voyage compagnons 23
Quel bilan faites-vous de cette expérience ? Jules – Nous nous sommes vidé la tête , avons vu autre chose . Grâce à ces deux semaines , j ’ ai développé une autre vision : j ’ essaie d ’ aider encore plus au maximum les jeunes que je forme , mais pas que ; il est important d ’ aider son prochain sans vouloir un retour . Cela nous a aussi appris à apprécier des choses simples . Sur le Tour de France , on se plaint beaucoup : la pension est chère , on mange mal … Et là , on savourait même un rayon de soleil entre deux galères ! Un bout de pain et des sardines en boîte , c ’ est extraordinaire quand on est dans la panade . Nous pensions que nous allions surtout souffrir physiquement - et cela a été un peu le cas - , mais le plus dur a été de ne pas lâcher et de toujours avancer coûte que coûte . Face à des routes dont on ne voyait pas la fin , des voitures qui ne s ’ arrêtaient pas , il ne nous fallait pas abandonner . Cela a été un vrai enseignement compagnonnique , notamment la patience !
Arrivée à Hendaye , panneau juste après avoir passé la frontière espagnole .
avons affronté une chaleur torride !). Là , nous avons rencontré une petite dame très âgée qui nous a pris pour des pèlerins de Compostelle . Kevin lui a expliqué notre démarche . À notre départ , elle nous a dit , les larmes aux yeux , qu ’ elle prierait pour que notre aventure se passe pour le mieux . Cela nous a marqués ! Cette rencontre et d ’ autres m ’ ont donné envie de discuter davantage à l ’ avenir avec des personnes âgées : elles ont tant à nous apprendre sur la vie en général , grâce à leur recul et leur sagesse !
Quels sont les lieux qui vous en ont mis plein les yeux ? Jules – Tout ce qu ’ on a vu était magnifique ! Mais , le fait d ’ arriver au bout de notre parcours au Pays basque a dû amplifier encore mon admiration pour cette région : ses montagnes , la mer , l ’ architecture typique de ses maisons … J ’ ai moins apprécié les zones qui grouillaient de touristes . D ’ ailleurs , la plupart du temps ce sont des locaux qui nous ont pris en stop .
Kevin – Le contexte n ’ a pas été favorable à la Bretagne ! Au Pays basque , nous sommes arrivés sous le soleil , on y a mangé de très bons produits locaux et avons participé aux ferias de Dax . Notre dernière étape était pourtant la plus longue à faire à pied . Comme , en plus , nous sommes arrivés pile pour les ferias d ’ Hendaye , tout cela a concouru à faire de ces derniers jours des moments idylliques .
Est-ce que votre tandem a connu des moments de friction ? Kevin – Quelques jours avant notre départ , il nous a été dit que nous ne réussirions pas à atteindre notre objectif car nos caractères n ’ allaient pas s ’ accorder . Certes , parfois nous avons été en désaccord , mais cela n ’ a jamais été plus loin . L ’ un et l ’ autre , nous avons su nous faire confiance . De temps en temps , nous nous sommes envoyé de petites piques , afin de souligner les fois où nous avions à tour de rôle raison ! Cependant , quand l ’ un de nous deux était fatigué , celui qui était plus en forme montait à l ’ avant pour discuter avec le conducteur . Lorsque l ’ un de nous deux peinait sur le chemin , l ’ autre donnait le rythme . Seul , je pense que des étapes aussi ambitieuses n ’ auraient pas été réalisables …
Je pense que , rétrospectivement , j ’ ai évolué dans mon désir d ’ aider les autres dès que possible . J ’ ai aussi réfléchi à la notion de consommation . Les sédentaires qui nous ont accueillis nous ont toujours fait manger de bons produits locaux : des galettes en Bretagne , du magret à Bordeaux ... Je souhaite désormais être vigilant sur le « bien-manger » et , en tant que futur sédentaire , j ’ accueillerai les pays et coteries du mieux possible .
Kevin – Les produits que nous offraient les sédentaires à table avaient souvent une histoire . Les anciens ont le sens de l ’ accueil et ont eu à cœur de nous faire découvrir les plats locaux .
Avez-vous envie de repartir mais sur un autre itinéraire ? Jules – Tout de suite , non ! Faire le pèlerinage de Compostelle nous attire beaucoup . Personnellement , le GR20 en Corse m ’ intéresserait bien . Mais pas forcément dans les mêmes conditions ! Tout seul en revanche , cela ne m ’ emballe pas . Plus tard , j ’ espère découvrir le plus de pays possibles par le biais de mon métier . À court terme , le défi qui me fait vibrer , c ’ est d ’ encadrer des jeunes en vue de concours et de me lancer moi-même dans des compétitions comme la Coupe de France et le MOF .
Kevin – Dans les mêmes conditions sur un autre itinéraire , pourquoi pas ! Avec Jules ou avec d ’ autres , en tout petit groupe . Pas à court terme en tous cas , car ma gâche de prévôt ne me le permet pas . Celle-ci est le challenge qui me mobilise totalement , pour que tous les jeunes encadrés réussissent . À la fin de ma gâche , j ’ aimerais faire le tour du monde . J ’ ai trois ans pour y réfléchir !
Propos recueillis par Marie-Laure Gendron
# 336 / Janvier 2024