Essentielle Immo essi_20170603_essi_full_BD | Page 15

DESIGN Nendo, fl oat, 2015, Moroso © Akihiro Yoshida ment Mingei réhabilite les savoir-faire ancestraux appliqués à la création d’objets modestes, simples, sincères et naturels. Aujourd’hui, Oki Sato n’a d’autre ambition que de rendre le banal agréable et intéressant. Ainsi, son projet Unprinted materials comprend une série de simulations d’accessoires de la plus grande banalité (tetra-brick, gobelet en carton, bonbons emballés…) qu’il manipule et questionne pour les rendre à nouveau dignes d’intérêt. Mais son œuvre ne se résume pas à l’interprétation de cette tradition. Parce qu’il dévie. Dans chaque projet, son trait rigoureux et équilibré part en vrille, toujours maîtrisée, et s’offre un twist, un déhanchement, un sautillement. Son uni- vers et son vocabulaire s’enrichissent de tout un imaginaire et d’une fantaisie rafraîchissante. Les histoires qui inspirent ses projets peuvent sans doute se rapprocher d’un autre concept japonais : la mitate, une forme de parodie, de mé- taphore, qui, pour Oki Sato, détourne et renouvelle le sens de l’objet. On trouve encore chez lui une autre valeur chère au Japon : le kansei. Né à l’époque de Heian (794-1192), ce concept exprime la sensibilité, la finesse, l’attention aux détails, aux nuances de couleurs, aux tremblements de la nature. En 2007, le ministère japonais de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie a lancé une stratégie de promo- tion industrielle, appelée « Initiative kansei et création de valeur », qui réhabilite cette idée de sensibilité au niveau industriel pour faire face à la saturation de la demande de produits fonctionnels de masse, hautement industrialisés et technicisés. En effet, après la guerre, les grandes en- treprises japonaises (les Sony, Panasonic, Toyota etc.) se sont reconstruites en concentrant l’attention et l’énergie de leurs designers sur le processus industriel. Il fallait que les produits soient simples, performants et faciles à produire à la chaîne. Mais depuis une quinzaine d’années, l’industrie japonaise exprime le besoin d’intégrer davantage de sensi- bilité (kansei) et de personnalité dans sa production. Dans la lignée de designers comme Naoto Fukasawa ou Tokujin Yoshioka, des agences de moindre ampleur voient le jour et introduisent des idées originales dans le design industriel ja- ponais. La donne change : après avoir encouragé des desi- gners-ingénieurs, le Japon célèbre aujourd’hui de véritables « auteurs ». Avec ses 30 personnes, nendo fait partie de ces nouveaux bureaux de taille intermédiaire que consultent de grandes entreprises tout comme des éditeurs plus confiden- tiels. L’échelle de ses projets varie de l’attache-trombone à la dimension architecturale. Oki Sato a accompli des études d’architecte à l’Université Waseda à Tokyo mais il se ré- clame davantage du design. « Que ce soit de l’architecture, de l’aménagement d’intérieur ou du design, j’ai l’impression de faire la même chose, sourit-il. Même si les techniques et les rythmes de production sont très différents ». Se présentant comme un collectif, nendo s’articule autour de la pensée d’un seul homme : Oki Sato. Menant de front près de 400 projets, le jeune homme de 39 ans tient à maintenir une organisation assez horizontale du travail, partageant et discutant ses idées avec ses jeunes collaborateurs. Mais tout n’est pas rose au pays de nendo : l’extrême rigueur et le niveau d’achèvement inouï des projets ne s’acquièrent que par un travail de forcené, un dévouement sans faille et un sens du collectif très développé. Le sublime est à ce prix. Nendo signifie « pâte à modeler » et exprime cette capacité à toujours chercher la forme précisément désirée en repartant de zéro. Toujours recommencer. Jusqu’à la per- fection. Et si ce long processus apparaît de façon si légère et évidente dans le résultat final, c’est que chaque projet s’habille d’énormément de douceur et de … - ô mot incongru en matière de design industriel- GENTILLESSE. Tel apparaît nendo. Tel est Oki Sato. Infos : www.nendo.jp Nendo, transparent table, 2011 © Masayuki Hayashi