16 compagnons dépassement pas pu être corrigé ; cela fait aussi partie du jeu d ’ accepter que l ’ on n ’ atteindra pas la perfection . C ’ est avec un beau dynamisme retrouvé que j ’ ai terminé mon ouvrage . Je dois admettre qu ’ à la fin je ne pouvais plus voir « en peinture » mon travail . Pour officialiser ma Réception , j ’ ai dû présenter mon plafond grâce à des photos à la communauté de la maison de Salon-de-Provence où je fais étape cette année . Tous ont apprécié le résultat , ce qui m ’ a rendu fière .
Application de plâtre traditionnel japonais teinté sur un mur extérieur à Kyoto .
Je m ’ attendais à des critiques , je les espérais même . Si les Compagnons plâtriers ont salué l ’ esthétique du résultat , j ’ avais besoin d ’ avoir un avis technique sur mon plafond et sur de potentielles améliorations . C ’ est ma patronne qui a pu m ’ apporter son point de vue critique et des conseils pour que je me perfectionne . De leur côté , les Compagnons se sont davantage occupés de l ’ aspect compagnonnique de la Réception .
En bâtiment , les surfaces sont unies alors qu ’ en peinture de décor , on y appose volontairement des effets vieillis , salis ou usés . Mon travail de Réception a consisté en l ’ application de patines , de dorure et en la création d ’ imitations ciel et marbre . Par le passé , j ’ avais un peu été initiée à toutes ces techniques , mais je n ’ avais pas eu l ’ occasion de les mettre vraiment en pratique . De ce fait , j ’ ai passé énormément de temps sur l ’ imitation marbre . De même , les rubans m ’ ont donné du fil à retordre avec les ombres et les lumières . Je n ’ avais pas réalisé que la gestion des reliefs serait plus compliquée sur un plafond que sur un mur .
Les postures de travail ont par ailleurs compliqué l ’ avancement du projet . J ’ ai travaillé avec des coussins repose-tête , ceux que l ’ on utilise dans les avions , pour soulager ma nuque et mes épaules : j ’ avais mal partout ! Pourtant j ’ ai toujours été contente de retrouver mon plafond le soir . J ’ avais souvent de la visite , non seulement des anciens de mon corps de métier , mais aussi des jeunes et des anciens d ’ autres métiers . Cela me faisait plaisir qu ’ ils s ’ intéressent à l ’ évolution de mon ouvrage . Les maîtres de stage , ayant la clé de la salle , venaient eux aussi y jeter un œil régulièrement .
CETTE ANNÉE À TOULOUSE , J ’ AI EU LA CHANCE QUE NOUS SOYONS DE NOMBREUX ASPIRANTS À TAILLER LA RÉCEPTION . VIVANT LA MÊME CHOSE ET AU MÊME RYTHME , CELA NOUS A TOUS SOUDÉS .
Je devais finir la première semaine d ’ avril et … patatras ! Il y a eu le premier confinement ! Nous avons dû tous rentrer chez nous . J ’ étais vraiment dégoûtée de devoir tout stopper si près du but : il ne me restait plus qu ’ une semaine d ’ ouvrage ! J ’ avais fait tant d ’ efforts pour conclure cette aventure … Pendant ce temps d ’ inactivité forcée , je me suis penchée sur le dossier que je devais aussi réaliser dans le cadre de mon travail de Réception . J ’ appréhendais de revenir , mais en fait , à mon retour un mois après , j ’ ai pu poser un autre regard sur mon travail et apporter quelques améliorations , même si tout n ’ a
UNE CONFIANCE EN SOI ACCRUE Je suis heureuse de m ’ être dépassée , mais je sais que je peux faire mieux encore . J ’ ai beaucoup appris sur moi lors de cette année au rythme soutenu . Professionnellement , ce fut très instructif parce que quand on est sur son propre chantier , on se permet d ’ oser des choses . Ma patronne m ’ a pourtant dit que j ’ étais encore trop timide et que j ’ aurais pu aller encore plus loin . Elle m ’ a proposé de me reprendre après le Tour de France ; ça fait plaisir ! C ’ est une possibilité qui pourrait me tenter . À la maison de Salon-de-Provence , je suis responsable d ’ une petite équipe de jeunes , bientôt je serai maître de stage et je prends des responsabilités en entreprise . Maintenant , j ’ ai beaucoup plus confiance en moi et beaucoup moins peur de l ’ inconnu . J ’ envisage même de fonder un jour ma propre structure .
Cette année à Toulouse , j ’ ai eu la chance que nous soyons de nombreux Aspirants à tailler la Réception . Vivant la même chose et au même rythme , cela nous a tous soudés et nous avons beaucoup ri ensemble . De nombreux jeunes sont venus m ’ encourager , certains me confiant vouloir vivre la même chose . Un apprenti peintre m ’ a même demandé d ’ être sa marraine d ’ Adoption , ce qui m ’ a beaucoup touchée ! J ’ ai adoré pouvoir leur insuffler cette envie d ’ avancer . Malgré l ’ appréhension de prendre en charge un groupe d ’ apprentis , je suis convaincue que cette étape de ma vie va être très formatrice . Transmettre ma passion pour mon métier est un nouveau défi à relever !
Propos recueillis par Marie-Laure Gendron
# 305 / Mars 2021