Découvertes (8e édition) Dec. 2011 | Page 36

L’hiver est certainement votre saison préférée ? Il faut comprendre que ce qui me motive, ce qui est ma ligne directrice, ma ligne de vie même, c’est la neige. Elle a guidé ma vie : toutes mes expéditions ont un lien avec la neige. J’ai donc fait les pôles, les grandes calottes glaciaires, le Groenland, la Terre de Baffin, l’Ellesmere… Après avoir vécu sur ses grandes étendues de glace et endroits les plus froids de la planète, j’ai voulu découvrir la neige qui ne connaît pas le vertige, celle au sommet des hautes montagnes. C’était un parcours naturel. Vous donnez-vous toujours des défis dans la vie ? Est-ce un besoin viscéral que de vous surprendre vous-même ? Non pas nécessairement. Certaines fois oui. Mais aujourd’hui, ceci dit sans aucune prétention, je me sens comme quelqu’un d’accompli. Je m’explique. J’ai toujours eu de grands rêves dans la vie. Il y avait des choses que je voulais faire absolument et je calcule que j’ai été au bout de mes rêves, des priorités que je m’étais données, ce qui ne veut pas dire qu’il ne me reste rien à accomplir. J’ai encore plein de choses à réaliser, mais j’ai fait tout ce que je rêvais de faire en priorité. Disons-le comme ça. Comment vos passions se transforment-elles au fil des années ? Avec les cheveux blancs, on devient peut-être un peu plus philosophe. Au début, les défis étaient plus physiques et techniques ; aujourd’hui, je suis beaucoup plus sensible au milieu de vie des lieux que j’aborde. Je ne porte plus le même regard sur les choses ; j’aime apprendre, j’aime comprendre, j’aime apprécier l’environnement qui m’entoure. L’aventure devient définitivement plus humaine, sociale et environnementale. L’Himalaya, par exemple, se dresse face à un peuple qui le regarde tous les jours, qui s’en inspire. La montagne fait partie de leur culture. On y joue avec l’ombre et la lumière de la montagne pour pouvoir cultiver la terre et nourrir les familles. La fonte des glaciers apporte l’eau nécessaire à leur survie. Vous semblez être dans un mode de transmission et de partage de vos expériences et de vos connaissances... En effet, je donne des conférences au sein des entreprises et dans les écoles. Je me sens investi d’une mission d’aller à la rencontre des jeunes. En quinze ans, j’ai rencontré plus de 200 000 jeunes. Pourquoi je le fais ? Parce que je crois que si je peux transmettre des messages d’espoir aux jeunes, les aider à accomplir leurs rêves, je vais continuer à le faire longtemps. Si mes propos aident un seul jeune à ne pas quitter l’école, j’aurai gagné. Quel regard portez-vous justement sur la jeunesse d’aujourd’hui ? Comme l’ensemble de la population, les jeunes bougent peut-être un peu moins. C’est vrai qu’ils peuvent passer beaucoup de temps devant un ordinateur, mais ça les rend plus curieux et ouverts sur le monde. Leurs recherches et travaux se sont beaucoup étoffés avec l’arrivée d’Internet par exemple. Les choses ont changé. Jeune, la punition était de rester dans sa chambre. Aujourd’hui, la punition serait presque « sors de ta chambre ». Sérieusement, ils sont beaux les jeunes. Cependant, il est vrai que l’effort est moins valorisé qu’avant, mais je dirais que c’est nous, les adultes, qui ont changé la donne en nous engageant un peu moins en ce sens. On a la jeunesse que l’on forme, vous savez. On les a peut-être trop gâtés, on a peut-être oublié de leur transmettre le sens de l’engagement et des responsabilités… Malgré tout, mon regard demeure très positif, car il y a des jeunes avec de sacrés beaux projets. Des jeunes avec une conscience collective, voire planétaire, que nous n’avions pas. L’environnement, par exemple. Ca m’encourage de voir ça. Le trek duquel vous arrivez en est d’ailleurs un bon exemple. Vous avez accompagné un groupe de jeunes de la Basse-Côte-Nord et de jeunes Inuits du Nunavik lors d’un voyage au Pérou. Quel était le but de ce voyage ? Je suis impliqué à titre bénévole dans la fondation des Offices jeunesse internationaux du Québec (LOJIQ), entre autres. Cet organisme, en collaboration avec les Rangers, organisait un trek de douze jours au Pérou – financé par LOJIQ et les Forces armées canadiennes – auquel participaient neuf jeunes du Québec. Je suis donc parti avec un jeune Cri de la Baie-James, huit Inuits du Nunavik et deux jeunes de la Basse-Côte-Nord. Ce voyage avait plusieurs objectifs : ouvrir ces jeunes sur le monde, leur permettre de rencontrer des autochtones et des étudiants de l’endroit, faire du travail communautaire, découvrir un monde de montagnes qu’ils n’avaient encore jamais vu, se familiariser avec la vie de groupe, un nouvel environnement… La découverte s’est imposée à tous les niveaux, y compris celle des tarentules et des photo Bernard Voyer | Terre de Baffin, Nunavut 36 | decouvertesmag.com