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Soirée du 8 février : « L ' inclusion chez les Compagnons du Devoir : un défi pour demain ? »
doit être non-discriminant , sans jugement . Le choix des mots est crucial : on les nomme par exemple " bénéficiaires " et non " décrocheurs ".
Une fois ce climat inclusif mis en place , des pratiques dites " compréhensives " ont été utilisées . Il fallait ainsi comprendre par l ’ écoute ( notamment des formateurs ) comment les jeunes s ’ étaient retrouvés dans une impasse précédemment afin de ne pas réitérer les mêmes erreurs . Dans ce cadre , des activités comme " l ’ arbre de vie " ( comprendre ses racines , identifier quel fruit on souhaite porter ), pouvaient leur être proposées pour les aider à s ’ ouvrir et à exprimer leurs motivations et envies pour le futur .
Des actions visant à répondre à leurs besoins d ’ unicité et d ’ appartenance étaient ensuite mises en œuvre . Une certaine individualisation des parcours a pu être relevée : on pouvait allonger la durée de stage en entreprise , leur faire essayer plusieurs métiers … Ainsi , si le projet avait un planning fixe et prévoyait des étapes bien distinctes , les référents pouvaient moduler ces étapes afin de respecter le temps dont avaient besoin les jeunes . Ceux-ci étaient responsabilisés au travers d ’ activités autonomes , comme trouver eux-mêmes leurs entreprises d ’ accueil . Des moments de socialisation formels ou informels ( comme faire un babyfoot avec des résidents par exemple ) étaient prévus et renforçaient leur sentiment d ’ appartenance .
Le tutoiement de mise chez les Compagnons étonnait les jeunes du projet , plutôt habitués au vouvoiement dans le cadre scolaire . Des goodies - polos , stylos , etc . - leur ont été fournis pour témoigner de leur appartenance aux Compagnons du Devoir auprès de leur entourage . Il a été aussi important de faire comprendre aux jeunes qui étaient les encadrants de la structure ( prévôt , formateurs , etc .) et de leur expliquer et leur répéter régulièrement le sens de ses règles organisationnelles . La pratique destinée à montrer l ’ exemple a conduit les jeunes à adopter les comportements adéquats . Enfin , les dernières pratiques identifiées peuvent être décrites comme " évaluatives " ; les encadrants mettaient en œuvre des actions de consultation des jeunes destinées à affirmer ou infirmer leur choix de métier . Ainsi , la parole leur était redonnée au terme de leur parcours d ’ inclusion . Une expérimentation implique de permettre les erreurs et de les comprendre afin de les corriger chemin faisant . C ’ est ce qui a été fait dans le cadre de ce projet . La première année , les Compagnons du Devoir ont été parfois plus dans l ’ assistanat que dans l ’ accompagnement par méconnaissance de ce public . Depuis , pour susciter l ’ engagement des jeunes , des actions correctives ont été entreprises , comme la mise en œuvre d ’ ateliers et de débats sur la notion d ’ engagement . »
JÉRÔME AUCORDIER , DIRECTEUR DE L ’ ASSOCIATION « LE COLIBRI LIEU DE VIE », PARTENAIRE DE LA DÉLÉGATION RÉGIONALE D ’ ÎLE-DE-FRANCE « Notre association , créée par les scouts et guides de France , emploie la méthode scoute auprès d ’ enfants en grande difficulté . Actuellement , l ’ Aide sociale à l ’ enfance ( ASE ) accompagne 377 000 enfants , un chiffre en hausse de plus de 24 % au cours des dix dernières années . Malheureusement , 70 % de ces enfants quittent le système scolaire sans diplôme . Les jeunes que nous accueillons sont souvent en rupture d ’ accueil , ils n ’ ont pas choisi de nous rejoindre et n ’ ont généralement pas une confiance naturelle envers les adultes .
Premier constat : l ’ univers des Compagnons du Devoir leur paraît inatteignable . Les jeunes sont fiers de les rejoindre , mais se sentent sous pression , se demandant s ’ ils vont y arriver : sans contrat à 18 ans ,
Témoignages
Laura Perez , cheffe de projet « 100 % inclusion » Île-de-France « La marche est effectivement haute pour les jeunes concernés , qui doivent s ’ approprier les codes des Compagnons et du marché du travail . […] Certains d ’ entre eux ont des troubles de l ’ apprentissage non-traités , cumulés à une situation sociale et familiale complètement déstructurée . Un travailleur social va être embauché pour accompagner ces jeunes durant les trois prochaines années . Il y a eu beaucoup de décrochage à certaines périodes de l ’ expérimentation , tout n ’ a pas toujours été facile . Il faut comprendre que les bénéficiaires ont souvent un tel passif que six mois de suivi ne suffisent pas pour le surmonter ! Certains formateurs font face à des situations très complexes . Le but est maintenant d ’ amener ces profils au CAP , le Tour de France étant bien sûr toujours le but ultime . »
Marc Jarousseau , Nantais l ’ Ami du Progrès , délégué régional Île-de-France « Grâce à cette initiative , les Compagnons du Devoir ont invité des jeunes éloignés de l ’ emploi à découvrir leur écosystème . L ’ objectif est de leur transmettre un savoir-faire , mais également un savoir-être , d ’ en faire des hommes et des femmes de métier qui deviendront Compagnons du Devoir . Cette action permet de casser les préjugés […]. Son ambition ne se limite pas à l ’ Îlede-France , puisque le projet devrait être déployé à l ’ échelle nationale . »
# 340 / Mai 2024