partage compagnons 7
Témoignages
Saifoulaye Sow , apprenti chaudronnier « J ’ étais très enthousiaste à l ’ idée de parler de mon parcours chez les Compagnons : en effet , dans ce milieu-là , il n ’ y a pas beaucoup de personnes connaissant des gens comme moi . Au moment de m ’ adresser à la communauté , je me sentais très bien , puisque j ’ ai l ’ habitude de prendre la parole en public du fait de mon engagement dans plusieurs associations . Pendant la causerie , voyant que les participants étaient intéressés et à l ’ écoute , cela m ’ a motivé à développer davantage mes propos . Je voulais partager mon expérience de la vie en tant que jeune qui a eu beaucoup de difficultés , mais qui n ’ a pas baissé les bras . Je désirais leur dire de toujours rester positif , d ’ aller chercher ce qu ’ ils veulent et de partager leurs connaissances pour aider leur prochain . Après avoir vu le visage joyeux de toutes ces personnes , j ’ étais fier de ce que je leur avais apporté et de penser que peut-être cela allait les aider . J ’ étais content aussi que cette causerie me permette de mieux me faire connaître au sein de la communauté . Je suis partant pour en animer d ’ autres car je voudrais parler à ces occasions de l ’ association que j ’ ai créée pour parrainer les orphelins et les albinos en Guinée . »
Lors de la causerie à la maison de Paris .
relatif à la simplification des pièces d ’ inscription scolaire et pour qu ’ aucun maire ne puisse plus refuser l ’ accès d ’ un enfant à l ’ école au prétexte qu ’ il habite dans un bidonville ou dans un squat . Les autres engagements de ce décret étaient , entre autres , le développement de la médiation scolaire , la systématisation du contrat jeune majeur pour qu ’ aucun jeune ne soit obligé de quitter l ’ école à l ’ âge de 18 ans et la lutte contre le harcèlement raciste à l ’ école . Leur combat continue et leur mobilisation ne cesse de grandir . Saifoulaye a évoqué également lors de sa causerie son engagement pour permettre l ’ accès à la scolarisation aux enfants en Guinée et notamment aux jeunes albinos qui font face à de nombreuses discriminations , persécutions et exclusions .
Ce témoignage bouleversant a suscité une grande attention et un important respect de la part de la communauté . Tous en ont tiré une grande leçon de vie .
Laura Perez
Coordinatrice du projet
« 100 % inclusion » à l ' AOCDTF
Quentin Métivier Tourangeau va de Bon Coeur
Prévôt de la formation des maisons de Champs-sur-Marne et de Paris
Long-Arr ecolepourtous . org
Ella Maugard , dite Languedoc , Aspirant tailleur de pierre « Ce qui m ' a le plus interpellée dans le parcours de Saifoulaye est bien évidemment le voyage , qui , à l ’ inverse du voyage touristique ludique , a été pour lui une nécessité de survie . Au début de sa causerie , il a prononcé ces mots ( avec sûrement une légère déformation de ma part ) qui peut-être n ' ont pas été entendus par certains , mais qui m ' ont percutée profondément : « Le jour où je suis né est le jour où ma mère est morte et cela mon père ne me l ' a jamais pardonné ». Son parcours est marqué par la souffrance et le deuil d ' une mère qu ' il n ’ a pas pu connaître et d ' un frère perdu dans un contexte d ' ultra brutalité . Malgré cela , il a continué d ' avancer : après la prison , il connaît la famine , une fois en France il dort sous les ponts et devient cet « étranger » dont les Français ont si peur . Cet enfant au moment des faits est propulsé dans une réalité que ceux qui liront ces lignes n ' expérimenteront sûrement jamais .
Un homme lui tend la main et se fait jour alors la possibilité d ' avoir enfin accès à une scolarité . Le couperet tombe lorsqu ’ on lui dit que le scolariser sera presque impossible . Vient le temps de la froideur d ' une administration face à l ’ impossibilité de fournir un acte de naissance . Et pourtant , accompagné de cet homme qui lui a tendu la main , Saifoulaye finira par obtenir satisfaction ou presque . Car des jeunes , sans accès à l ’ éducation , il y en a des milliers en France ; ces jeunes issus de l ' immigration ont pour certains fuit l ' innommable pour se retrouver dans un système certes différent , mais aussi violent par son manque d ' humanité marqué par la procédure . J ’ ai été interpellée par la rage de ce jeune homme : la rage de s ' en sortir , mais surtout de se battre pour les droits des autres jeunes dans sa situation . Cela demande du courage et il nous l ' a conté avec une humilité rare . Je n ' avais jamais entendu parler auparavant de son association . Mais là aussi , quelle détermination ! Ce jeune à peine majeur n ’ a pas hésité à aller à la rencontre de ministres pour faire entendre sa voix pour une cause juste qui le transcende : cela relève d ' un altruisme exceptionnel . J ' espère que la voix de cette association sera relayée pour que l ' accès à l ' éducation soit un droit pour chaque jeune présent en France .
À la fin de la causerie , j ’ ai ressenti tout d ' abord de la fierté de voir que des jeunes se battent pour la justice , mais de la honte aussi devant Saifoulaye qui , malgré son parcours , agit pour les autres ; j ’ ai été obligée de constater que nous avons parfois l ’ habitude de nous victimiser , de trouver des excuses pour ne pas agir face à une injustice , par lâcheté ou juste fainéantise . Recevoir une leçon de vie comme celle reçue ce soir-là , c ' est précieux ; cela donne envie de se lever pour les causes qui le méritent . Cette causerie m ' a déjà influencée : j ’ essaie d ' arrêter de me trouver des excuses ou de fuir . En dehors du compagnonnage il y a une vie , un État et des citoyens . Nous vivons dans une bulle que , justement , il faut percer et je m ' en fais désormais un devoir . Le compagnonnage s ' inscrit dans le monde et il doit évoluer en même temps que celui-ci . J ' espère que Saifoulaye aura insufflé à d ' autres la même envie et donné la même gifle de maturité . Je lui souhaite de poursuivre ses engagements sur ce beau chemin qui est le sien . Je le remercie pour son intervention . »
# 305 / Mars 2021