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TABLE RONDE

FISCALITÉ IMMOBILIÈRE, LES EFFETS DES REFORMES TEXTE: THIERRY LAFFINEUR.- PHOTOS: BERNARD DEMOULIN.

Soumise à la 6ème réforme de l’ Etat, la fiscalité immobilière belge connaît des changements importants dont la compétence des régions en matière d’ imposition de l’ habitation propre. Se posent alors différentes questions: Comment les régions utilisent-elles ces nouvelles compétences pour restructurer les avantages fiscaux et quels objectifs poursuivent-elles? Quel est l’ impact global de ces réformes pour le citoyen? Quelles incidences ont-elles sur l’ attractivité‘ immobilière’ des 3 régions?
Pour y répondre la présente table ronde réunissait Francis Carnoy- Directeur Général – Confédération Construction Wallonie / Dieter Van Eeckhout Adjoint Direction – Bruxelles Fiscalité / Philippe Kotsaridis – CEO – Fiskophil / Michael Van Gils- Tax Partner- Deloitte Belgium / Olivier Carrette – Administrateur- Délégué – UPSI / Philippe Coenraets – Avocat – Coenraets & Associés / Kristof Vandepoorte, Director Tax / Financial Services & Real Estate – PWC.
ERREUR DE CIBLE ET DOMMAGES COLLATÉRAUX Q.: Dans quelle mesure la régionalisation affecte-t-elle le marché immobilier résidentiel?
F. Carnoy: La fiscalité immobilière est malmenée depuis quelques années, tant en neuf qu’ en rénovation, tant au fédéral qu’ au régional: déductibilité réduite des travaux économiseurs d’ énergie, TVA rénovation de 6 % limitée aux habitations de plus de dix ans, disparition de la tranche réduite de TVA en neuf, primes rénovation réduites, bonus logement régionalisé et affaibli … Conséquences: si l’ activité de la construction neuve reste importante en Flandre, économiquement plus solide, la Wallonie accuse, par contre, un recul continu du nombre de permis délivrés, passé de 15.000 à 9.700 / an au cours des 10 dernières années, soit une baisse inquiétante de 35 % entre 2007 et 2017! La rénovation du parc résidentiel wallon se maintient mieux, mais reste largement insuffisante face aux besoins estimés à 63 milliards €… Ainsi, même si le gouvernement régional fait ce qu’ il peut, force est de constater que le chèque habitat est moins incitatif pour les revenus moyens que son prédécesseur le bonus logement.
En fait, ce chèque vise prioritairement – c’ est louable- les citoyens à revenus‘ faibles’. Toutefois, ceux-ci se voient de plus en plus difficilement accorder de crédits hypothécaires par des banques trop frileuses. Sachant que le chèque habitat n’ est attribué qu’ après l’ obtention dudit crédit, on comprend que la mesure fiscale a sans doute manqué sa cible et – dommage collatéral imprévu- contribué à alimenter la déprime de la construction résidentielle. D’ autres facteurs, tels que la lourdeur du Cwatup(*), le renchérissement de la construction( effet des normes techniques et environnementales) et du foncier, etc., accentuent encore ce mouvement baissier
M. Van Gils: Un des effets pervers du chèque habitat est aussi de pousser ceux‘ qui en ont les moyens’ à s’ installer de l’ autre côté de la frontière linguistique!
EN LIBERTÉ SURVEILLÉE! Ph. Coenraets: N’ oublions pas que le fédéralisme belge- contrairement à celui de la Suisse ou de l’ Allemagne- est un fédéralisme par dissociation( morcellement des compétences). Cela n’ exonère toutefois pas les régions du respect du principe de proportionnalité et de notre Union Economique et Monétaire dont l’ objet est précisément d’ éviter de trop fortes distorsions entre entités fédérées. De telles distorsions pouvant faire l’ objet de recours devant la Cour Constitutionnelle, on peut donc affirmer que si les Régions ont acquis une indéniable autonomie( notamment en matière fiscale), elles restent toutefois‘ sous liberté surveillée’.
Ph. Kotsaridis: Deux remarques. S’ agissant des banques, on notera que leur frilosité, encouragée par les mesures de Bâle 3, nous a sans doute évité un scénario du type subprime et a donc préservé le marché et maintenu ses prix. S’ agissant de la distorsion, elle existe déjà. Ainsi pour l’ achat d’ une même habitation l’ avantage fiscal variera de 1.500 à 12.000 € selon la région de résidence. En conclusion, si le marché du résidentiel a bien été préservé( pas de bulle) et stabilisé, on ne peut que déplorer le manque d’ harmonisation de sa fiscalité.
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