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ils n ’ ont plus rien … Si chez nous comme chez les Compagnons , il y a une grande volonté d ’ accueil et de fortes valeurs , il faut laisser le temps aux jeunes accueillis de s ’ intégrer . Les formateurs sont très investis , mais il faut être en capacité de l ’ entendre en face . Il y a une différence entre l ’ envie et le pouvoir . Prenons le temps avec ces jeunes ! Il nous faut parler leur langage pour une compréhension mutuelle . Nous faisons le pari de croire en eux avec ce projet " 100 % inclusion ", il nous faut accepter de faire face à des échecs . Les enfants que nous accueillons sont déconcertants et nous poussent à nous interroger sur la manière de les mener à la réussite .
Il y a quatre ans , l ’ un de nos jeunes a rejoint les Compagnons du Devoir . Il a terminé sa formation de couvreur , malgré quatre changements de patron . Aujourd ’ hui , il affirme que c ’ est grâce à son formateur qui l ’ a encouragé à persévérer . Grâce à la mention " Compagnons du Devoir " sur son CV , il trouve facilement du travail , au point " de se sentir coupable de gagner trop d ’ argent ". Après avoir quitté les Compagnons pendant un an pour souffler , il y est retourné .
Nous sommes très fiers de lui . Il siège au conseil d ’ administration de notre association et nous apporte beaucoup . Son conseil : trouver de bons éducateurs . La question est donc de trouver les formateurs adéquats , des mentors . »
DAVID ABONNEAU , MAÎTRE DE CONFÉRENCES À L ’ UNIVERSITÉ PARIS DAUPHINE « Le but de cette expérimentation , telle qu ’ elle était financée , était d ’ identifier les pratiques des modes d ’ inclusion en général […] Chez les Compagnons du Devoir , on est dans la transmission des gestes , de savoir-faire techniques , mais aussi d ’ un savoir-être , de " compétences comportementales ". Le parcours " 100 % inclusion " fait sens chez les Compagnons , car ils " fabriquent " des comportements en permanence grâce au voyage que l ’ on fait accompagné . Il y a un certain nombre de jalons , jusqu ’ à un point d ’ arrivée . […]
En étudiant le Tour de France , nous avons décrypté les compétences comportementales que développent les itinérants grâce au voyage . Ces compétences leur permettent d ’ intégrer une entreprise , mais aussi , plus largement , la société . Nous nous sommes penchés sur l ’ organisation du voyage qui est différente pour chacun , sur l ’ accompagnement qui est procuré aux itinérants ainsi que sur leur " imprégnation sociale " ( leur immersion en entreprise , dans les maisons , etc .).
Nous avons rencontré des sédentaires et des itinérants pour obtenir leur témoignage sur les acquis comportementaux issus de leur Tour de France . Ils nous ont cité entre autres : la gestion du stress , le contrôle de soi , la confiance , l ’ aisance relationnelle , la persévérance , la capacité d ’ adaptation …
À partir de ces acquis , nous avons construit un référentiel de compétences que nous souhaitions voir acquérir par les jeunes du " 100 % inclusion ". Bien sûr , la route allait être plus longue pour eux , surtout qu ’ ils partent de loin comme ils le reconnaissent eux-mêmes . Les enjeux de l ’ accompagnement étaient de leur insuffler une responsabilité vis-à-vis des résultats de leur travail et de les amener à se projeter dans le temps - à leur arrivée , ces jeunes sont dans l ’ immédiateté . On s ’ est rendu compte à travers leurs témoignages que plusieurs étapes étaient nécessaires pour les amener à cela : au début , ce sont des dilettantes qui n ’ envisagent pas le futur , qui sont amenés à passer des jalons au fur et à mesure vers un point d ’ horizon . Grâce à des outils de diagnostic , le niveau d ’ activité était adapté selon leur niveau d ’ acquisition comportementale . Nous avons étudié la notion de " gâches " pour comprendre comment elles fabriquent des compétences comportementales .
Qu ’ est-ce que l ’ organisation a appris ? Les jeunes du " 100 % inclusion " ont appris , mais l ’ AOCDTF aussi . Nous avons identifié les erreurs , cherché à comprendre les échecs pour en tirer des leçons à partager , et cela , même au-delà des Compagnons du Devoir . L ’ inclusion dépasse les seules compétences de formation . Au début , toutes sortes de modes de fonctionnement ont été essayés : les profils des référents , des partenaires , des entre-
Témoignages
Dumitru Puiu , apprenti pâtissier en première année de CAP Pâtisserie « Une formatrice de Laser Formation m ’ a proposé d ’ effectuer un stage en pâtisserie dans une boutique située près du Sacré-Cœur . Cette expérience m ’ ayant plu , elle m ’ a ensuite guidé vers un parcours de formation spécifique chez les Compagnons du Devoir . Dans ce contexte , j ’ ai eu l ’ opportunité de réaliser un second stage au Raincy ( 93 ), suite auquel j ’ ai trouvé un contrat d ’ apprentissage . Aujourd ’ hui , en formation en alternance , je travaille dans une entreprise à Noisy-le-Grand ( 93 ). Mon grand intérêt pour la pâtisserie a été éveillé par ma tante , propriétaire de plusieurs boutiques en Moldavie . Enfant , j ’ ai vu ma mère se lancer dans ce métier , créant des gâteaux pour des mariages et autres occasions spéciales . À mon arrivée en France , j ’ ai d ’ abord travaillé dans le bâtiment avant de décider de me réorienter vers la pâtisserie , encouragé par ma tante . J ’ ai toujours aimé cuisiner … et manger ! J ’ aime apprendre , grâce à ma formation , à réaliser toutes sortes de recettes gourmandes ( des flans , de la crème pâtissière , des choux , etc .). Avec le temps , j ’ aspire à maîtriser des recettes de plus en plus complexes . Une fois mon diplôme en poche , j ’ aimerais intégrer une entreprise dotée d ’ un laboratoire très moderne pour approfondir mes connaissances . Pour l ’ instant , je me vois en tant que salarié , mais qui sait ? Peut-être deviendrai-je patron un jour ? »
Malick Diallo , apprenti plombier en deuxième année de CAP Monteur en installations thermiques « Un ami m ’ a orienté vers la Mission locale du 19 e arrondissement de Paris , qui m ’ a ensuite dirigé vers les Compagnons du Devoir que je ne connaissais pas alors . J ’ apprécie l ’ ambiance de ma formation , en particulier en atelier . Notre formateur est une personne bienveillante qui nous apprend beaucoup . L ’ envie de devenir plombier m ’ est venue suite à un incident chez ma sœur . Les sanitaires ne fonctionnaient plus , ce qui était très gênant pour toute sa famille . Le plombier n ’ est intervenu que le lendemain . J ’ avais alors pensé que cela aurait été bien pratique si j ’ avais été capable de régler le problème moi-même .
Ce métier est très utile , même incontournable pour le confort des gens au quotidien . Après l ’ obtention de mon CAP , j ’ aimerais approfondir mes connaissances en préparant un bac pro dans le domaine sanitaire . Je pourrais peut-être poursuivre ma formation au CFA des Compagnons du Devoir à Marseille et , si cela n ’ est pas possible , je la continuerai ailleurs . Dans tous les cas , je suis ravi de mon expérience chez les Compagnons du Devoir . »
# 340 / Mai 2024