Econews issue 22 Juillet 2013 | Page 9

Numéro 22 | PAGE 9

ECO NEWS

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Et si un scénario grec éclipsait celui de Damas?

Bachir El Khoury
Même si l’ hypothèse d’ un éventuel défaut de paiement est pour l’ instant écartée, l’ évolution de la dette publique dans le contexte actuel est plus que jamais inquiétante.
Le sort du déficit de l’ État et de la dette publique semble plus que jamais incertain et hasardeux, à l’ aune du ralentissement économique que vit le Liban depuis au moins deux ans et de l’ absence totale de réformes fiscales. Eclipsée par les évènements politiques et sécuritaires liés à la Syrie, cette question est pourtant d’ ordre capital et constitue l’ un des principaux défis macroéconomiques actuels; avec une dette culminant à quelques 58 milliards de dollars, soit plus de 140 % du PIB, le Liban reste en effet l’ un des pays les plus largement endettés de la planète. Or, l’ une des causes majeures du problème réside précisément dans un déficit public qui ne cesse de se creuser au fil des années et qui est financé par davantage d’ endettement, alimentant le cercle vicieux. Le déficit avait déjà atteint un plus haut historique l’ an dernier – à environ 4 milliards de dollars, soit plus de 9 % du PIB, contre 2,3 milliards de dollars en 2011( 6 % du PIB), tandis que le solde primaire affichait – pour la première fois depuis 2006 – un déficit de quelque 110 millions de dollars, contre un excédent de 1,7 milliard de dollars un an plus tôt. Ce dérapage observé en 2012 avait notamment pour cause un recul de l’ activité économique, qui avait mené, en l’ absence de toute nouvelle réforme, à une hausse de seulement 1 % des recettes, contre une augmentation de 14 % des dépenses publiques, tirées vers le haut par l’ ajustement des salaires dans le secteur public. Cela avait porté un coup sérieux à la tendance baissière du ratio de la dette au PIB, qui avait atteint un plus bas de 135 % en 2011, contre un pic de 180 % en 2006.
La situation risque de s’ aggraver davantage cette année, avec des perspectives toutes aussi sombres; selon un rapport récent de la banque d’ investissement EFG Hermes, la croissance devrait atteindre 1 % en 2013, tandis que le déficit devrait se maintenir au même niveau élevé que celui de l’ an dernier, soit 9 % du PIB. En parallèle, le déficit nominal, lui, devrait augmenter en raison de la stagnation des recettes fiscales, lesquelles sont fonction, ceteris paribus, de l’ évolution de l’ activité économique. Or celle-ci est largement impactée par la crise syrienne qui affecte plus d’ un secteur; l’ effet sur le tourisme, moteur de l’ économie libanaise, se fait déjà sentir, avec une baisse de 13 % du nombre de visiteurs au cours des cinq premiers mois de l’ année en cours, tandis que le secteur immobilier continue, lui aussi, de pâtir de la situation politico-sécuritaire, et en particulier de la diminution de la demande et des investissements en provenance des pays du Golfe; selon les dernières estimations, les ventes immobilières ont affiché une baisse annuelle de 8 % fin mai. Enfin, les investissements directs étrangers( IDE) comme les transferts d’ émigrés sont eux aussi affectés par l’ atmosphère générale.
Cette dégradation de la situation a d’ ailleurs valu au Liban un abaissement le mois dernier, par l’ agence de notation internationale Moody’ s, des perspectives sur la dette souveraine de « stables » à « négatives ». L’ agence a justifié sa décision par un ralentissement de l’ économie dû à la crise syrienne, qui, selon elle, affecte en

Ministère des Finances le liban ne doit pas rester les bras croisés

particulier l’ investissement et le tourisme, et une hausse du déficit public déjà très important. Cependant l’ agence a maintenu la note du Liban à B1, en vertu du dynamisme de son secteur bancaire, les actifs et les dépôts des établissements commerciaux ayant connu une certaine croissance au premier trimestre; en outre, le niveau de dollarisation demeure jusqu’ à présent stable, reflétant un maintien relatif de la confiance, tandis que d’ autres
indicateurs
et
facteurs,
tels
que les réserves
en
devises
ou
encore la demande en provenance des réfugiés syriens, contribuent à tempérer les retombées négatives de la crise actuelle.
Néanmoins, le Liban ne doit pas rester les bras croisés; si un défaut de paiement est pour l’ instant écarté, un creusement du déficit fiscal conduirait à un élargissement de la dette publique, ce qui augmenterait le ratio dette / PIB et dans la foulée les chances d’ un réel dérapage des finances publiques, dans un contexte doublement précaire, aussi bien en Europe que dans les pays arabes. Le Liban avait réussi par le passé, grâce à un soutien international canalisé notamment via les conférences Paris II et Paris III, à éviter de faillir à ses engagements. Or ce soutien est loin aujourd’ hui de pouvoir être sécurisé ou garanti, les puissances régionales et occidentales étant plus que jamais préoccupées par leur problèmes économiques internes.
Les yeux sont rivés depuis plus de deux ans sur Damas, et le sort de son régime actuel. Si cela paraît totalement légitime, vu les liens qui existent entre le Liban et la Syrie, il paraît tout aussi légitime, dans les circonstances actuelles, de maintenir un degré élevé de vigilance en ce qui concerne les Finances de l’ État et de mettre en place une politique préventive afin de tenter de réduire les chances d’ un scénario grec.
Début de la crise syrienne
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