualisé. Ainsi,
TROP CHER DÉSHABILLAGE
le RRU (Règlement Régional d’Urbanisme), justement en voie
O. Carrette : La fiscalité immobilière (au niveau fédéral & ré-
d’être réformé, et autres dispositions d’urbanisme ne sont gé-
gional) est désormais uniquement un outil ‘à créer des recettes’
néralement plus en phase avec la réalité ni avec les nouveaux
(***) et non plus un incitant soutenant l’activité économique
besoins du marché.
(emploi dans le secteur de la construction, accessibilité au loge-
En conséquence, pour nombre de projets, on multiplie les déro-
ment, etc.) Exemple : Lorsqu’un immeuble est ‘déshabillé’ pour
gations. Ce faisant, on risque de fragiliser les permis et on ouvre
être rénové, son revenu cadastral est nul (puisqu’il est vide de
involontairement la porte à toutes les contestations possibles et
tout occupant). Il n’en demeure pas moins que le précompte reste
imaginables.
dû. Dès lors un immeuble vide de 30 appartements, acquis par
Le premier chantier de la construction belge – il est conséquent
un promoteur pour être rénové en deux ans, se voit pénalisé
– sera donc d’instaurer une cohérence entre règlementation et
par un précompte de +/- 120.000€. Si l’on peut comprendre
discours politique. C’est la condition sine qua non :
que cet apport financier servira aux communes exsangues, on
- de l’émergence d’une offre qualitative rythmée par les besoins
comprendra aussi que le promoteur répercute ce (sur)coût sur le
démographiques ;
client final !
- du développement d’une fiscalité favorisant l’accessibilité à cette
offre ‘logement moyen’ notamment pour les ‘primo-acquérants’.
D. Van Eeckhout : Derrière cette mesure, on retrouve, en effet,
cette volonté d’éviter la prolifération d’immeubles vides/aban-
AMORCER UN CERCLE VERTUEUX
donnés. Il existe, en outre, d’autres moyens pour contrecarrer
F. Carnoy : En Wallonie la piste du chèque habitat doit être
l’inoccupation. Le code bruxellois du logement, par exemple,
revue ! Actuellement ce chèque favorise la simple mutation de
prévoit déjà une amende à cet égard.
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